Ilspourront entendre sonner le tocsin, feuilleter un album de coloriage de 1914, toucher des casques de poilus, comprendre une affiche envoyée dans les écoles «à la gloire de Jean Corentin
Pour accĂ©der Ă  toutes les fonctionnalitĂ©s de ce site, vous devez activer les cookies. Dela mĂȘme maniĂšre, les prĂ©sidents de la V e RĂ©publique perpĂ©tuent Ă  leur façon une tradition de reprĂ©sentation du pouvoir, avec son apparat ou non. De 1958 Ă  nos jours, on peut distinguer deux traditions diffĂ©rentes. La premiĂšre, classique, reprĂ©sente le prĂ©sident arborant les symboles de sa dignitĂ©. DerniĂšre mise Ă  jour 15 FĂ©vrier 2022 DĂ©finitions OpĂ©rations sur les matrices Addition, soustraction Multiplication par un nombre Transposition Multiplication des matrices Inversion des matrices carrĂ©es DĂ©terminant d'une matrice carrĂ©e Application aux systĂšmes d'Ă©quations linĂ©aires Formulation matricielle Cas d'une matrice rĂ©guliĂšre Cas d'une matrice singuliĂšre I. DĂ©finitions Une matrice n × m est un tableau de nombres Ă  n lignes et m colonnes Exemple avec n = 2, m = 3 n et m sont les dimensions de la matrice. Une matrice est symbolisĂ©e par une lettre en caractĂšres gras, par exemple A. On note Aij l'Ă©lĂ©ment situĂ© Ă  l'intersection de la ligne i et de la colonne j la ligne est toujours nommĂ©e en premier. On note [Aij] la matrice d'Ă©lĂ©ment gĂ©nĂ©ral Aij. On a donc A = [Aij] Si m = 1, la matrice est appelĂ©e vecteur plus prĂ©cisĂ©ment vecteur-colonne Dans ce chapitre, nous utiliserons des lettres majuscules pour les matrices et des lettres minuscules pour les vecteurs, mais ce n'est pas obligatoire. Si n = m, la matrice est appelĂ©e matrice carrĂ©e. Quelques matrices carrĂ©es particuliĂšres Exemples avec n = 4 Matrice unitĂ© Parfois notĂ©e In n est la dimension de la matrice soit I4 dans cet exemple Matrice diagonale notĂ©e diagDii Matrice triangulaire supĂ©rieure Upper triangular matrix, U Matrice triangulaire infĂ©rieure Lower triangular matrix, L Une matrice carrĂ©e A est dite symĂ©trique si Aji = Aij pour tout i diffĂ©rent de j II. OpĂ©rations sur les matrices Addition, soustraction L'addition et la soustraction des matrices se font terme Ă  terme. Les matrices doivent avoir les mĂȘmes dimensions Multiplication par un nombre Chaque terme de la matrice est multipliĂ© par le nombre Transposition La transposĂ©e AT aussi notĂ©e A' d'une matrice A est la matrice obtenue en Ă©changeant les lignes et les colonnes de A La transposĂ©e d'un vecteur-colonne est un vecteur-ligne Multiplication des matrices DĂ©finissons tout d'abord le produit d'un vecteur-ligne xT par un vecteur-colonne y Ce produit est appelĂ© produit scalaire des vecteurs x et y, notĂ© x y. Les vecteurs doivent avoir la mĂȘme dimension. Le produit matriciel s'en dĂ©duit le produit de la matrice A n × m par la matrice B m × p est la matrice C n × p telle que l'Ă©lĂ©ment Cij est Ă©gal au produit scalaire de la ligne i de la matrice A par la colonne j de la matrice B. Exemple On a en effet, en effectuant les produits ligne par colonne PropriĂ©tĂ©s Le produit matriciel est associatif ABC = ABC = ABC distributif par rapport Ă  l'addition AB + C = AB + AC non commutatif AB n'est pas Ă©gal Ă  BA en gĂ©nĂ©ral. La matrice unitĂ© I est Ă©lĂ©ment neutre pour la multiplication AIm = InA = A, si la matrice A est de dimensions n × m. TransposĂ©e d'un produit ABT = BTAT Attention au changement d'ordre !. Quelques produits particuliers x et y sont des vecteurs-colonnes, A est une matrice Inversion des matrices carrĂ©es Une matrice carrĂ©e A est dite inversible ou rĂ©guliĂšre s'il existe une matrice carrĂ©e A-1 appelĂ©e matrice inverse telle que A × A-1 = A-1 × A = I Si A-1 n'existe pas, la matrice A est dite singuliĂšre PropriĂ©tĂ©s A-1-1 = A AT-1 = A-1T AB-1 = B-1A-1 Attention au changement d'ordre ! [diagDii]-1 = diag1/Dii La matrice A est dite orthogonale si A-1 = AT DĂ©terminant d'une matrice carrĂ©e Pour une matrice 2 × 2, on montre que la matrice inverse est donnĂ©e par Le nombre ad - bc est appelĂ© dĂ©terminant de la matrice A, notĂ© La matrice inverse A-1 n'existe donc que si det A est diffĂ©rent de zĂ©ro. La matrice A est singuliĂšre si det A = 0, rĂ©guliĂšre dans le cas contraire. Ce rĂ©sultat se gĂ©nĂ©ralise Ă  une matrice de dimension quelconque. PropriĂ©tĂ©s des dĂ©terminants detAT = detA detAB = detA × detB Le dĂ©terminant d'une matrice triangulaire ou diagonale est Ă©gal au produit des Ă©lĂ©ments diagonaux. En particulier, detI = 1 si I est la matrice unitĂ© Si A est rĂ©guliĂšre, detA-1 = 1 / detA puisque detAA-1 = detA × detA-1 = detI = 1 Si A est orthogonale, detA = ±1 puisque detAAT = [detA]2 = detI = 1 III. Application aux systĂšmes d'Ă©quations linĂ©aires Formulation matricielle Un systĂšme de n Ă©quations linĂ©aires Ă  n inconnues est de la forme a11x1 + a12x2 + ... + a1nxn = b1 a21x1 + a22x2 + ... + a2nxn = b2 .................................................... an1x1 + an2x2 + ... + annxn = bn oĂč les aij sont les coefficients du systĂšme, les xi les inconnues et les bi les termes constants. Un tel systĂšme peut s'Ă©crire sous forme matricielle Ax = b avec Cas d'une matrice rĂ©guliĂšre Si la matrice A est rĂ©guliĂšre, on a, en multipliant Ă  gauche par A-1 A-1Ax = A-1b Soit x = A-1b Exemple Soit le systĂšme de 2 Ă©quations Ă  2 inconnues 2x1 + 3x2 = 9 x1 - x2 = 2 On a successivement Soit x1 = 3, x2 = 1. Cas d'une matrice singuliĂšre Lorsque la matrice est singuliĂšre, deux cas sont Ă  envisager SystĂšme indĂ©terminĂ© S'il est possible d'exprimer p Ă©quations en fonction des autres, le systĂšme admet une infinitĂ© de solutions. On peut retenir le vecteur x qui a la plus faible norme. L'ensemble des solutions forme un sous-espace de dimension r = n - p dans l'espace de dimension n. Le nombre r est le rang de la matrice. Exemple x1 + x2 = 3 2x1 +2x2 = 6 Le dĂ©terminant vaut 1 × 2 - 1 × 2 = 0. La matrice est bien singuliĂšre. La deuxiĂšme Ă©quation est Ă©gale Ă  la premiĂšre multipliĂ©e par 2. Il n'y a en fait qu'une seule Ă©quation x1 + x2 = 3. C'est l'Ă©quation d'une droite espace de dimension 1 dans le plan x1, x2. La matrice est de rang 1. SystĂšme impossible Si les Ă©quations ne peuvent pas ĂȘtre exprimĂ©es les unes en fonction des autres, le systĂšme n'admet aucune solution. On peut cependant calculer un vecteur x tel que la norme du vecteur Ax - b soit minimale bien que non nulle. Ce vecteur constitue la meilleure approximation de la solution au sens des moindres carrĂ©s voir les cours de Statistiques. Exemple x1 + x2 = 3 2x1 +2x2 = 8 La deuxiĂšme Ă©quation divisĂ©e par 2 donnerait x1 + x2 = 4, ce qui est incompatible avec la premiĂšre Ă©quation. Le systĂšme n'a pas de solution.
Lartiste Victor ProuvĂ© rĂ©alisa en 1919, Ă  la demande du ministĂšre de l’Instruction Publique, une affiche cĂ©lĂ©brant la gloire du hĂ©ros disparu auprĂšs des jeunes Ă©coliers de France. Jean Corentin CarrĂ© fut ainsi Ă©levĂ© aprĂšs la guerre au rang de hĂ©ros national. Il devint pour tous le « saints des Ă©coliers » Situation problĂšme
Chaque trimestre, l'Ă©lĂ©phant vous fait dĂ©couvrir un lieu Ă  travers 10 Ă©vĂ©nements phares. Parmi les rĂ©gions françaises, la Bretagne est l’une de celles qui a la plus forte identitĂ© distincte. Cette identitĂ© spĂ©cifique puise dans la riche histoire de ce territoire aux marges de l’espace national, qui possĂšde deux langues encore utilisĂ©es bien que dĂ©clinantes en nombre de locuteurs. Comme l’Alsace ou la Corse, la Bretagne est une rĂ©gion pĂ©riphĂ©rique oĂč le français ne s’est imposĂ© que tardivement. Comme la Bourgogne voir l’élĂ©phant no 14, elle a formĂ© au Moyen Âge un État puissant qui a pu rivaliser un temps avec le royaume de France avant que celui-ci ne s’impose Ă  lui par les armes. Autre spĂ©cificitĂ©, ce territoire dĂ©coupĂ© par l’ocĂ©an qui a donnĂ© son premier nom Ă  la rĂ©gion Armor » signifie en effet sur ou devant la mer », par opposition Ă  l’ Argoat », le pays du bois ». Avant de revenir avec l’historien JoĂ«l Cornette sur les enjeux de ces spĂ©cificitĂ©s, nous vous proposons de remonter le temps pour y repĂ©rer les moments qui ont contribuĂ© Ă  façonner la rĂ©gion. Pour cela, il faudra tenter de faire la part entre l’histoire et ce qui relĂšve des mythes, si nombreux et si souvent Ă©voquĂ©s lorsqu’il s’agit de la Bretagne. Certains de ces mythes sont nĂ©s des nombreuses traces d’un passĂ© lointain et mal connu. Ainsi, le dĂ©but du Ve millĂ©naire avant notre Ăšre est l’époque des monuments mĂ©galithiques dolmens, cairns et autres menhirs, si nombreux dans la rĂ©gion jusqu’à en devenir un phare de la Vieille, Ă  la pointe du Raz. BZPHOTO/FOTOLIA Par la suite, au milieu du IIIe millĂ©naire, les hommes du bronze s’installent, venus probablement par la Manche. Ils maĂźtrisent les techniques d’extraction et de travail des mĂ©taux. L’Armorique est intĂ©grĂ©e dans les Ă©changes, nombreux Ă  l’échelle du continent, qui se font notamment par l’ocĂ©an. Des populations celtes s’installent ensuite dans la rĂ©gion et s’y mĂȘlent aux habitants. La production de pierre polie en granit a bonne rĂ©putation et est en grande partie exportĂ©e vers le sud et la MĂ©diterranĂ©e. Mais le dĂ©veloppement de la mĂ©tallurgie du fer plus Ă  l’est marginalise la pĂ©ninsule au vie siĂšcle avant notre Ăšre. Il faut attendre l’essor de l’exploitation du sel dans le sud de l’Armorique, Ă  partir du ive siĂšcle, pour que la rĂ©gion retrouve une place dans les Ă©changes. Les MĂ©diterranĂ©ens s’intĂ©ressent Ă  ce territoire. Avant les Romains, l’explorateur massaliote PythĂ©as voir l’élĂ©phant no 15 y accoste Ă  la fin de ce siĂšcle, sur sa route vers les mines d’étain et les Ăźles plus septentrionales. La conquĂȘte romaine est l’Ɠuvre, ici comme dans le reste de la Gaule, de Jules CĂ©sar, qui vainc les puissants VĂ©nĂštes lors d’un affrontement naval au large du golfe du Morbihan en - 56. L’Armorique romaine est formĂ©e par des citĂ©s dont le territoire correspond Ă  celui des peuples qui y vivent les Osismes Ă  l’ouest autour de Vorgium Carhaix, les Coriosolites dans l’est de l’actuel dĂ©partement des CĂŽtes-d’Armor autour de Fanum Martis Corseul, les Riedones autour de Condate Rennes, les NamnĂštes au nord de Condevicnum Nantes et enfin les VĂ©nĂštes autour de Darioritum Vannes. La romanisation, d’abord culturelle, se fait d’autant plus facilement que la Britannia l’actuelle Grande-Bretagne est Ă©galement conquise en - siĂšcle Quand l’Armorique devient la Bretagne L’arrivĂ©e des Bretons et une christianisation originale AprĂšs le IIIe siĂšcle de notre Ăšre, de nouveaux peuples s’installent dans l’Empire romain. Pour protĂ©ger l’Armorique, les Romains y dĂ©placent, au ive siĂšcle, des soldats de leur armĂ©e venus de la grande Ăźle de Bretagne l’actuelle Grande-Bretagne ils dĂ©fendent les rivages contre les pirates saxons ou frisons. En 410, l’üle de Bretagne est d’ailleurs abandonnĂ©e aux Angles, Saxons et autres Jutes par les Romains. Une deuxiĂšme pĂ©riode d’installation de Bretons semble avoir lieu au vie siĂšcle. Fuyant les Scots d’Irlande, les Pictes ou les Angles, ils viennent surtout de l’actuel pays de Galles et des Cornouailles. La persistance de toponymes similaires de part et d’autre de la Manche tĂ©moigne de cette origine. Ainsi, la DomnonĂ©e en Armorique fait pendant au Devon et la Cornouaille au Cornwall. Les Bretons s’installent surtout dans la DomnonĂ©e, qui couvre les territoires des Osismes et des Coriosolites au nord et Ă  l’ouest. C’est dans cette partie de l’actuelle Bretagne que domine encore aujourd’hui le prĂ©fixe plou-, communautĂ© », forgĂ© par les Bretons. À l’inverse, les toponymes en -ac, plus clairement latins, dominent Ă  l’est. La coupure linguistique entre le parler breton et le parler gallo dialecte roman est un hĂ©ritage de cette Ă©poque, mĂȘme si la limite glissera vers l’ de l'abbaye de LandĂ©vennec Xe siĂšcle. Bodleian Library Oxford DR C’est avec les Bretons, guerriers et paysans, que le christianisme prend durablement racine dans la pĂ©ninsule. Leur cortĂšge de saints », jamais reconnus officiellement par l’Église catholique, est porteur d’une religion et de pratiques singuliĂšres. Les communautĂ©s ne s’organisent pas autour de l’évĂȘque et de sa ville, comme c’est le cas plus Ă  l’est, mais Ă  l’échelle d’une paroisse créée par un saint », souvent un ancien ermite. Les plus importants d’entre eux sont Ă  l’origine du mythe des sept saints Ă©vangĂ©lisateurs, fondateurs des sept Ă©vĂȘchĂ©s de Bretagne avant que Rennes et Nantes ne viennent complĂ©ter la liste Samson, Malo, Brieuc, Tugdual, Pol AurĂ©lien, Corentin et Patern. Le Tro Breiz tour de Bretagne », pĂšlerinage consistant Ă  faire le tour des sept sanctuaires, se dĂ©veloppera au cours du Moyen Âge. C’est Ă  partir du xie siĂšcle, en effet, que les vies de saints et les chroniques construisent le mythe de l’arrivĂ©e des Bretons dirigĂ©s au ve siĂšcle par le lĂ©gendaire Conan MĂ©riadec, premier souverain d’une terre dĂ©sormais appelĂ©e Bretagne. Ce nom de Bretagne » pour la pĂ©ninsule armoricaine est employĂ© dĂšs le milieu du vie siĂšcle par le Byzantin Procope de CĂ©sarĂ©e puis par GrĂ©goire de Tours, source essentielle avant que les Ă©crits se fassent plus rares sur la siĂšcle Naissance d’une principautĂ© indĂ©pendante Entre Vikings et Francs, la Bretagne s’étend vers l’est L’arrivĂ©e des Bretons a coĂŻncidĂ© avec l’arrivĂ©e en Gaule des Francs. Ces derniers n’exercent qu’un contrĂŽle indirect sur la Bretagne au temps des MĂ©rovingiens. L’avĂšnement des Carolingiens au milieu du VIIIe siĂšcle contribue Ă  rebattre les cartes voir l’élĂ©phant no 17. Ils font de la Bretagne une marche, briĂšvement gouvernĂ©e par Roland. Le comte de Poher, NominoĂ«, obtient la confiance de Louis le Pieux, successeur de Charlemagne, mais se rebelle contre son fils Charles le Chauve, qu’il bat Ă  Ballon en 845. Il est le premier d’une sĂ©rie de souverains qui parviennent Ă  s’émanciper de la tutelle franque en agrandissant leur territoire. Si NominoĂ« domine jusqu’à une ligne Dol-Redon, ses successeurs ErispoĂ« r. 851-857 et Salomon r. 857-874 Ă©tendent vers l’est leur territoire jusqu’à Angers et s’emparent de Rennes, de Nantes, du Cotentin et de l’Avranchin. Salomon est alors considĂ©rĂ© comme un vĂ©ritable monarque en limites du royaume de Bretagne au IXe siĂšcle. DR Mais les querelles de succession et la multiplication des attaques vikings ne permettent pas d’inscrire cette monarchie dans la durĂ©e. AprĂšs avoir saccagĂ© Nantes dĂšs 843, les Vikings sont en effet en passe de faire de la Bretagne une seconde Normandie. Les moines de LandĂ©vennec et de Redon sont contraints de fuir avec leurs trĂ©sors plus Ă  l’est. Le souverain lui-mĂȘme, successeur de Salomon, part vers l’Angleterre. Il faut attendre les succĂšs d’Alain Barbetorte r. 936-952, qui a chassĂ© les Vikings de Nantes en 937, pour assister Ă  une accalmie et Ă  la restauration d’un pouvoir breton autonome puisqu’Alain devient le premier souverain Ă  porter le titre de duc de Bretagne. L’extension de la Bretagne et la menace viking ont contribuĂ© au relĂąchement des liens sĂ©culaires entre les deux Bretagnes – de chaque cĂŽtĂ© de la Manche – et au rééquilibrage de la principautĂ© bretonne vers l’est. La cour rĂ©side dĂ©sormais Ă  Nantes ou Ă  Rennes et les Ă©lites bretonnes sont de plus en plus liĂ©es au monde franc tout en cĂ©lĂ©brant leurs origines. L’intĂ©rĂȘt pour le passĂ© plus ou moins mythique de la pĂ©ninsule grandit en effet au cours du Moyen Âge, que ce soit les vies des saints ou la lĂ©gende arthurienne. Le systĂšme fĂ©odal qui se met en place dans les siĂšcles suivants permet Ă  la rĂ©gion de s’insĂ©rer dans ce rĂ©seau d’appartenances et d’allĂ©geances croisĂ©es. La noblesse de Bretagne connaĂźt une densitĂ© forte. L’Église participe Ă  ce rĂ©seau. Le cartulaire de Redon, source majeure rassemblant au xie siĂšcle des titres de propriĂ©tĂ© de l’abbaye remontant jusqu’au IXe siĂšcle, en constitue un remarquable siĂšcle Entre France et Angleterre Guerre de succession et Ă©quilibre des puissances Les liens anciens avec l’Angleterre et le voisinage du royaume de France font de la Bretagne un enjeu dans les luttes entre CapĂ©tiens et PlantagenĂȘt. Ces derniers, dont les terres bordent le duchĂ© Ă  l’est, hĂ©ritent du trĂŽne d’Angleterre avec Henri II en 1154. Henri se pose en protecteur et impose le mariage de Constance, l’hĂ©ritiĂšre de Bretagne, avec son fils Geoffroy. Leur fils Arthur devient duc r. 1196-1203, mais il est probablement assassinĂ© par son oncle, le roi d’Angleterre Jean sans Terre. Celui-ci perd la plupart de ses possessions dans le royaume de France, en Normandie et en Anjou, au profit du roi de France Philippe II Auguste. Ce triomphe sur Jean permet Ă  Philippe d’imposer son champion, Pierre de Dreux r. 1213-1250, Ă  la tĂȘte du duchĂ©. La Bretagne retombe donc dans l’orbite du royaume de France pour plus d’un siĂšcle. Les ducs de la maison de Dreux dotent la principautĂ© d’instruments de souverainetĂ© tels que la frappe de la monnaie. Jean II r. 1286-1305 parvient Ă  faire reconnaĂźtre le titre ducal par Philippe le Bel en 1297. Et c’est en 1318 que Jean III r. 1312-1341 adopte comme symbole les hermines pleines. Son rĂšgne apparaĂźt comme une pĂ©riode de paix, de prospĂ©ritĂ© et de stabilitĂ© avant les troubles qui s’ bataille d’Auray 1364 voit la victoire de Jean IV de Bretagne Ă  gauche sur Charles de Blois-PenthiĂšvre. Enluminure incluse dans la Compillation des Cronicques et ystores des Bretons de Pierre Le Baud, xve siĂšcle. À sa mort en 1341, deux prĂ©tendants s’opposent, soutenus chacun par un des protagonistes de la guerre de Cent Ans Jean de Montfort est soutenu par Édouard III d’Angleterre tandis que Charles de Blois-PenthiĂšvre a l’appui de Jean II le Bon puis de Charles V. La Bretagne devient ainsi un terrain d’affrontements entre les deux monarchies. Les Anglais d’Édouard III puis de Richard II contrĂŽlent alors certaines parties du littoral, en particulier Brest. Des Bretons combattent dans chaque camp. Bertrand du Guesclin se distingue au service du roi de France, qui le fait connĂ©table, tout comme Olivier de Clisson aprĂšs lui. Les Ă©pouses des deux prĂ©tendants, Jeanne de Flandre et Jeanne de PenthiĂšvre, apparaissent comme les partisanes les plus actives et les plus essentielles, en particulier lors des captivitĂ©s de leurs maris. La mort de Charles Ă  la bataille d’Auray, remportĂ©e en 1364 par Jean IV r. 1365-1399, donne la victoire aux Montfort mĂȘme si la poursuite des affrontements entre Français et Anglais touchera rĂ©guliĂšrement la Bretagne jusqu’au milieu du xve siĂšcle. La guerre de succession a rĂ©vĂ©lĂ© une fracture ancienne entre deux Bretagnes l’est et le sud ainsi que les grands nobles ont davantage penchĂ© pour les PenthiĂšvre tandis que le littoral nord et ouest ainsi que la petite noblesse ont ralliĂ© les siĂšcle Un État princier en construction FiscalitĂ© et justice au service des ducs AprĂšs les guerres de succession et sans doute en partie en raison de la nĂ©cessitĂ© de renforcer l’outil militaire, un État breton se met en place au cours du xve siĂšcle. À l’image de ce qui se passe en Bourgogne Ă  la mĂȘme Ă©poque, le morcellement territorial en moins, les ducs parviennent Ă  pĂ©renniser les instruments de leur souverainetĂ© en s’appuyant sur la fiscalitĂ© et la justice. Les efforts menĂ©s par ses prĂ©dĂ©cesseurs depuis Jean IV permettent Ă  François II r. 1458-1488 de se dire duc par la grĂące de Dieu », Ă  l’image des rois. En plus du duc et de son conseil, qui se rĂ©unit Ă  Vannes puis Ă  Nantes, un chancelier est responsable de l’exĂ©cution des dĂ©cisions et une chambre des comptes contribue Ă  la mise en place d’une fiscalitĂ© ducale permanente. D’ailleurs, la place croissante des finances est dĂ©montrĂ©e de maniĂšre Ă©clatante par la figure montante de Pierre Landais, trĂ©sorier et receveur gĂ©nĂ©ral, qui s’impose Ă  la tĂȘte du gouvernement ducal en de François II et de sa femme Marguerite, commandĂ© par leur fille Anne devenue reine de France. CathĂ©drale de Nantes, 1507. DR Les Ă©tats de Bretagne, qui siĂšgent temporairement dans diffĂ©rentes villes, reprĂ©sentent le peuple » en ses trois Ă©tats clercs, nobles et bourgeois des villes. Ils comportent Ă©galement en leur sein l’équivalent d’un parlement dont le rĂŽle est judiciaire, fonction exercĂ©e par des officiers du pouvoir. Mais il est toujours possible de faire appel auprĂšs du parlement de Paris, signe du maintien d’une dĂ©pendance. Par ailleurs, François II obtient du pape le droit d’ouvrir une universitĂ© Ă  Nantes en 1460. Les Ă©tudiants bretons, trĂšs nombreux dans les universitĂ©s du royaume de France, pourront dĂ©sormais ĂȘtre formĂ©s dans le duchĂ©. L’imaginaire d’une nation de Bretagne se dĂ©veloppe au xve siĂšcle, encouragĂ© par les souverains, y compris par Anne, devenue reine de France mais qui n’a pas renoncĂ© Ă  transmettre Ă  l’un de ses enfants un trĂŽne ducal distinct du trĂŽne royal. C’est elle qui commande Ă  Pierre Le Baud, en 1498, son Histoire de Bretagne, publiĂ©e en 1505. Il s’agit de s

Ala gloire de Jean Corentin Carre héros du Faquet soldat à quinze ans mort pour la patrie Aviateur 1918

Au Mans du 16 mars au 7 avril LE MOT DU MAIRE La Ville du Mans est heureuse d’accueillir l’édition 2019 du festival Les Photographiques’’ qui invite Ă  la dĂ©couverte d’auteurs photographes d’une grande qualitĂ©. Cette annĂ©e, Ă  travers l’artiste invitĂ© Vincent Gouriou, Les Photographiques’’ mettent l’accent sur la condition humaine et appellent Ă  porter un regard sur ce que nous sommes, par une approche sensible et plastique du portrait. Au-delĂ  de sa dimension esthĂ©tique, le festival Les Photographiques’’ est surtout un moment vivant et dynamique, au cƓur d’une saison culturelle riche et diversifiĂ©e, mettant en valeur tous les Le Foll / Maire du Mans / PrĂ©sident de Le Mans MĂ©tropole / Ancien Ministre LE MOT DU PRÉSIDENT Les auteurs photographes, Ă  l'instar des autres corps artistiques, sont sensibles Ă  l'humain en tant qu'individu, Ă  l'humanitĂ© et son devenir ainsi qu'au monde qui les abrite. Ils tentent de transmettre leurs prĂ©occupations, chacun employant pour ce dessein, une Ă©criture qui lui est propre. Les Photographiques 2019, retranscrivent ces ''points de vue'' Ă  travers une sĂ©lection mĂȘlant des travaux autour de l'identitĂ©, intime ou commune, et d'autres, relevant d'interrogations sociĂ©tales et environnementales. Laurent DELHAYE / PrĂ©sident de l’association festival de l’image, organisatrice des Photographiques Cette Ă©dition propose une nouvelle fois de dĂ©couvrir, aux cĂŽtĂ© de l’exposition du photographe invitĂ© Ă  la CollĂ©giale St Pierre La Cour, un ensemble de travaux sĂ©lectionnĂ©s dans le cadre d’un appel Ă  auteurs prĂ©sentĂ©s au Mans au Centre des Expositions Paul Courboulay mais aussi au sein de structures partenaires le Centre d’art MoulinSart Ă  FillĂ©/Sarthe, l’Éolienne Ă  Arnage et la mĂ©diathĂšque Louise Michel Ă  nouveautĂ©s carte blanche Ă  Undertaker au parc ThĂ©odore Monod, projection permanente d’extraits de portfolios d’artistes prĂ©sĂ©lectionnĂ©s au centre des expositions Paul Courboulay, partenariat avec Corridor Elephant, maison d’édition et revue en ligne et avec le cinĂ©ma Les CinĂ©astes qui projettera trois films parlants de nouveau, place est faite au Programme AssociĂ©, programmation d’expositions de divers lieux de la ville et du dĂ©partement. Notre invitĂ© La sĂ©rie ''SingularitĂ©s'' par Vincent Gouriou, explore la condition humaine, les transitions de l'enfance Ă  la vieillesse, l'Ă©volution des corps, des sexualitĂ©s. C'est Ă  travers un prisme plastique et esthĂ©tique, transcendant ces portraits, qu'il nous donne Ă  voir les diffĂ©rences et pose la question de la normalitĂ©. Les sĂ©lectionnĂ©s de l'appel Ă  auteurs ''Le temps des grenadines'' par Dan Aucante, rĂ©veille nos souvenirs d'enfance Ă  travers une lecture en noir et blanc de ce prĂ©ambule de la vie insouciant du temps qui passe. Une Ă©criture nostalgique que nous aimerions tous avoir en commun. ''Les Pinocchios'' de Philippe Chardon nous amĂšnent Ă  la frontiĂšre du rĂȘve et du rĂ©el. Chacune de ses crĂ©ations numĂ©riques nous renvoie Ă  des situations vĂ©cues, tel Pinocchio, comme les grandes traversĂ©es, la pauvretĂ©, ou encore nos liens Ă  l'animal
 C'est en observant les compositions que ces frontiĂšres s'estompent en traduisant le sens du rĂ©el. Isabeau de Rouffignac revient sur une catastrophe humaine et environnementale symptomatique de la frĂ©nĂ©sie industrielle contemporaine. Les femmes de ''Bhopal leur colle Ă  la peau'' portent, pour ces portraits, des saris imprimĂ©s d'images et de textes rappelant l'explosion d'une usine de pesticides en Inde en 1984, laissant s'Ă©chapper un gaz mortel dans les artĂšres de la ville. Sandrine Elberg Ă©voque ''Yuki-Onna'', personnage fantomatique de l'imaginaire japonais. ''La femme des neiges'', cet esprit qui apparaĂźt la nuit dans les paysages enneigĂ©s, figure la beautĂ© glacĂ©e de l'hiver. Avec ''Double Je'', Isabelle I joue de son apparence, se mĂ©tamorphose devant l'objectif et relĂšve des questions d'identitĂ© physique, psychique et spirituelle. Le ''je'' est interprĂ©tĂ© Ă  travers le masque graphique fait de ses mains camouflants son visage. Sommes nous visibles seulement par notre apparence ? ''Person_'', de Nicolas Ruann, mĂ©taphore de la surconsommation, confronte l'humain Ă  ses propres excĂšs. Des colonnes vertĂ©brales sculptĂ©es sont juxtaposĂ©es aux portraits de ces femmes et hommes envahis par leurs tentations. ''Anaon'', le peuple des Ăąmes en peine, nous emmĂšne auprĂšs des lĂ©gendes de Basse-Bretagne. AurĂ©lie Scouarnec, imprĂ©gnĂ©e de ces rĂ©cits, cherche les empreintes laissĂ©es dans la roche, la terre, mais aussi les traces imaginaires laissĂ©es par l'humain et l'animal. MichaĂ«l Massart retrace la vie d'un ĂȘtre hybride, homme-ordinateur, objet de consommation destinĂ© Ă  une fin paramĂ©trĂ©e par le biais de l'obsolescence programmĂ©e. De l'exaltation du dĂ©ballage Ă  la mise au rebut de cet objet tellement dĂ©sirĂ©, ''Very fast Trip'' dĂ©nonce, avec humour, les excĂšs dictĂ©s par nos sociĂ©tĂ©s consumĂ©ristes. ''Les rĂ©sistants'' de Christophe Hargoues vivent sur l'Ăźle de Sein. AlimentĂ©s en Ă©lectricitĂ© par une centrale au fioul dĂ©versant d'Ă©normes quantitĂ©s de CO2, des habitants Ɠuvrent pour utiliser l'Ă©nergie, si vivace, des Ă©lĂ©ments naturels. Ces images, portraits d'Ăźliens engagĂ©s ou sympathisants, accompagnĂ©es de vues des Ă©lĂ©ments en mouvement, illustrent ce combat, portĂ© en justice contre leur fournisseur d'Ă©nergie depuis 2013. Sophie Carles nous expose les traces laissĂ©es par la nature sur ses ''Tiers paysages'', comme une exploration archĂ©ologique des empreintes d'une industrie dĂ©sertĂ©e par l'humain et redessinĂ©e par le vĂ©gĂ©tal. L'installation de l'artiste est aussi composĂ©e de cartes postales, sur lesquelles elle cultive de la mousse, tĂ©moins d'une Ăšre industrielle que la plante recouvre. Elle y associe l'Ă©rosion du temps sur la photographie, Ă©lĂ©ment de la modernitĂ©. Le partenariat Corridor ÉlĂ©phant Corridor ÉlĂ©phant, magazine en ligne et maison d'Ă©dition dĂ©diĂ©s Ă  la photographie, Ă©diteur de la revue papier en Ă©dition limitĂ©e NIEPCEBOOK invite, en partenariat avec Les Photographiques, ValĂ©rie Simonnet. Avec ''Escape game'', elle saisit des moments ou la rupture entre l'homme et son environnement semble imminente, des instants fragiles oĂč l'architecture nous submerge. Ce partenariat permet en outre à l’un de nos auteurs, Dan Aucante, de figurer dans le prochain numéro du NIEPCEBOOK. Carte Blanche Les Photographiques proposent une carte blanche Ă  Undertaker, jeune collectif manceau Ɠuvrant Ă  la diffusion artistique. Avec les travaux de Emma Mauger / Vulveception’’, Maxime Bihoreau / Puppets’’, Jean-Michel Regoin / Watching Me Watching You’’, Peter Winfield image ci contre Projection Extraits de portfolios issus de la prĂ©sĂ©lection de l'appel Ă  auteurs. Avec les travaux de “Les mĂ©tamorphoses de ProtĂ©e”, ÉMILIE ARFEUIL “Les mĂ©tamorphoses de ProtĂ©e”, ÉMILIE ARFEUIL“Solo”, ARTHY MAD“Dolor”, CHARLOTTE AUDUREAU“Blue Bird”, CÉCILE BALDEWYNS“Refuzniks, dire non Ă  l’armĂ©e en IsraĂ«l”, MARTIN BARZILAÏ“Seule avec toi”, HÉLOÏSE BERNS“Les orphelins du Poopo, rĂ©cit d’un lac disparu”, ÉMILIEN BUFFARD“L’Heure Bleue”, ANNE-SOPHIE COSTENOBLE“Hous’Us”, CUSHMOK“Punk, love and kindness”, NIKO DJAVANSHIR“The Last Straw”, MAXIME MATTHYS“Je marche sur tes traces”, LAURE PUBERT“La main du singe”, MYRIAM RAMOUSSE“I am a superhero”, DOMINIQUE SÉCHER Hors cadre 8 En parallĂšle de la programmation des Photographiques, la MJC Ronceray accueille chaque annĂ©e plusieurs photographes sur ses murs. L’occasion de dĂ©couvrir de jeunes talents issus de la rĂ©gion. Avec les travaux de Corentin Gaborit, Edwige Lesiourd / Antr’eau’’ image ci-contre, Thibault Pierrisnard, Jin Fangru / Nouvelles briques de mur ancien’’ Le Programme associĂ© Off des Photographiques, le Programme associĂ© propose aux lieux dĂ©sireux de se lier Ă  l'Ă©vĂšnement, de programmer leurs propres expositions sur la durĂ©e du festival. LES PARTENAIRES Les Photographiques 2019 sont organisĂ©es par l’association Festival de l’image, grĂące aux financeurs institutionnels aux partenaires techniques ‱ les services de la Ville du Mans et de Le Mans MĂ©tropole,‱ les MusĂ©es du Mans,‱ la MJC du Ronceray au Mans,‱ le cinĂ©ma Les CinĂ©astes‱ le Centre d’art de l’Ile de Moulinsart et la CommunautĂ© de Communes du Val de Sarthe,‱ l’Éolienne Ă  Arnage,‱ la MĂ©diathĂšque Louise Michel Ă  Allonnes, Ă  notre partenaire presse Ă  notre partenaire pĂ©dagogique Et Ă  notre partenaire pour l’hĂ©bergement des auteurs L'association Festival de l'image, organisatrice des Photographiques adhĂšre au PĂŽle arts visuels Pays de la Loire. LES PHOTOGRAPHIQUES 2019 / PROGRAMMATION Vincent Gouriou ''SINGULARITÉS'' À la collĂ©giale Saint-Pierre-La-Cour / Le Mans Avec des Ɠuvres d’une grande beautĂ© plastique et une Ă©tonnante maĂźtrise photographique, Vincent Gouriou s’approche des qualitĂ©s picturales des grands maĂźtres de la peinture flamande pour entrer au plus prĂšs de l’intime et de la beautĂ©. Le sujet est modelĂ© par la lumiĂšre dans des mises en scĂšne oĂč la fragilitĂ© des apparences peut se muer en force de fiction transgenres, homosexuelles, hĂ©tĂ©rosexuelles. OĂč en sont l’identitĂ© sexuelle et le genre aujourd’hui ? Vincent Gouriou cherche. Ce photographe, attirĂ© par la marge, parle des fĂȘlures, avec comme prisme, sa profonde douceur. Finesse des dialogues silencieux, il signe le passage, la musique de l’intime qui n’a pas peur des dissonances, dans une vague d’images silencieuses qui sĂ©duisent ou dĂ©rangent, mais ne laissent jamais Gouriou cherche par l’acte photographique Ă  montrer l’infinie nuance des corps singuliers. Des diffĂ©rences et ressemblances. Il s’intĂ©resse aux transformations, qui peuvent ĂȘtre liĂ©es Ă  l’adolescence, Ă  la maladie, Ă  la vieillesse. Pour cette exposition, il s’intĂ©resse aussi Ă  l’identitĂ© sexuelle et s’interroge sur la normalitĂ©.Je cherche ce qui est universel, j’essaie de trouver un lien entre ces personnes si diffĂ©rentes, mais qui ont pourtant quelque chose en commun une humanitĂ© peut-ĂȘtre ?’’Ce quelque chose de sincĂšre, de simple chez chacun lui renvoie sans doute en miroir cette recherche de en essayant au fil des annĂ©es d’aller au-delĂ  de lui-mĂȘme. D’aller plus loin encore. L'auteur Vincent Gouriou Dan Aucante ''LE TEMPS DES GRENADINES'' Au centre des expositions Paul Courboulay / Le Mans Depuis 2004, avec la complicitĂ© de ses deux fils, Dan Aucante capte l’essence de l’enfance, en observateur attentif de ses garçons mais aussi en effectuant un retour sur sa propre enfance. Il donne ainsi une vision hors du temps, dans une unitĂ© de lieu indĂ©fini, oĂč les signes, symboles et secrets ont toute leur Aucante malaxe l’enfance comme une matiĂšre premiĂšre, y enchevĂȘtrant deux temporalitĂ©s, les jeux et rites qu’il saisit de se propres enfants auxquels rĂ©pondent les souvenirs de ses propres jeunes annĂ©es. Il nous livre ensuite cette matiĂšre, nous laisse se l’accaparer pour y agrĂ©ger nos propres histoires, rĂ©elles ou de ces jeux, de l’insouciance, des dĂ©couvertes, plane pourtant une lĂ©gĂšre angoisse, celle, inconsciente pour ses fils mais prĂ©gnante pour lui, du temps qui passe, de la fragilitĂ© de ces instants qui vont pourtant imprimer leur marque sur une vie vĂ©ritable archĂ©ologue de son enfance, Dan Aucante exprime combien l’enfance est Ă  la fois volatile dans sa durĂ©e mais indĂ©lĂ©bile dans ce qu’elle constitue au plus profond de nous. Dan Aucante est reprĂ©sentĂ© par l’agence RĂ©vĂ©lateur Le coup de cƓur de Corridor Elephant L'auteur Dan Aucante Philippe Chardon ''LES PINOCCHIOS'' Au centre des expositions Paul Courboulay / Le Mans Philippe Chardon a une perception et poursuit une recherche trĂšs personnelle du mĂ©dium photographique dont il interprĂšte les multiples sĂ©rie Les Pinocchios fait appel de maintes façons aux possibilitĂ©s ouvertes par les techniques numĂ©riques, qu’il maĂźtrise parfaitement. Mais cela seul ne serait pas suffisant. Philippe Chardon joint Ă  cette maĂźtrise technique l’expression d’un imaginaire trĂšs personnel, et une audacieuse mise en contact de toutes formes d’élĂ©ments graphiques et Ă©labore de toutes piĂšces un vocabulaire plastique et une Ă©criture absolument originaux. Le principe de la sĂ©rie n’est pas ici un artifice, mais le support d’une vĂ©ritable narration, le germe d’un effet d’ Chardon fait appel aux grands mythes qui ont peuplĂ© l’imaginaire enfantin, et les confronte Ă  la banalitĂ© parfois inquiĂ©tante du quotidien, d’une maniĂšre que ne renierait pas Lewis Caroll.’’ Anne Biroleau, Conservatrice gĂ©nĂ©rale chargĂ©e de la photographie du 21Ăšme siĂšcle Ă  la BNF Philippe Chardon est reprĂ©sentĂ© par la galerie Mondapart L'auteur Philippe Chardon Isabeau De Rouffignac / Hans Lucas ''BHOPAL LEUR COLLE À LA PEAU'' Au centre des expositions Paul Courboulay / Le Mans Fallait-il dĂ©poser devant elles ces saris imprimĂ©s de coupures de presse racontant cette nuit de dĂ©cembre 1984 oĂč un gaz mortel s’est Ă©chappĂ© de l’usine chimique Union Carbide, d’imageries mĂ©dicales, du squelette de l’usine qui rappelle que la page n’est pas tournĂ©e ? Elles les ont dĂ©pliĂ©s, s’en sont drapĂ© et m’ont regardĂ©e ou ont prĂ©fĂ©rĂ© m’offrir leur dos, juste leur silhouette comme une image ont acceptĂ© mon idĂ©e. Les faire poser dans ces saris imprimĂ©s. Elles ont acceptĂ© que Bhopal leur colle encore un peu plus Ă  la peau. Certaines sont des combattantes inlassables. Elles rĂ©clament,rĂ©paration pour les 3 500 morts directs et les 200 000 malades qui se sont ajoutĂ©s au fil des annĂ©es. Elles descendent dans la rue pour rĂ©clamer aux autoritĂ©s qu’elles nettoient le site qui continuent de polluer. Elles souffrent, aussi, mais n’en disent pas grand-chose parce qu’il faut bien ou indirectement touchĂ©es, leur dignitĂ© m’a Ă©mue. Elles restent femmes et c’est aussi ce que disent ces broderies qui bordent les saris. J’ai voulu que ces mouvements de drapĂ©s et ces regards forts et doux Ă  la fois s’imposent Ă  nous et se dĂ©tachent sur ces images qui nous rappellent ce qu’a Ă©tĂ© Bhopal et ce qu’est aujourd’hui cette ville indienne dont le nom est dĂ©finitivement liĂ© Ă  une catastrophe qui aurait pu ĂȘtre Ă©vitĂ©e. Alors oui, il me fallait dĂ©poser devant elles ces saris. Elles les portent comme un dĂ©fi et j’aime qu’elles soient belles de ce combat.’’ Isabeau De Rouffignac L'auteure Isabeau De Rouffignac / Hans Lucas Sandrine Elberg ''YUKI - ONNA'' Au centre des expositions Paul Courboulay / Le Mans Le travail photographique de Sandrine Elberg mĂȘle recherche identitaire et exploration formelle. L’artiste livre des images ambivalentes issues de territoires hostiles et improbables liĂ©es Ă  notre imaginaire collectif. ParĂ©e d’un masque de jeune fille Shakumi du théùtre NĂŽ, elle incarne le personnage Yuki-Onna et nous invite Ă  la rĂȘverie et la contemplation. Yuki-Onna est un personnage de folklore japonais, c’est la femme des neiges. C’est un YokaĂŻ, un esprit ou un fantĂŽme qui apparaĂźt la nuit dans les rĂ©gions oĂč il neige abondamment. Elle est dĂ©crite de diffĂ©rentes maniĂšres, tantĂŽt comme une femme immense mais elle peut aussi incarner un paysage enneigĂ©. Elle est la personnification de l’hiver et en particulier des tempĂȘtes de neige. Yuki-Onna reprĂ©sente la dualitĂ© de l’hiver, de sa beautĂ© lisse et froide nĂ©e Ă©galement la violence et la cruautĂ© des puise son inspiration lors de ses voyages lointains, en quĂȘte de territoires aux climats hostiles pour rĂ©aliser des photographies propices Ă  l’imaginaire collectif. L'auteure Sandrine Elberg Isabelle I ''DOUBLE JE'' Au centre des expositions Paul Courboulay / Le Mans DerriĂšre le Masque, le mystĂšre.[
] Dans cette sĂ©rie, j’ai dĂ©cidĂ© de me confronter Ă  nouveau au portrait. Avec pour objectif premier, d’explorer le Je’’, de transformer mon apparence et de la doter d’une toute autre dimension esthĂ©tique et psychologique. Afin de me dĂ©personnaliser pour me repersonnaliser’’ Ă  volontĂ©, une maĂźtrise du geste s’imposait. Celle de mes mains, qui prendraient forme sur mon visage, telles un masque, pour engendrer une signification symbolique et plurielle, souvent en lien avec l’actualitĂ©. [
] Une entitĂ©, une animalitĂ©, un mutant parfois se prĂ©sente dans ce jeu de mĂ©tamorphoses. Au fond, dans cette commedia dell’arte’’ ou comĂ©die des hantĂ©s par la vie, par les rĂȘves, par les sentiments
, ce que nous donnons Ă  voir, en surface, n’est peut-ĂȘtre qu’une image Ă  un moment donnĂ© de notre existence. Sommes-nous rĂ©ellement ce que nous sommes, quotidiennement et instantanĂ©ment ? Sommes-nous les je, tu, il, elle, quand il y a derriĂšre le masque, le mystĂšre de sa propre identitĂ© ? L’apparence est donc inĂ©vidence, quand la complexitĂ© de l’ĂȘtre est chose invisible pour les yeux.’’ Isabelle I extrait de Double Je / Les Masques L'auteure Isabelle I Nicolas Ruann ''PERSON_'' Au centre des expositions Paul Courboulay / Le Mans Dans l’abondante malle Ă  accessoires, Nicolas Ruann semble dĂ©laisser le masque – qu’il a souvent triturĂ©, fait reluire ou tomber – pour faire de la colonne vertĂ©brale son nouvel objet de prĂ©dilection. SculptĂ©es dans le papier recyclĂ©, les ossatures postiches viennent surligner les dos nus comme d’étranges exosquelettes, interchangeables Ă  l’envi, laissant dĂ©border Ă  la surface de la peau ce que la chair habille d’ordinaire d’un si grand secret. Simple dĂ©sir d’exhiber crĂ»ment ? La dĂ©marche est plus fine. Si Nicolas Ruann s’empare de ce matĂ©riau anatomique, c’est pour en interroger la subtile symbolique qu’il dĂ©compose, dans un souci d’exhaustivitĂ©, sur plusieurs panneaux photographiques. Clef de voĂ»te de l’architecture humaine, l’épine dorsale n’en demeurera pas moins, en terre, une ruine anonyme, os parmi les os. Conscient de la dimension sacrĂ©e qu’elle revĂȘt, Nicolas Ruann la sublime en la dĂ©clinant Ă  travers une gamme de mĂ©taphores et de compositions signifiantes pour raconter l’un des grands flĂ©aux de notre Ă©poque l’envahissante surconsommation.’’ Nicolas Liau, Ă©crivain L'auteur Nicolas Ruann AurĂ©lie Scouarnec ''ANAON'' Au centre des expositions Paul Courboulay / Le Mans Le peuple immense des Ăąmes en peine s’appelle l’Anaon.’’Anatole le Braz, La LĂ©gende de la mort en Basse-Bretagne, 1893 Avec des racines familiales ancrĂ©es dans le FinistĂšre Ă  proximitĂ© des Monts d’ArrĂ©e, territoire qui serait celui des portes de l’Enfer selon la croyance, les lĂ©gendes bretonnes ont depuis longtemps imprĂ©gnĂ© mon par la lecture de textes comme ceux d’Anatole le Braz ou de François Marie-Luzel, cette sĂ©rie s’est ainsi esquissĂ©e comme une quĂȘte Ă  la recherche de ce qui resterait de traces de rites et de contes anciens en Basse-Bretagne, partie la plus occidentale de la rĂ©gion bretonne. Dans cette rĂ©gion, l’enfer est un enfer froid, occupĂ© par l’eau, les pluies, le brouillard. Les chevaux et les chiens sont ces animaux psychopompes qui escortent les Ăąmes au royaume des oĂč croyances paĂŻennes et pratiques religieuses sont encore Ă©troitement liĂ©es, ces images naviguent parmi les figures qui peuplent les collectes de rĂ©cits lus ou entendus. Elles m’ont Ă©galement menĂ©e Ă  la rencontre de formes de druidisme contemporain, notamment sous la forme d’un polythĂ©isme vivant et renouvelĂ©, au plus proche de l’expĂ©rience du sĂ©rie cherche ainsi Ă  tĂ©moigner de cette singuliĂšre prĂ©sence qui continue d’habiter ces espaces propices aux mĂ©tamorphoses et aux manifestations de ce qui se trame dans les marges du visible.’’AurĂ©lie Scouarnec L'auteure AurĂ©lie Scouarnec ValĂ©rie Simonnet ''ESCAPE GAME'' Au centre des expositions Paul Courboulay / Le Mans Dans 30 ans les baobabs auront disparu, moi convergence des fins rend chacune plus sensible, de se rĂ©animer l’une l’autre dans le quotidien. Saisir ce qui s’effondre Ă  l’intĂ©rieur comme Ă  l’extĂ©rieur puisque c’est la mĂȘme chose. Saisir ce qui rĂ©siste, cette part empĂȘchĂ©e, maltraitĂ©e du vivant en l’homme, celle qui s’affirme malgrĂ© tout et tente de trouver la sortie, une Ă©chappatoire, le plus souvent dans l’art. La presque totalitĂ© de ces images est prise dans des oeuvres ou des lieux de culture, ambigĂŒitĂ© et rĂ©flexion sur le rĂ©el et sa reprĂ©sentation. Théùtralisation de la vie ou rĂ©alisme d’un spectacle qui dit la vĂ©ritĂ©. Pas de mise en scĂšne juste l’alignement d’un instant et d’une Ă©motion qui lui prĂ©existe. Instants Ă©phĂ©mĂšres de revendication ou de fuite des sujets dans un univers au destin puissamment contraint. Exercice de libertĂ© dans le refus des cohĂ©rences vrai/faux, couleur/noir et blanc surtout quand il est esthĂ©tisant et viserait Ă  adoucir le propos par la distance. Dialogue assumĂ© des faux monochromes et des vrais noirs et blancs afin de souligner et redoubler l’inquiĂ©tude sur le sĂ©lection est un extrait d’un ensemble plus que d’une sĂ©rie, chaque instantanĂ© se voulant l’expression globale et dĂ©finitive d’une sensation qui pourtant se rĂ©pĂšte. ValĂ©rie SimonnetSur une proposition de Corridor Elephant L'auteure ValĂ©rie Simonnet ///////////////////////////////////////////////////// PROJECTION D'EXTRAITS DE PORTFOLIOS Des photographes ayant fait partie de la prĂ©sĂ©lection effectuĂ©e lors de l’appel Ă  auteurs ont la possibilitĂ© de montrer un extrait de la sĂ©rie proposĂ©e dans le cadre d’un diaporama diffusĂ© via un grand Ă©cran. Cela permettra ainsi aux visiteurs du Centre des Expositions Paul Courboulay de dĂ©couvrir la diversitĂ© des dossiers reçus et une partie de ces quelques “coups de coeur” que l’équipe des Photographiques n’a hĂ©las pu intĂ©grer dans la sĂ©lection exposĂ©e. Au centre des expositions Paul Courboulay / Le Mans “Les mĂ©tamorphoses de ProtĂ©e”, ÉMILIE ARFEUIL“Solo”, ARTHY MAD“Dolor”, CHARLOTTE AUDUREAU“Blue Bird”, CÉCILE BALDEWYNS“Refuzniks, dire non Ă  l’armĂ©e en IsraĂ«l”, MARTIN BARZILAÏ“Seule avec toi”, HÉLOÏSE BERNS“Les orphelins du Poopo, rĂ©cit d’un lac disparu”, ÉMILIEN BUFFARD“L’Heure Bleue”, ANNE-SOPHIE COSTENOBLE“Hous’Us”, CUSHMOK“Punk, love and kindness”, NIKO DJAVANSHIR“The Last Straw”, MAXIME MATTHYS“Je marche sur tes traces”, LAURE PUBERT“La main du singe”, MYRIAM RAMOUSSE“I am a superhero”, DOMINIQUE SÉCHER ///////////////////////////////////////////////////// Carte Blanche Ă  Undertaker Au Pavillon de garde, parc ThĂ©odore Monod / Le Mans Pour la premiĂšre fois, nous offrons une carte blanche Ă  une autre structure dans l’espace d’exposition du Pavillon du parc ThĂ©odore culturelle mancelle Undertaker, créée en 2014, se donne pour objectif d’aider des porteurs de projets Ă  se rencontrer et de catalyser ainsi des projets communs, rassemblant des crĂ©ateurs venus de diffĂ©rents domaines, des arts visuels aux arts vivants. Carte blanche Ă  Undertaker Emma Mauger ''VULVCEPTION'' Au pavillon de garde du parc thĂ©odore Monod, Le Mans Sensible Ă  l’environnement et ses formes naturelles, Misa Isobel/Emma Mauger nous prĂ©sente une sĂ©rie intitulĂ©e Vulveception, une ode photographique Ă  la Nature et Ă  ses formes graphiques et...suggestives. Qu’ils soient de mousse, d’écorce, ou de roche, cette sĂ©rie composĂ©e essentiellement des sexes fĂ©minins ont Ă©tĂ© photographiĂ©s, capturĂ©s sous leur cĂŽtĂ© vulnĂ©rable, trouvĂ©s par hasard lors de balades, ou parfois mĂȘme au coin d’une rue. Unir la vĂ©gĂ©tation Ă  la reprĂ©sentation, Ă  l’idĂ©e que l’on peut se faire du sexe fĂ©minin et de ses formes, donne une dimension poĂ©tique Ă  cette sĂ©rie. Observons la nature de plus prĂšs, observons ce qui nous entoure, suivez-votre regard et laissez-vous guider par votre imagination. Carte blanche Ă  Undertaker Jean-Michel Regoin WATCHING ME WATCHING YOU’' Au pavillon de garde du parc thĂ©odore Monod, Le Mans Capter des images de villes la nuit a toujours fait partie de ma pratique photographique. Peut-ĂȘtre par soucis de discrĂ©tion, mais Ă©galement pour jouir d’une plus grande libertĂ©, j’aime m’approprier l’espace urbain vidĂ© de ses habitants. Mais, dans cette solitude crĂ©ative et nĂ©cessaire suis-je vraiment seul ? Bio Jean-Michel Regoin Carte blanche Ă  Undertaker Maxime Bihoreau PUPPETS’’ Au pavillon de garde du parc thĂ©odore Monod, Le Mans Cet actuel projet a pris naissance autour d'une idĂ©e imposĂ©e. Un secteur, celui de la Plaine de Saint-Denis Ă  la pĂ©riphĂ©rie de Paris. C'est un vaste espace qui d'un point de vue graphique ne m'intĂ©resse pas, je ne lui trouve aucune profondeur esthĂ©tique dans ses structures ou ses agencements. L'Est du quartier et ses rues sont animĂ©s par un nombre trĂšs consĂ©quent de grossistes en textile, activitĂ© commerciale dominante de cette partie de la Plaine au vu de l'abondance des boutiques. La Plaine de Saint-Denis, qui se constitue d'une multitude de minoritĂ©s, notamment asiatiques et africaines, comporte Ă©galement au sein de ces populations une autre minoritĂ©, trĂšs bien implantĂ©e, les mannequins. J'ai choisi d'exposer dans une sĂ©rie de portraits la quantitĂ© de ces figures qu'il m'a Ă©tĂ© donnĂ© de voir au sein de cette population silencieuse, et trĂšs prĂ©sente dans la Plaine. En explorant cette dĂ©marche, j'ai pu remarquer qu'une moitiĂ© de ces mannequins avaient un visage dessinĂ© dont les traits se rapprochaient pour certains assez de l'humain. Il Ă©tait mĂȘme possible d'en desceller des fragments d'Ă©motion sur quelques uns. Mais Ă  aucun moment, l'Ă©motion perçue semble joyeuse, heureuse, ou ouverte. Elle est constamment froide, parfois mĂȘme mĂ©lancolique. Cette sensibilitĂ© relative créé un parallĂšle non volontaire mais audacieux sur ce qui ressort Ă  mes yeux de cette Plaine de Saint-Denis. Un espace hĂ©tĂ©rogĂšne alliant des structures modernistes neuves mais non esthĂ©tiques avec des parcelles d'habitat presque insalubres, repoussant toute idĂ©e de charme ou de beautĂ© purement graphique. Suite et bio Maxime Bihoreau Carte blanche Ă  Undertaker Peter Winfield JUST KIDDING’’ Au pavillon de garde du parc thĂ©odore Monod, Le Mans Prenez un Anglais. Un bel Anglais. L’Ɠil doit ĂȘtre rieur, l’accent improbable, et la bouche doit arborer cette moue subtile qui laisse entendre qu’il y a toujours un rayon d’humour derriĂšre la grisaille du quotidien. Prenez cet Anglais et mettez-le en France. Qu’observe-t-on ? Rien. La ville nous semble Ă©gale Ă  elle-mĂȘme, monotone, bruyante, agitĂ©e, bĂ©gayant sans fin sa litanie mĂ©tro-boulot-dodo ». Qu’observe-t-il ? Tout. L’enfant qui dort dans l’Ɠil d’une vieille dame. Le sourire du policier. L’élĂ©gance du balayeur. La façade oubliĂ©e qu’on ne regardait plus. L’amour au creux des rides. La joie naĂŻve qui sommeille dans les froncements de sourcils du costard-cravate. Alors, l’Anglais fait cette chose Ă©trange et mystĂ©rieuse il parle. Mieux encore, il fait parler. Et, finalement, il nous donne Ă  voir. Il sort la rĂ©alitĂ© d’elle-mĂȘme pour en goĂ»ter avec nous les meilleurs morceaux. Il dĂ©cale. Il Ă©claire sous un autre angle pour partager avec nous son coup d’Ɠil. Il nous invite Ă  faire un tour derriĂšre les apparences, dans cet espace Ă©trange oĂč l’agitation, un instant, s’arrĂȘte, pour laisser place Ă  la vie. ///////////////////////////////////////////////////// Sophie Carles ''TIERS PAYSAGE'' Au Centre d’art MoulinSart / Fillé/Sarthe Une ancienne fonderie industrielle abandonnĂ©e comme ruine du post-modernisme. L’usine, dans un entre-deux temporel, devient terrain fertile, propice Ă  la naissance d’un nouveau cycle vĂ©gĂ©tal. C’est cette tension, entre la vĂ©gĂ©tation et le bĂąti, qui est rĂ©vĂ©lĂ©e dans ce que la ruine rend palpable l’impuissance des choses humaines Ă  rĂ©sister Ă  la durĂ©e, le vĂ©gĂ©tal, cyclique, traverse les Ă©poques. Le Tiers Paysage, paysage libre de toute volontĂ© humaine, dĂ©finit par Gilles ClĂ©ment, s’est emparĂ© de ces lieux, les plastique et contemplatif bien que documentaire dans un premier temps, Ă  cette observation succĂšde le prĂ©lĂšvement puis l’intervention, dans une tentative de crĂ©ation Ă  la lisiĂšre de la photographie, passant de la culture de mousse Ă  la fabrication d’objets vĂ©gĂ©taux, empreintes de l’objet manufacturĂ© impuissant Ă  rĂ©sister aux bouleversements Ă©conomiques. En partenariat avec le CommunautĂ© de Communes du Val de Sarthe et le Centre d’Art de l’Ile de MoulinSart L'auteure Sophie Carles MichaĂ«l Massart ''VERY FAST TRIP'' À l'Éolienne / Arnage VERY FAST TRIP est une fable contemporaine sur l’obsolescence programmĂ©e, la surconsommation. Ce que notre sociĂ©tĂ© porte aux nues aujourd’hui est jetĂ© Ă  la poubelle le de ce sujet et avec une certaine dose d’humour, j’ai tentĂ© de retracer le parcours d’un objet de consommation en lui donnant vie sous les traits du moins partiellement d’un homme. S’il y a bien un domaine dans lequel tout va vite, c’est bien l’informatique. De plus, l’homme lui-mĂȘme n’est-il pas devenu un objet de consommation dans notre sociĂ©tĂ© actuelle ?Le titre rĂ©sume le parcours de ces objets, depuis l’ouverture du paquet jusqu’à leur remplacement qui intervient souvent trop rapidement, que ce soit par lassitude, par jalousie envers le voisin qui a le nouveau modĂšle, par manque de soliditĂ© ou encore absence volontaire ? de piĂšces de rechange Ă  une Ă©poque oĂč l’on prĂ©fĂšre remplacer tout l’appareil plutĂŽt que de tenter de le sĂ©rie propose de partager les aventures de ce “hĂ©ros” de la surconsommation depuis son dĂ©ballage jusqu’à sa mort 
 son recyclage, en passant par ses moments de gloire, d’impression d’ĂȘtre le roi du monde, d’excĂšs, de lendemains difficiles, de nostalgie, de remise en question et de lutte pour tenter de survivre dans de monde bien ingrat vis Ă  vis de de ses “stars dĂ©chues” 
 MichaĂ«l Massart En partenariat avec la ville d’Arnage et l’Éolienne, espace culturel L'auteur MichaĂ«l Massart Christophe Hargoues ''LES RÉSISTANTS'' À la mĂ©dathĂšque Louise Michel / Allonnes L’üle de Sein est un caillou de 58 ha au large de la pointe du Raz, d’une altitude moyenne d’un mĂštre cinquante oĂč un millier de personnes sĂ©journent l’étĂ© et 120 Ăźliens y vivent l’ habite sur ce confetti, on devient trĂšs vite humble face aux Ă©lĂ©ments. Les violentes tempĂȘtes des dix derniĂšres annĂ©es ont ouvert des brĂšches non seulement dans les digues de protection, mais Ă©galement dans les consciences des habitants face Ă  l’urgence l’üle de Sein n’est pas un modĂšle de vertu Ă©cologique. N’étant pas rattachĂ©e au continent pour son alimentation en Ă©lectricitĂ©, c’est une centrale au fioul gĂ©rĂ©e par EDF qui, brĂ»lant plus de 400 000 litres de fioul, fournit de l’électricitĂ© pour les besoins des Ăźliens conduisant ainsi Ă  rejeter plus de 1200 tonnes de CO2 dans l’atmosphĂšre. Pourtant l’énergie est lĂ , disponible, illimitĂ© du vent, des courants marins, du de ce constat d’évidence, certains habitants de l’üle ont dĂ©cidĂ© de se mobiliser et d’agir en constituant en 2013 une sociĂ©tĂ© pour passer aux Ă©nergies renouvelables, s’affranchir du fioul et gagner l’indĂ©pendance Ă©nergĂ©tique. Mais l’opĂ©rateur national qui dĂ©tient le monopole s’y oppose fortement. La bataille est dĂ©sormais sur le terrain juridique avec des recours nationaux et entre novembre 2016 et fĂ©vrier 2018, cette sĂ©rie de portraits de sociĂ©taires, d’adhĂ©rents, ou de simples sympathisants du projet Ă©nergie IDSE * veut ĂȘtre une photographie originale d’un groupe de personnes atypiques qui, amoureux de leur territoire, prennent leur destin en main. * IDSE Île de Sein Energie sociĂ©tĂ© composĂ©e de 66 sociĂ©taires dont 40 Ăźliens En partenariat avec la ville d’Allonnes et la mĂ©diathĂšque Louise Michel L'auteure Christophe Hargoues HORS CADRE 8 JEUNES PHOTOGRAPHES Jusqu'au 6 avril Ă  la MJC Ronceray - Le Mans Chaque annĂ©e, la MJC Ronceray s'associe aux Photographiques et expose de jeunes photographes prometteurs pour la plupart issus du territoire ou de l'École SupĂ©rieure des Beaux Arts du Mans. Hors cadre 8 Edwige Lesiourd ''Antr'eau'' À la MJC Ronceray, Le Mans. L’eau est parout sur Terre, et pourant nulle part elle n’est en tropMa dĂ©marche de crĂ©ation macro nature se fait Ă©videmment au cƓur de l’environnement et s’inscrit dans une rĂ©flexion du rapport de l’homme Ă  son origine de vie qui semble disparaĂźtre pour l’un et en danger pour l’autre. L’urgence frappe Ă  la porte mais les discours alarmants et culpabilisants ne semblent pas porter leur fruit. Peut-ĂȘtre est-ce parce qu’ils proviennent de l’extĂ©rieur, au lieu de venir de soi ? Le seul levier possible semble alors ĂȘtre d’interpeller autrement la conscience individuelle. Mais si ce n’est pas par une image choc, comment y parvenir ? Il semble dĂ©licat aujourd’hui d’attirer l’attention si ce qui est proposĂ© n’est pas extraordinaire ou venu de contrĂ©es lointaines. L’exigence ambiante face au dĂ©ferlement d’images et de films ''extraordinaires'' a Ă©tĂ© l’une des premiĂšres interrogations dans la recherche. La photo macro n’a rien d’originale puisqu’elle existe depuis des annĂ©es. Et notre regard s’est Ă©galement habituĂ© Ă  voir de prĂ©s. Science du microscopique, recherches molĂ©culaires, etc. Notre Ɠil sait dĂ©sormais voir de prĂ©s, comme de trĂšs loin. Suite Edwige Lesiourd Hors cadre 8 Corentin Gaborit À la MJC Ronceray, Le Mans. Lors d’un dimanche aprĂšs midi de dĂ©cembre, lorsque je dĂ©cidais d’aller me balader aux alentours de chez moi, longeant la Sarthe, je me suis arrĂȘtĂ© devant les portes de ce cimetiĂšre, le cimetiĂšre du Grand Ouest. Les drapeaux ottants Ă  l’entrĂ©e et l’inscription ''Common wealth'' me donnĂšrent alors l’envie d’y entrer. Au dĂ©part, je me baladais simplement d’allĂ©e en allĂ©e, l’appareil photo autour du cou, puis j’ai commencĂ© Ă  shooter les croix omniprĂ©sentes de ce lieu. C’est alors que je me suis penchĂ© sur le carrĂ© militaire. J’ai donc commencĂ© Ă  prendre quelques photos de ces tombes de soldats. Je fus alors marquĂ© par certaines tombes comme celle de ce soldat juif au milieu de tous ces allemands, ou encore de ces deux soldats inconnus. Puis, Ă  la maniĂšre d’EugĂšne Smith, j’ai commencĂ© un essai photographique, essayant de capturer les photos parfaites. Je fus alors curieux d’observer que malgrĂ© l’ancrage et l’immobilitĂ© de ces tombes, l’environnement qui les berce, lui, change chaque seconde. Du ciel aux feuilles des arbres, tout ce dĂ©cor s’avĂšre ĂȘtre bien vivant. Plus tard, lors de la pĂ©riode de neige au Mans, j’étais dans mon Ă©cole quand me vint l’idĂ©e certaine, Ă  la pause mĂ©ridienne, de retourner au cimetiĂšre afin de capturer ce moment. ArrivĂ© lĂ -bas, tout cet ensemble me semblait encore plus figĂ©, j’ai alors trouvĂ© qu’une certaine poĂ©sie se dĂ©gageait de ce lieu lorsqu’il Ă©tait enneigĂ©. Presque obnubilĂ© par ce cimetiĂšre, j’y suis ensuite retournĂ© plusieurs fois, tant les histoires de chaque militaire enterrĂ© ici me fascinaient, dont la plupart d’entre eux n’avaient d’ailleurs jamais reçu aucune visite. Suite et bio Corentin Gaborit Hors cadre 8 Thibault Pierrisnard À la MJC Ronceray, Le Mans. Je m’inspire dans ces diffĂ©rents travaux photographiques de la pensĂ©e qui rĂ©unit les deux concepts de ''vide'' et de ''plein'' qui a Ă©tĂ© traitĂ©e par l’acadĂ©micien Francois Cheng sur l’art pictural chinois dans son ouvrage Ă©ponyme. Ces deux concepts se traduisent concrĂštement dans la peinture chinoise par le ''plein'' comme Ă©tant les traits et le ''vide'', cette surface de papier non peint mais qui ne demeure pas inerte. Le vide lie les choses entre elles et permet leur fonctionnement en un tout. L’art picturale chinois a ceci de fascinant qu’il lie complĂštement spiritualitĂ© et geste pictural. Si ces deux concepts me parlent particuliĂšrement, c’est qu’ils mettent des mots sur des impressions que j’ai du rĂ©el ; le monde silencieux, neutre malgrĂ© toute l’action qui peut se dĂ©rouler devant soi... J’avais envie de m’exprimer sensiblement sur cette dichotomie entre un rĂ©el ''prĂ©sent'' Ă  soi et un rĂ©el ''cosmos'' qui surpasse notre environnement propre et qui donne parfois Ă  notre action un goĂ»t de vanitĂ©. Cela rejoint d’autres impressions et pensĂ©es comme la lenteur traitĂ© par Milan Kundera dans un ouvrage Ă©ponyme. Ce n’est pas cependant une pensĂ©e triste, bien au contraire. C’est une expression poĂ©tique qui m’intĂ©resse en travaillant le medium par diffĂ©rents langages. Pour les trois diffĂ©rents travaux, je ne pensais pas l’image comme devant se suffir Ă  elle-mĂȘme mais dĂ©pendante de son support et de la place physique qu’elle prend au sein de celui-ci comme le peintre chinois pensait aussi bien le sujet qu’il avait devant lui que le monde dans lequel ce sujet prenait place. Suite Thibault Pierrisnard Hors cadre 8 Jin Fangru ''Nouvelles briques de murs anciens'' À la MJC Ronceray, Le Mans. J’ai capturĂ© fidĂšlement la rĂ©novation des Ă©difices historiques dans les rues de PĂ©kin Ă  l’aide de mon tĂ©lĂ©phone portable. Cela reflĂšte la problĂ©matique de restauration de ces Ă©difices dans le contexte du dĂ©veloppement Ă©conomique rapide de la Chine, surtout dans les mĂ©tropoles. J’espĂšre Ă©galement que ces photos susciteront la rĂ©flexion des visiteurs. LE MANS Charlotte Auricombe Programme associĂ© du 1er mars au 27 avril, du mardi au samedi, de 9h Ă  17h au CafĂ© Folk, 9 rue du cornet, Le Mans. Ma recherche photographique est une quĂȘte de lieux. Une collecte d'images des territoires que je traverse. Si certains se font Ă©cho, tous appellent une mĂ©moire. La mĂ©moire des lieux que l'on garde en soi. La façon dont certains viennent nous en rappeler d'autres. Ce lien que l'on entretient au fil de nos vies avec les espaces du souvenir. Le paysage est pour moi une source inĂ©puisable d'Ă©motions qui me permet d'explorer cette relation. AprĂšs avoir travaillĂ© sur les chemins de forĂȘt dans le Lot, les feux de forĂȘts dans l'Alt Emporda, les bords de mer en Catalogne, j'explore actuellement deux territoires ; les PyrĂ©nĂ©es et les Landes. Vernissage le vendredi 1er mars de 18h Ă  20h ////////////////////////////////////////// Didier Hamonet & Pierre Fuentes ''Origines'' Programme associĂ© Week-end du 23 / 24 mars, de 14h Ă  19h. Le Poulpe Ă  vapeur, 114 rue RenĂ© BĂ©chepay, Le Mans MISE EN SCENE par Dier Hamonet L’ INCONNUE DE LA SEINE est le masque mortuaire d’une jeune femme qui fut retrouvĂ©e noyĂ©e dans la Seine en 1892. Le carabin qui moula son visage fut fascinĂ© par la sĂ©rĂ©initĂ© de son expression au sourire Ă©nigmatique comme apaisĂ© d’une dĂ©livrance mortelle. En photographiant ce moulage Je capte une lumiĂšre intĂ©rieure appelĂ©e Ă  briller, toujours vivante touchant la blessure du temps vivant. Constat du temps qui passe, mystĂšre de la vie, la naissance et la mort, berceau de la vie. Ode Ă  la vie
 Ainsi la lumiĂšre, la couleur, le cycle des saisons apparaissent Ă  Ă  renouer les liens avec la nature , les Ă©lĂ©ments, l’eau
Et les rĂȘves. Ce masque mortuaire du siĂšcle dernier est le modĂšle de diffĂ©rentes sĂ©ries ''Hier, Aujourd’hui, Demain'', ''DiffĂ©rentes saisons'', ''Aquatique''
 C’est un visage que je redĂ©couvre sans cesse le confrontant Ă  lui-mĂȘme; passages imagĂ©s et construits .Alliage des Ă©lĂ©ments naturels, vĂ©gĂ©taux ou minĂ©raux. DĂ©coupage, montage optique; l’acte photographique est une ''prĂ©sence'', sentiment Ă©trange, qui m’imprĂšgne. Je conserve une approche noir et blanc argentique mĂȘlant la richesse crĂ©atrice du digitale. Composition, alliance. L’allĂ©gorie, la couleur, le grain numĂ©rique traduisent la volontĂ© de dĂ©voiler plus intensĂ©ment cette ''prĂ©sence initiale''. SĂ©duction graphique au premier regard invitant une autre vision plus allĂ©gorique. oeuvre unique et intime aguerrie d’un approfondissement quotidien au fil du temps. SUBLIMATIONS par Pierre Fuentes Le sens premier du mot ''sublimation'' est d’ordre physique. La sublimation est le passage d'un corps de l'Ă©tat solide Ă  l'Ă©tat gazeux, sans passer par la fusion ou la vaporisation. Je suis donc parti d’un corps organique que le visiteur pourra Ă  son grĂ© identifier ou non pour le ''dĂ©naturer'' par ce que l’on peut appeler une alchimie photographique qui n’est autre que ce que l’on appelle maintenant la post-production. L’objet photographiĂ© est ainsi mis en apesanteur et offre au regardeur un potentiel d’interprĂ©tation multiple, il devient une offrande Ă  l’imaginaire. L’autre sens du mot ''sublimation'' est d’ordre psychanalytique. A chacun, lĂ  aussi, d’y voir ou non une autre lecture possible de l’image. Vernissage samedi 23 mars Ă  18h ///////////////////////////////////////// Thibaud Thomas et Jules Le Moal Poses café’’ Programme associĂ© Du 8 au 31 mars. Du mardi au mercredi 9h-19h, du jeudi au samedi 10h-22h et le dimanche 10h-20h. Le Bateau Lavoir Café 105 bis, Grande Rue, Le Mans Cette exposition est nĂ©e de la rencontre de deux jeunes manceaux passionnĂ©s de photographie. C'est au hasard des rues, leur terrain de jeu favoris, que ces deux Ă©lectrons libres ont liĂ© amitiĂ©. Tant de choses les rassemblent, comme cette volontĂ©e de tĂ©moigner de leur Ă©poque Ă  travers la photographie de rue . Vivre avec son temps oui, mais en prenant son temps. Observer, voir, cerner, cadrer, l'exercice n'est pas facile dans cette Ă©poque ou la sociĂ©tĂ© court Ă  cent Ă  l'heure. Aussi ce n'est pas par nostalgie qu'ils empruntent les outils des maĂźtres d'un autre temps, en associant Ă  cette curiositĂ©, la photographie argentique. Mais bien parce que cette derniĂšre permet la maĂźtrise de cette temporalitĂ© qui file. Ralentir, se poser, attendre le bon moment, la bonne POSE . Shooter, attendre encore de dĂ©couvrir l'image au dĂ©veloppement, l'oublier entre temps parfois, puis la redĂ©couvrir, la tirer, la rĂ©vĂ©ler. On imagine au travers de cette exposition les conversations de ces deux copains, autour d'une pause CAFÉ au bateau lavoir. L'idĂ©e est lĂ , devant eux, se rĂ©vĂšle dans les tasses. Voici donc cette exposition alternative et Ă©cologique dont les tirages ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s Ă  la main, avec du cafenol comme rĂ©vĂ©lateur photo. Image Jules Le Moal Vernissage le 8 mars Ă  19h30 ////////////////////////////////////////// “Il Ă©tait une fois en Sarthe - Vivre, croire et cĂ©lĂ©brer Ă  la Belle Époque” Programme associĂ© du 15 mars au 5 avril, du lundi au vendredi de 9h Ă  18h. Maison Saint-Julien, 26 rue Albert Maignan, Le Mans Exposition de cartes postales anciennes issues des fonds de la bibliothĂšque diocĂ©saine du Mans et de la collection particuliĂšre B La bibliothĂšque diocĂ©saine du Mans a pour mission de conserver, mettre en valeur et rendre accessible plus de 50000 documents. Au-delĂ  de sa spĂ©cialisation en sciences religieuses, elle possĂšde des fonds remarquables de livres anciens du XVe siĂšcle au XIXe siĂšcle et de publications relatives Ă  l'histoire de la Sarthe. Établissement de prĂȘt ouvert Ă  tous, elle souhaite Ă©galement mettre ponctuellement en avant certaines de ses collections et les prĂ©senter Ă  la curiositĂ© d’un large public. L’exposition ici proposĂ©e est nĂ©e d’une rencontre avec un collectionneur passionnĂ© par les cartes postales anciennes. À travers 350 clichĂ©s, issus de cette collection et de celle de la bibliothĂšque, elle illustre divers aspects de la vie et de l’environnement des populations sarthoises Ă  l’aube du XXe siĂšcle, dans leur rapport au religieux. En faisant la part belle aux photographes locaux ! Vernissage le jeudi 14 mars Ă  18h ////////////////////////////////////////// Objectif Image Sarthe “À la campagne” Programme associĂ© du 20 mars au 2 avril. Centre commercial Les Jacobins EntrĂ©e cĂŽtĂ© Office de Tourisme, 13 rue Claude blondeau, Le Mans. Vernissage le vendredi 22 mars Ă  18h30 ////////////////////////////////////////// Isabelle Gil Les vacances Programme associĂ© du 16 au 26 mars, du mardi au samedi, de 9h Ă  17h Ă  la librairie RĂ©crĂ©alivres, 7 rue de la Barillerie, Le Mans. Vernissage et dĂ©dicace le samedi 16 mars Ă  11h ////////////////////////////////////////// Exposition de photographies de lycĂ©ens ATELIER MALICOT Florent Havard, Simon Lagoarde et Jacques Hirn Association Art dans le Vide
Vendredi24 juin 2022. Le magazine Le Monde des ados arrivĂ© aujourd'hui au CDI est agrĂ©able Ă  lire, variĂ© et vraiment, il faut ĂȘtre de mauvaise composition pour ne pas y trouver son bonheur.On y trouve Kikesa, du sport, des infos culturelles, etc. Moi comme je prĂ©fĂšre les infos (trĂšs sĂ©rieuses) liĂ©es au pipi-caca, je vous propose celle-ci.. Elle est tirĂ©e d'un dossier sur les
Cet ouvrage fait partie de ceux qui ont pour personnage principal un jeune entre dix et dix-sept ans, se retrouvant sur le front, qui interagit avec des adultes dans le cadre d’actions en lien direct avec le contrairement Ă  la littĂ©rature de jeunesse de l’époque, il ne prend quasiment jamais les armes. Il est lĂ  comme spectateur au milieu des tranchĂ©es et parfois pris sous les balles ou obus Ă©changĂ©s. L'auteur GĂ©rard Hubert-Richou envoie un groupe d’enfants dans la zone des armĂ©es et si l’objectif est de rendre visite au pĂšre de l’un d’entre eux hospitalisĂ©, les jeunes vont se retrouver prisonniers en ce mois d’octobre 1918. L’auteur dĂ©marre l’action avec la prĂ©sentation d’une affiche de propagande Ă©voquant Jean Corentin CarrĂ© engagĂ© Ă  quinze ans en trichant sur son Ăąge et Ă  peine plus loin parle de Gustave Chatain Ă  la page 20, fait caporal Ă  quinze ans selon la propagande, en tout cas effectivement originaire des CĂŽtes-du-Nord, nom Ă  l’époque des CĂŽtes-d’Armor, et faisant le coup de feu avec des chasseurs alpins.
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quand une main se libĂšre du sol elle invente l’autre main et deux mains apprennent ensemble toutes les autres mains Philippe PaĂŻni 2007, p. 123 Les poĂšmes sont de merveilleux tests pour l’observation de la langue. Pour deux raisons au moins la premiĂšre tient au fait que les poĂšmes mettent toutes les grammaires en crise et ne cessent d’inventer des maniĂšres de dire et d’écrire qui obligent Ă  observer la langue toujours en discours, toujours en se situant ; la seconde rĂ©sulte de la premiĂšre puisque le changement de point de vue sur la langue qu’oblige Ă  faire la lecture des poĂšmes entraĂźne du mĂȘme coup l’habitude Ă  observer toute la langue dans tous les discours autrement qu’on ne le fait d’habitude. Mais ces deux raisons demandent d’abord de changer de point de vue sur ce que font les poĂšmes et en particulier de cesser de leur faire jouer le rĂŽle de fou du roi, de bouffon du prince ou d’exception Ă  la rĂšgle ce que fait la thĂ©orie de l’écart qui met n’importe quel poĂšme dans l’écart Ă  la norme quand n’importe quel poĂšme ne fait que montrer du doigt qu’il n’y a que du discours et non de la langue et seulement des points de vue sur la langue et non des vĂ©ritĂ©s. On sait depuis toujours, Ă  moins de mauvaise foi, que les poĂšmes sont Ă©crits avec le lexique et la syntaxe de tous les discours et inversement. Aucun lexique poĂ©tique si ce n’est, comme tout discours, un lexique qui peut faire systĂšme on dira alors comme pour tout auteur, voire pour tout locuteur le vocabulaire de Hugo
 Aucune syntaxe poĂ©tique si ce n’est lĂ  encore des inflexions, des tournures, des maniĂšres qui feront dire c’est bien du Hugo comme on dit c’est bien de mon voisin ! ». Certes, Hugo a plus fait pour le lexique et la syntaxe que mon voisin, mais il ne s’agit que d’une question d’échelle et non de changement de paradigme, de changement de langue donc, pas de langue poĂ©tique et de grammaire affĂ©rente ! Continuer la lecture de Observer la langue la grammaire des poĂšmes → Art du langage, la poĂ©sie avec tous ses poĂšmes comme autant d’Ɠuvres d’art, ne peut que rĂ©sonner avec les autres Ɠuvres d’art parce que les unes comme les autres sont des activitĂ©s subjectives qui inventent des maniĂšres de vivre en mĂȘme temps que des maniĂšres de dire. Alors des unes aux autres, les passages sont incessants parce qu’elles n’existent qu’en relation un tableau comme un poĂšme ne vivent qu’en passant de bouche en bouche, qu’en s’écoutant – la rĂ©ciprocitĂ© Ă©tant ici toujours langagiĂšre ! C’est pourquoi tous les arts, quels qu’ils soient, y compris ceux non encore enregistrĂ©s dans les genres homologuĂ©s, peuvent appeler les poĂšmes. C’est pourquoi il ne faut pas hĂ©siter Ă  brancher » les pratiques artistiques entre elles ou, plus prĂ©cisĂ©ment Ă  laisser s’emmĂȘler les arts dans des pratiques qui effectuent des branchements » inĂ©dits voir, sur cette notion, Amselle, 2001. Aussi la voix en poĂ©sie peut se trouver dans les poĂšmes de la peinture, de la musique ou de toutes les activitĂ©s artistiques que l’homme ne cesse de renouveler de la danse au masque, de la photographie aux installations
. Deux maniĂšres principales s’offrent aux activitĂ©s poĂ©tiques en classe les pratiques artistiques les plus diverses viennent accompagner les poĂšmes ou les poĂšmes viennent accompagner ces mĂȘmes pratiques artistiques. Les va-et-vient pouvant d’ailleurs se rejouer Ă  l’infini
 Ces accompagnements trouveraient le plus souvent leurs concrĂ©tisations dans le cadre d’anthologies modestes et ambitieuses Ă  la fois. Continuer la lecture de MĂȘler les arts → Souvenons-nous que, bien souvent, le vrai poĂšme est le livre tout entier dont l’auteur de l’anthologie l’a extrait. [
] Ainsi, en nous proposant de rencontrer des poĂštes et en nous aidant Ă  les lire, une anthologie est lĂ  pour nous inciter Ă  aller vers les poĂštes qui vivent parmi nous aujourd’hui, et Ă©crivent. Les poĂštes de notre temps, dans la langue qui est la nĂŽtre aujourd’hui, transforment en ce que seul un poĂšme peut dire, ce qui est le plus profond de nous-mĂȘmes, que parfois nous ne connaissons pas, que nous avons besoin de crier ou de taire, et le ciel, et quand l’éclair de l’amour nous traverse. Ils partagent nos inquiĂ©tudes, notre dĂ©sarroi, nos espoirs, et par le langage, dans le langage, les transforment en beautĂ©. Et en confiance. Car Ă©crire, et lire, c’est avoir confiance. C’est toujours transformer le prĂ©sent en avenir. Bernard Vargaftig, 1993, p. 2. Traditionnellement, la poĂ©sie est scolairement lisible sous la forme d’anthologies. Non seulement, les enseignants ne la connaissent le plus souvent que sous cette forme mais Ă©galement les Ă©lĂšves n’y accĂšdent qu’à travers elle. Qu’est-ce qu’une anthologie ? Étymologiquement, une anthologie est un bouquet de fleurs, c’est-Ă -dire un bel ensemble de beaux textes. Cette beautĂ© » double est Ă  considĂ©rer plus prĂ©cisĂ©ment fragmentaire, l’anthologie n’en propose pas moins un ensemble unifiĂ© et la conception que nous avons des anthologies n’est pas forcĂ©ment la seule qui vaille et qui a valu dans l’histoire des anthologies. En effet, l’anthologie Ă  l’école primaire est devenue un instrument pour l’enseignant qui y puise Ă  sa guise Ă  des fins trĂšs pragmatiques qui mettent le poĂšme sous le rĂ©gime d’une utilisation dĂ©contextualisĂ©e et donc en fin de compte ignorent l’anthologie elle-mĂȘme. Ferait exception la pratique de certains enseignants qui laissent leurs Ă©lĂšves choisir dans l’anthologie, rĂ©duite alors souvent Ă  un fichier. Mais, historiquement, l’anthologie Ă  l’école a pu recouvrir d’autres usages. Petite bibliothĂšque choisie et portative constituant un vade-mecum culturel fondamental, elle servait d’abord Ă  l’élĂšve qui s’appropriait ainsi les fondements d’une culture textuelle, en l’occurrence poĂ©tique, dans le cadre d’un cursus scolaire qui avait dĂ©fini les Ă©lĂ©ments de cette culture. Nous retrouvons ici les caractĂ©ristiques d’un genre pratiquĂ© dĂšs l’AntiquitĂ© et qui fut au cƓur de l’enseignement de la littĂ©rature dans toutes les institutions scolaires depuis lors. Toutefois, on sait que les corpus de morceaux choisis qui visaient toujours un degrĂ© d’homogĂ©nĂ©itĂ© assez fort Ă  visĂ©e Ă©difiante que ce soit pour des raisons morales ou civiques, sont entrĂ©s en crise parce que ces mĂȘmes visĂ©es sont elles-mĂȘmes en crise. pensons Ă  la continuitĂ© homogĂ©nĂ©isante de la langue, de la grammaire, de la religion, de la morale et de la nation
 qu’elle fut d’inspiration laĂŻque ou autre et dont on sait qu’aujourd’hui elle est le plus souvent rompue, du moins toujours en dĂ©bat. Il faudrait cependant prĂ©ciser que continuitĂ© et homogĂ©nĂ©isation ne sont pas synonymes. En effet, la pensĂ©e du continu des activitĂ©s humaines que les sciences sociales et humaines » dĂ©coupent depuis l’EncyclopĂ©die en autant de disciplines » sĂ©parĂ©es, demande de penser la pluralitĂ©. Aussi, la crise du continuum homogĂ©nĂ©isant qu’une certaine Ă©cole rĂ©publicaine » aurait pu instaurer n’est-elle qu’apparente car, dans ce cadre discontinu d’une pensĂ©e des activitĂ©s humaines, enfantines en l’occurrence, c’est toujours Ă  la fois Ă  la sĂ©paration et Ă  l’homogĂ©nĂ©isation que nous avons Ă  faire. L’idĂ©ologie du discontinu exige mĂȘme cette homogĂ©nĂ©isation des pratiques qui permet d’osciller de l’individualisme au collectivisme selon les moments, les intĂ©rĂȘts et les enjeux
 TrĂšs concrĂštement, les anthologies d’aujourd’hui mĂȘlent une bonne conscience alter-mondialiste et Ă©cologiste thĂ©matiques de la diffĂ©rence et des droits de la terre autant sinon plus que de l’homme
 et un hĂ©donisme enfantin thĂ©matique de l’enfant-roi voire du gĂ©nie langagier enfantin Ă  travers le ludisme dĂ©bridĂ© des jeux de mots bien scolarisĂ©s. Inutile de donner ici des noms ou des titres mais chacun doit travailler sa lecture pour ne pas laisser faire trop facilement ces sĂ©parations homogĂ©nĂ©isantes c’est-Ă -dire consensuelles et donc non-critiques, tout le contraire de l’activitĂ© du poĂšme. Il semblerait donc, qu’aux antiques anthologies qui s’imposaient naturellement, on ait fait place Ă  des anthologies dans lesquelles les enseignants comme les Ă©lĂšves butinent Ă  leur guise
 C’est ce que les textes officiels rĂ©digĂ©s dans la foulĂ©e de la rĂ©novation de l’enseignement du français depuis les annĂ©es 70 n’ont cessĂ© de proposer. Mais cette libertĂ© est fort trompeuse car les enseignants comme les Ă©lĂšves ne lisent plus les anthologies comme des livre. Ils y prĂ©lĂšvent des Ă©lĂ©ments qui, dĂ©contextualisĂ©s, perdent leur sens. Aussi faut-il qu’ils le retrouvent en n’en ayant plus les moyens. Car, si les anthologies sont des ouvrages dont les choix peuvent porter Ă  critique, elles n’en restent pas moins des parcours de lecture qui nous sont proposĂ©s dans une Ă©criture qu’il n’est pas possible d’ignorer, sous peine de ne pas pouvoir justement en faire une lecture critique, une lecture libre donc. La libertĂ© n’est jamais donnĂ©e, toujours acquise
 Regard sur une anthologie
 Il faut ĂȘtre Ă©diteur en VendĂ©e et originaire de Bourgogne comme Louis Dubost pour rĂ©aliser une anthologie thĂ©matique sur l’escargot Dubost et Diguet, 1996. Il faut avoir créé une maison d’éditions avec un vers de RenĂ© Char, Le DĂ© bleu », devenue rĂ©cemment L’idĂ©e bleue » mais toujours sise Ă  ChaillĂ©-sous-les-Ormeaux en VendĂ©e, pour reprendre au mĂȘme RenĂ© Char le titre d’une telle anthologie Fine pluie mouche l’escargot ». Il faut aimer les livres qui emmĂȘlent textes et images comme dans les plus beaux albums pour collectionner autant de petits fragments poĂ©tiques et de dessins suggestifs qui nous enroulent dans le temps lent de la lecture et nous emballent dans du papier kraft, s’il vous plaĂźt. Il faut suivre les mots qui font la sagesse des hommes et donc les poĂšmes-escargots qui font vivre grĂące Ă  leur coquille ou Ă  leur trace brillante d’un fragment de sagesse au dĂ©tour d’un mot, d’un vers ou d’une phrase ». Il faut aimer les poĂštes les inconnus que cachent des proverbes chinois ou africains, les mĂ©connus, les disparus, les inoubliables et tous les autres. Il faut ĂȘtre Ă©diteur et poĂšte. 
vers d’autres anthologies S’il faut du temps pour arriver Ă  ce petit 48 pages, chacun peut s’y essayer plus modestement car nul besoin d’ĂȘtre Ă©diteur vendĂ©en d’origine bourguignonne s’il s’essaie avec un autre animal, lĂ©gume, fruit ou Ă©lĂ©ment quelconque du monde qui perdra son anonymat puisqu’il deviendra sien. Une anthologie pour agrandir le monde comme celle de Louis Dubost avec Isabelle Diguet qui font d’un escargot un monde en transhumance, un monde portĂ© par les poĂšmes, les dits et rĂ©citations de leurs lectures. L’anthologie est toujours un projet paradoxal puisque dans un mĂȘme mouvement, elle proclame volontiers sa volontĂ© de faire lire moins et s’affirme comme moyen de faire lire plus. Lire moins en rĂ©duisant une Ɠuvre Ă  un extrait suffisant, et lire plus en renvoyant Ă  l’intĂ©gralitĂ© de l’Ɠuvre » Fraisse, 1997, p. 9. Cet aspect pragmatique qui rĂ©pond Ă  la double injonction faite Ă  tout lecteur, particuliĂšrement Ă  l’école, de tout lire et bien lire, est doublĂ© par un aspect programmatique puisque l’anthologie est nĂ©cessairement Ă©cartelĂ©e entre la dĂ©marche du bilan et celle du manifeste » Ibid., p. 190 l’anthologue est en charge du passĂ© autant que de l’avenir, avec les renversements qu’on pourrait apercevoir entre ces deux termes puisque certaines anthologies rendent au passĂ© un bel avenir quand d’autres feraient le contraire. Et parfois les deux Ă  la fois ! Il suffirait de citer la publication en 1948 de l’Anthologie nĂšgre et malgache de L. S. Senghor, prĂ©facĂ©e par Sartre, qui a paradoxalement annoncĂ© l’émergence aux yeux et aux oreilles du public occidental d’une littĂ©rature nĂšgre » montrant l’avenir d’un passĂ© et d’un prĂ©sent enfoui et rejetĂ©, et qui a pour longtemps fixĂ© ces poĂšmes dans l’ambiguĂŻtĂ© d’une assignation racialiste et culturelle soumise au contexte politico-littĂ©raire de la mĂ©tropole »  Quoiqu’il en soit, l’anthologie est l’Ɠuvre d’un auteur, qui plus est en tant que lecteur. C’est pourquoi elle a tout son prix pour n’importe quel lecteur puisqu’elle est une manifestation crĂ©atrice de la lecture et d’un rapport Ă  la littĂ©rature » Fraisse, 1997, p. 102. C’est ce rapport qu’il ne faudrait jamais perdre avec les anthologies elles nous ouvrent Ă  un rapport de rapport. Aussi, contre toutes les instrumentalisations, la plus courante Ă©tant celle qui consiste Ă  isoler, prĂ©lever le morceau choisi, poĂšme en l’occurrence, hors de son contexte anthologique, il faudrait toujours, du moins le plus souvent possible, considĂ©rer l’anthologie comme anthologie, c’est-Ă -dire comme une organisation mĂ©diatrice de la littĂ©rature avec un ordonnancement et une hiĂ©rarchisation reposant sur autant de sĂ©lections et de prĂ©lĂšvements que d’oublis et de rejets, avec un appareil critique et de prĂ©sentation. Autant d’opĂ©rations qui, non seulement, font la mĂ©moire et l’oubli de la littĂ©rature, mais Ă©galement, font sa réécriture. C’est Ă  ce point que nos pratiques pĂ©dagogiques peuvent se transformer et si nous proposions Ă  nos Ă©lĂšves de devenir anthologues, non seulement, parce que c’est le meilleur moyen de s’obliger Ă  lire des anthologies, mais surtout parce que c’est le meilleur moyen de trouver sa voix en poĂ©sie, comme en littĂ©rature d’ailleurs. Faire des anthologies c’est tout simplement concrĂ©tiser l’histoire de ses lectures en en rĂ©alisant la mĂ©moire et en en projetant l’avenir, les potentialitĂ©s. Faire des anthologies c’est montrer concrĂštement, quasi matĂ©riellement, et certainement de la maniĂšre la plus vive, que les lectures sont toujours l’aventure d’un sujet en relation, d’une relation pleine de sujet. Il s’agira donc d’en faire, des anthologies, sous forme de livres mais Ă©galement de productions sonores et enfin de rĂ©alisations qui n’hĂ©sitent pas Ă  brancher » les autres pratiques artistiques sur les poĂšmes et l’inverse. Regards sur d’autres anthologies Auparavant, il peut ĂȘtre tout Ă  fait judicieux d’observer rĂ©guliĂšrement les anthologies elles-mĂȘmes. Par exemple, de scruter presque ludiquement les sommaires, d’observer de prĂšs les extraits et donc de construire progressivement une culture anthologique qui fasse de son lecteur un critique averti. Non pour reprocher telle ou telle erreur, relever tel ou tel oubli, discuter tel ou tel choix mais bien pour observer le point de vue que construit n’importe quelle anthologie. Observons la table des poĂšmes » d’un trĂšs beau livre oĂč se mĂȘlent poĂšmes, photographies en noir et blanc et illustrations aux pastels. Si le titre fait jeu de mots, On n’aime guĂšre que la paix, il semble partir d’une double naturalisation dans laquelle les poĂšmes » sont embarquĂ©s. Naturalisation que confirme in fine la quatriĂšme de couverture qui fait office de commentaire pour cette anthologie. L’Ɠil des photographes de l’agence Magnum nous montre la guerre, les pastels de Nathalie Novi nous disent la couleur des jours paisibles et les mots des poĂštes nous crient que les armes ne doivent plus faire la loi sur la Terre. Un album constituĂ© de banniĂšres de papier pour que les enfants fĂȘtent la paix. Henry, 2003, quatriĂšme de couverture La naturalisation est double puisque l’énonciation du titre on » sembla universaliser un sujet qu’on devine ĂȘtre l’enfant-lecteur de cette anthologie ; mais tous les enfants du monde doivent-ils naturellement se plier Ă  un sentiment aussi consensuel. D’autant plus que la seconde naturalisation est celle de la dichotomie guerre et paix qui empĂȘche de dissocier les guerres et les paix, qui absolutise l’un et l’autre terme quand on sait que des guerres justes peuvent ĂȘtre nĂ©cessaires et des paix injustes sont pires que des guerres qu’elles nourrissent d’ailleurs
 Sans entrer plus avant dans cette thĂ©matisation qui est rĂ©duite Ă  cette double naturalisation, on peut concevoir que les poĂšmes ne peuvent qu’ĂȘtre instrumentalisĂ©s. Les mots des poĂštes 
 crient que les armes ne doivent plus faire la loi sur la terre » est une rĂ©duction des poĂšmes prĂ©sents Ă  un slogan, ce que confirme la mĂ©taphore des banniĂšres de papier ». Or, les poĂšmes que rassemblent l’anthologie ne sont pas tous, loin de lĂ , sur le registre du cri et, de plus, beaucoup ne sont pas du tout des hymnes Ă  la paix ». Prenons quelques exemples cĂ©lĂšbres qui contredisent cette thĂ©matisation-naturalisation. Le poĂšme il y a » d’Apollinaire dont l’anthologie nous livre seulement qu’un extrait alors mĂȘme que le livre fait preuve d’inventivitĂ© pour augmenter la dimension des pages en jouant des pliages. Pourquoi donc ne pas donner tout le poĂšme d’Apollinaire qui ici perd sa force et perd justement sa force problĂ©matique oĂč l’amour et la guerre s’emmĂȘlent dans une redoutable rĂ©flexion et surtout un rythme totalement neuf ? Notons que les lignes d’Apollinaire sont transformĂ©es en pseudo vers libres. Et Il y a » suit de prĂšs un poĂšme intitulĂ© Merveille de la guerre » ! Certes, il y a de l’antiphrase dans ce titre mais il fait litanie en lançant Que c’est beau ces fusĂ©es qui illuminent la nuit »  car Apollinaire dans son Ă©criture-vie essaie de penser la fascination qu’on sait, chez les enfants aussi, pour la guerre. Si le poĂšme de Robert Desnos, La voix », est un poĂšme particuliĂšrement fort – nous y reviendrons dans le chapitre suivant – il aurait Ă©tĂ© prĂ©fĂ©rable de donner le poĂšme Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre » dont le premier vers est explicite et dont la fin situe prĂ©cisĂ©ment l’enjeu Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre voilĂ  qu’il bat pour le combat et la bataille ! / [
] RĂ©volte contre Hitler et mort Ă  ses partisans ! / [
] Car ces cƓurs qui haĂŻssaient la guerre battaient pour la libertĂ© au rythme mĂȘme des saisons et des marĂ©es, du jour et de la nuit » Desnos, 1999, p. 1246. Car ce que doit une anthologie Ă  ses lecteurs, c’est l’historicitĂ© des poĂšmes. Et dans cette anthologie, tout est presque effacĂ© les dates des poĂšmes voyez la bibliographie incomplĂšte de la table alors mĂȘme que les photographies sont lĂ©gendĂ©es par conflits et souvent datĂ©es – mais lĂ  Ă©galement, l’information reste rudimentaire 1994 Rwanda – Tutsis fuyant les massacres ». En fin de compte, si cette anthologie avait confrontĂ© des poĂšmes contemporains aux conflits, on aurait cherchĂ© les Ă©chos rĂ©ciproques avec photographies et illustrations mais les poĂšmes vont de Victor Hugo Ă  Jean-Pierre SimĂ©on et parsĂšment ce parcours poĂ©tique français » de quelques poĂšmes d’origine Ă©trangĂšre allemand, turc, vietnamien, italien, sĂ©nĂ©galais, cubain, bosniaque, israĂ©lien et palestinien. Aussi l’anthologie demande toujours la critique. Elle demande toujours Ă  son lecteur une lecture critique, c’est-Ă -dire l’historicitĂ© de sa lecture, l’engagement que le poĂšme ouvre dans sa multiplicitĂ© interne voyez Apollinaire et ses poĂšmes de guerre et d’amour et externe que de poĂšmes de par le monde !
 Il y a des anthologies indispensables. RĂ©unir seulement dix poĂštes pour un siĂšcle, c’est certes peu mais suffisant pour bien connaĂźtre par la traduction des poĂšmes que des millions d’enfants russes, aujourd’hui encore, connaissent pas cƓur » quatriĂšme de couverture de Anthologie de la poĂ©sie russe pour enfants, 2000. PlacĂ©s sous la tutelle du grand poĂšte Ossip Mandelstam qui demandait de ne lire que des livres d’enfants
 », cette anthologie est passionnante car elle est Ă  la fois Ă©rudite l’introduction mais aussi la prĂ©sence de poĂštes que peu connaissent en France mĂȘme parmi les spĂ©cialistes et immĂ©diatement lisible par tout un chacun. Les poĂšmes y sont vraiment des poĂšmes pour enfants sans aucune affĂ©terie ou dĂ©magogie, rĂ©sultant bien plutĂŽt de ce qu’une autre grande poĂšte russe, Anna Akhmatova, disait de la littĂ©rature russe du XIXe siĂšcle dont se sont emparĂ©s les enfants et que l’on pourrait appliquer Ă  ce XXe siĂšcle russe moment unique et magique grĂące auquel un pont fut jetĂ© entre la poĂ©sie et les enfants ». Suivre cette anthologie c’est forcĂ©ment la lire comme un livre. Un livre d’histoire d’abord mĂȘme si l’on ne s’intĂ©resse pas Ă  l’histoire russe, on peut suivre lentement mais avec une grande proximitĂ© une histoire du regard sur l’enfance ou peut-ĂȘtre mĂȘme du regard des enfants
 et puis il y a dans cette anthologie une leçon de français Ă  nulle autre pareille LEÇON DE FRANÇAIS Il y avait Dans la riviĂšre Un gros brochet Qui savait se taire En français. Les canards Si bavards, Les hochequeues Si curieux Lui demandaient Cher ami, cher brochet, Taisez-vous un peu En français. » Et le brochet Se taisait, Se taisait tout le temps En pur français. PoĂšme de Roman Sef, dans Anthologie de la poĂ©sie russe pour enfants, 2000, p 133 Fabriquer des livres Pour s’engager Ă  lire des anthologies, il faut en Ă©crire. Mais, dira-t-on, la tĂąche est hors de portĂ©e des enfants, de nos Ă©lĂšves, de nos classes dĂ©jĂ  si pauvres en poĂšmes
 À moins de considĂ©rer l’anthologie dans ses rudiments qui en font les fondements et alors la taille ne sera plus qu’une question d’habitudes construites, d’apprentissages rĂ©guliers et d’activitĂ©s adaptĂ©es au bon moment. Il suffit de s’habituer dĂ©jĂ  Ă  consigner dans un carnet de lecture sur une seule page quelques fragments de chaque livre de poĂšmes lus en classe. Ces fragments choisis librement par chaque Ă©lĂšve et recopiĂ©s proprement, illustrĂ©s Ă  l’occasion et pourquoi pas titrĂ©s voire commentĂ©s, constituent de rapides et courtes anthologies qui, chemin faisant, feront une grosse et longue anthologie pour chaque Ă©lĂšve au bout d’une annĂ©e voire d’un cycle si l’on conserve le mĂȘme support ou l’additionne dans une collection de cahiers, et pourquoi pas, de petits livrets rĂ©alisĂ©s Ă  l’occasion. ManiĂšre de poursuivre le cahier de poĂ©sies » en le transformant radicalement
 sans en avoir l’air ! Au-delĂ , des projets anthologiques moins rivĂ©s aux lectures successives peuvent voir le jour Ă  propos d’activitĂ©s qui auraient pour origine d’autres domaines voire d’autres disciplines. Ce projet anthologique regroupant des fragments poĂ©tiques pris Ă  des ouvrages les plus divers en privilĂ©giant toutefois les ouvrages littĂ©raires et les livres de poĂšmes demande quelques recommandations qui suivent les Ă©tapes d’un tel projet 1. La premiĂšre Ă©tape est celle de la collecte pendant laquelle tout fragment relevĂ© pour son intĂ©rĂȘt doit ĂȘtre toujours bien rĂ©fĂ©rencĂ© – que ce soit avec des post-it de couleur ou la photocopie ou mieux le copiage. Cette Ă©tape peut s’appuyer sur des moments de lecture libre pendant une quinzaine de jours. 2. La seconde Ă©tape est celle du montage et de la prĂ©sentation anthologique pendant laquelle un sommaire s’organise, des critĂšres de classement et de prĂ©sentation se gĂ©nĂšrent et enfin une prĂ©sentation se trouve. Cette seconde Ă©tape demande deux ou trois sĂ©ances pour que le montage ait le temps de se discuter y compris personnellement car il peut-ĂȘtre bienvenu de rĂ©aliser des anthologies Ă  plusieurs mĂȘme si l’anthologue doit, Ă  un moment donnĂ©, se retrouver seul face Ă  la tĂąche. Quoiqu’il en soit, les critĂšres d’organisation doivent apparaĂźtre dans le sommaire voire dans les titres et intertitres organisation chronologique ou thĂ©matique voire alphabĂ©tique ; enchaĂźnement par opposition, par proximitĂ©, etc. Ces anthologies ne doivent pas ĂȘtre dĂ©mesurĂ©es pour de jeunes Ă©lĂšves un petit quatre pages insĂ©rĂ© dans une couverture avec un sommaire peut d’abord suffire ; l’élĂšve qui dĂ©sirerait un huit pages est bien entendu libre
 Quelques exemples de projets anthologiques Anthologie d’un poĂšte, d’un groupe poĂ©tique, d’une Ă©poque, d’un pays
 Anthologie thĂ©matique arbre, branche, forĂȘt
 ; soleil, lune
 Anthologie notionnelle type de vers, de strophes, de rimes, de prĂ©sentations sur la page
 Fabriquer une anthologie avec une feuille A4 Couverture du livre d’Eric Sautou, Un Oursin, le farfadet bleu », Ă©d. L’IdĂ©e bleue, 2004. Prendre une feuille A4 et la plier en 4 DĂ©couper en deux la feuille et obtenir un petit livre de 8 pages. RĂ©aliser la couverture auteur, titre, Ă©d. Commencer l’anthologie extraits du livre de Sautou rĂ©fĂ©rencĂ©s avec la pagination ; ne pas oublier une dĂ©dicace Ă©ventuelle sur le revers de la premiĂšre de couverture. Continuer l’anthologie. les deux pages centrales permettent des chevauchements. Finir l’anthologie sur la page 6 et rĂ©aliser un sommaire en page 7 ici, c’est un index qui reprend la liste des arbres et plantes. RĂ©diger une quatriĂšme de couverture. RĂ©aliser des enregistrements Ce que la poĂ©sie impose Ă  la littĂ©rature c’est la voix. Ce que la poĂ©sie demande au langage c’est d’entendre la voix. Ce qui implique bien entendu de considĂ©rer la voix physique, c’est-Ă -dire du point de vue de l’acoustique mais Ă  condition de faire de la voix autre chose qu’une simple rĂ©alitĂ© biologique voire psychologique l’enjeu est encore plus important. ConsidĂ©rer la physique de la voix c’est, en passant par l’acoustique, donner toute sa place Ă  une physique du langage et donc ouvrir les voies d’une Ă©coute de la voix dans et par le langage, tout le langage et pas seulement son acoustique. C’est seulement Ă  la condition que cet enjeu soit pleinement pris en compte et sans cesse redynamisĂ© que les pratiques sonores avec la poĂ©sie s’ouvriront sur cette Ă©coute qui est certainement plus l’invention d’un organe oreille intĂ©rieure ? et d’un sens Ă©coute interne ? que l’utilisation d’un sens entendre avec un organe l’oreille portĂ© Ă  son maximum d’efficacitĂ©. Mais cela peut passer par son exercice qui n’est certainement pas assez pratiquĂ© si ce n’est lors des activitĂ©s musicales, ce qui n’est pas nĂ©gligeable mais qui est totalement insuffisant pour le langage. Au chapitre Argot qui pleure et argot qui rit » du livre septiĂšme, L’argot » de la quatriĂšme partie du roman Les MisĂ©rables de Victor Hugo, on peut lire ceci Mirlababi surlababo Mirliton ribon ribette ; Surlababi mirlababo Mirliton ribon ribo Dans ce mĂȘme septiĂšme livre Victor Hugo Ă©crivait significativement Apprendre Ă  lire, c’est allumer du feu ; toute syllabe Ă©pelĂ©e Ă©tincelle. C’est ce qu’on recherche ici que les syllabes Ă©pelĂ©es Ă©tincellent
 pas forcĂ©ment toutes mais au moins quelques-unes parce qu’elles vont alors rĂ©sonner de l’étincelle du poĂšme qui mettra le feu Ă  toute la plaine, Ă  tout le langage. Et on apprend dans le roman de Hugo que ce court refrain quatrain se chantait en Ă©gorgeant un homme dans une cave ou au coin d’un bois » ! Le narrateur hugolien prĂ©cisait auparavant ceci On retrouve au dix-huitiĂšme siĂšcle dans presque toutes les chansons des galĂšres, des bagnes et des chiourmes, une gaĂźtĂ© diabolique et Ă©nigmatique. On y entend ce refrain strident et sautant qu’on aurait dit Ă©clairĂ© d’une lueur phosphorescente et qui semble jetĂ© dans la forĂȘt par un feu follet jouant du fifre [
] Les dĂ©veloppements qui suivent sont de la plus haute importance quant Ă  la congruence de l’éthique et du politique le sens rĂ©volutionnaire est un sens moral » ; et le livre sur l’argot s’achĂšve sur la comparaison forgĂ©e Ă  propos de notre comptine-refrain Faut-il continuer de lever les yeux vers le ciel ? le point lumineux qu’on y distingue est-il de ceux qui s’éteignent ? L’idĂ©al est effrayant Ă  voir ainsi perdu dans les profondeurs, petit, isolĂ©, imperceptible, brillant, mais entourĂ© de toutes ces grandes menaces noires monstrueusement amoncelĂ©es autour de lui ; pourtant pas plus en danger qu’une Ă©toile dans les gueules des nuages. La lecture Ă  voix haute par le moyen de l’enregistrement serait cette Ă©toile d’utopie car, on le sait fort bien, la lecture Ă  voix haute est difficile mais ce qu’on espĂšre c’est que dans les gueules des nuages » que sont forcĂ©ment les ratages, les bafouillages, les silences et les bruits de toute mise en voix dans la classe, s’apercevra le point lumineux » de la voix irremplaçable, celle qu’on se doit d’entendre dans sa fragilitĂ© mĂȘme, dans ses essais. L’argument premier de la nĂ©cessitĂ© d’une vocalisation des textes poĂ©tiques est celui qui ouvre la lecture Ă  une appropriation par la voix haute. Il suffit de rappeler qu’historiquement la voix haute a prĂ©cĂ©dĂ© la lecture silencieuse d’une part et, d’autre part, de souligner combien la vocalisation des textes constitue, pour le moins, une premiĂšre et dĂ©cisive appropriation. Non seulement, des pans entiers de la comprĂ©hension et de l’interprĂ©tation peuvent et doivent passer par de telles activitĂ©s, mais l’oralisation est une incorporation qui permet que le texte porte son lecteur autant qu’il le porte. En effet, un texte s’il fait Ɠuvre et encore plus s’il fait poĂšme est un opĂ©rateur anthropologique qui transforme le lecteur voire transporte, au point de modifier indissociablement ses affects et ses pensĂ©es, son corps comme son langage, sa vie comme le monde. MĂȘme si ces changements paraissent minimes, l’essentiel est qu’ils soient rĂ©els ; qu’ils soient parfois mĂȘme imperceptibles prouverait qu’ils en sont d’autant plus probants car hors de tout contrĂŽle, hors de toute maĂźtrise. La chair de poule, le vertige, la sueur
 ne se maĂźtrisent pas plus que les Ɠuvres qui les font venir au corps. Sans parler de la mĂ©moire involontaire, du moins, de ce travail qu’un poĂšme fait durablement Ă  un corps dans son indissociabilitĂ© avec l’esprit voire avec l’ñme
 restons avec Hugo et les derniers mots des MisĂ©rables LIVRE NEUVIEME SUPRÊME OMBRE, SUPRÊME AURORE [
] VI L’HERBE CACHE ET LA PLUIE EFFACE Il y a, au cimetiĂšre du PĂšre-Lachaise, [
] une pierre. [
] Cette pierre est toute nue. On n’a songĂ© en la taillant qu’au nĂ©cessaire de la tombe, et l’on n’a pris d’autre soin que de faire cette pierre assez longue et assez Ă©troite pour couvrir un homme. On n’y lit aucun nom. Seulement, voilĂ  de cela bien des annĂ©es dĂ©jĂ , une main y a Ă©crit au crayon ces quatre vers qui sont devenus peu Ă  peu illisibles sous la pluie et la poussiĂšre, et qui probablement sont aujourd’hui effacĂ©s Il dort. Quoique le sort fĂ»t pour lui bien Ă©trange. Il vivait. Il mourut quand il n’eut plus son ange ; La chose simplement d’elle-mĂȘme arriva. Comme la nuit se fait lorsque le jour s’en va. Le monumental fait place ici au movimental » aux inscriptions gravĂ©es dans le marbre, il est prĂ©fĂ©rĂ© la nuditĂ© d’une voix qui a retenu en quatre vers » toute une vie et bien plus toute une relation. Et encore bien plus tout un poĂšme qui porte tout l’univers dans le plus banal Ă©vĂ©nement. C’est que dans cette voix les finales de vers en particulier s’entend non seulement le nom Valjean mais s’entend aussi son infinie rĂ©sonance. La vie, la voix, comme la nuit se fait ». Enregistrer sa voix rĂ©guliĂšrement, telle serait la premiĂšre activitĂ© qui viendrait comme Ă©prouver cette physique du langage que les rencontres avec les textes poĂ©tiques obligent Ă  construire, Ă  vivre. Deux solutions trĂšs simples le permettent dans toutes les classes aujourd’hui. Chacun sa bande-son
 La premiĂšre solution est ancienne chaque Ă©lĂšve possĂšde une cassette sur laquelle il enregistre au magnĂ©tophone rĂ©guliĂšrement des fragments de textes lus ou rĂ©citĂ©s. La seconde solution est plus rĂ©cente chaque Ă©lĂšve ouvre un dossier personnel d’enregistrement avec un logiciel adaptĂ© sur l’ordinateur de la classe, de son groupe
 Tous Ă  l’écoute La contrainte dans chacun de ces cas, c’est d’archiver les enregistrements. L’enjeu didactique qui repose sur cette pratique rĂ©guliĂšre d’enregistrements, consiste Ă  organiser de temps en temps des moments d’écoute critique soit individuels soit collectifs petit groupe ou classe entiĂšre. Dans le cahier poĂ©sie ou littĂ©rature, chaque Ă©lĂšve note ce qu’il a Ă©coutĂ© et rĂ©dige un court commentaire. L’enseignant peut fort bien prĂ©ciser les consignes d’écoute et donc de prise de notes. Il peut Ă©galement organiser de courts dĂ©bats avant la prise de notes quand l’écoute se fait en petit ou grand groupe. 
 vers des anthologies sonores publiques Au-delĂ  de cette activitĂ© rĂ©guliĂšre, d’autres modes d’enregistrement peuvent ĂȘtre rĂ©alisĂ©s afin d’effectuer des montages de voix, de textes et/ou de sons comme autant d’anthologies sonores mises ensuite Ă  la disposition de tous BCD, classe de correspondants, familles, site Internet
. Il y a des poĂšmes de prĂ©dilection pour les enregistrements les comptines, en premier lieu, mais Ă©galement les poĂšmes dits illisibles Ă  voix haute. On comprendra aisĂ©ment qu’entre ces deux pĂŽles, tous les poĂšmes peuvent donner lieu Ă  enregistrements, Ă  anthologies sonores. 1. Des comptines Si tous les textes peuvent passer par la voix enregistrĂ©e, on peut aussi aller droit vers ceux qui obligent Ă  trouver une voix qu’on ne savait pas qu’on avait
 Les comptines sont souvent rĂ©servĂ©es aux Ă©lĂšves du cycle 1, en confier aux Ă©lĂšves des cycles 2 et 3 permettrait d’une part d’ouvrir le rĂ©pertoire et d’autre part de saisir cette physique du langage qui est forcĂ©ment Ă  l’Ɠuvre avec les comptines. Au niveau du collĂšge et dĂšs le cycle 3, l’introduction des chansons » dans le corpus devrait problĂ©matiser ce qui perdure de la comptine Ă  la chanson. Pensons, entre autres phĂ©nomĂšnes plus ou moins rĂ©cents, au rap et au slam voir Lecture jeune, n° 115. Il y a des traditions multiples qu’il ne faudrait jamais perdre de vue et que des rĂ©fĂ©rences toujours vives aux plus vieilles chansons » de nos rĂ©pertoires devraient nourrir, et il y a Ă©galement dans une actualitĂ© qu’il faudrait toujours saisir pour rester vigilant et Ă  l’écoute ce qui n’est que rĂ©pĂ©tition ou au contraire heureuse reprise, vraie rĂ©invention. VoilĂ  une piste d’anthologies sonores qui ne peuvent se faire qu’en tĂątonnant, en cherchant ce qui, dans les voix enregistrĂ©es, continue, rĂ©sonne, fait Ă©cho, renverse ou encore fait entendre Ă  neuf. Ce poĂšme de Robert Desnos met la voix dans une ronde non seulement par ses rimes qui tournent mais Ă©galement par sa mĂ©trique 4x huit-syllabes puis 4x cinq-syllabes qui oblige Ă  faire entendre ce dĂ©hanchement du pair Ă  l’impair avec une accĂ©lĂ©ration que renforcent les attaques finales qui imposent une sur-accentuation jusqu’à presque prononcer l’envoi ainsi Et salut tout l’monde » La sardine Une sardine de Royan Nageait dans l’eau de la Gironde ; Le ciel est grand, la terre est ronde, J’irai me baigner Ă  Royan Avec la sardine, Avec la Gironde, Vive la marine ! Et salut au monde ! 2. Des textes impossibles Ă  dire Si les comptines et autres textes de chansons » semblent faciles Ă  dire et donc peuvent et doivent constituer le premier fonds des anthologies sonores, ne serait-ce que pour conserver en vie ce fonds immĂ©morial ou largement partagĂ©, d’autres textes devraient paradoxalement venir constituer un fonds propice aux anthologies sonores ceux qui semblent justement impossibles Ă  dire ! Commençons par un exemple ! ĂŽrondElune,co mment flottronDe plus que roNdees-tu ; tou te &rOnde plus dor Ă©eque Rond issime ? E. E. Cummings, 2002, p. 68 Enregistrer ce texte dans une anthologie sur la lune, par exemple Ă  cĂŽtĂ© de Moi, j’irai dans la lune » de RenĂ© de Obaldia 1969, c’est chercher ce que fait un tel poĂšme autrement qu’en rimant en fin de vers lune » avec fortune » ou qu’en comptant six syllabes. Mais alors que fait un tel poĂšme qu’on a peine Ă  faire entendre ? Il nous force Ă  augmenter l’écoute, Ă  chercher cette Ă©coute dans des dimensions inhabituelles. Et cela demande autant d’essais que de bredouillages, de dĂ©rapages, de bĂ©gaiements. Mais, de l’exclamation Ă  l’interrogation, des coupes incongrues de vers, de mots, de lettres aux incises entre parenthĂšses, peut s’entendre une voix qui nous fait voir une lune jamais vue dans le halo lunaire
 Mais l’impossible Ă  dire c’est certainement le silence et l’orientation premiĂšre que toutes les anthologies sonores rĂ©alisĂ©es Ă  l’école jusqu’en troisiĂšme devraient concrĂ©tiser, c’est bien celle de faire entendre les silences des poĂšmes qui rĂ©sonnent de tout ce qu’ils ne peuvent pas dire et qu’ils disent si fort Ă  leur insu et Ă  notre insu. Il ne s’agit pas alors d’enregistrer des silences comme on ferait en musique mais de laisser venir Ă  force d’écoute dans le travail de la voix enregistrĂ©e et des poĂšmes dits Ă  voix haute, des uns aux autres, dans ces anthologies, de laisser venir le silence du poĂšme, c’est-Ă -dire sa force insoupçonnĂ©e, son inconnu qui est aussi notre inconnu, l’inconnu de notre diction, de notre lecture. Prenons un exemple qui demande, grĂące aux enregistrements, autant de reprises que de tentatives LE CÔTÉ BLEU DU CIEL Les bancs sont prisonniers Des chaĂźnes d’or du mur Prisonniers des jardins oĂč le soleil se cache PrĂšs de la forĂȘt vierge De la prairie Ă©tale Du pont qui tourne Ă  pic Dans l’angle le plus froid La boĂźte des nuages s’ouvre Et tous les oiseaux blancs s’envolent Ă  la fois Tapis plus vert que l’eau plus doux que l’herbe Plus amer Ă  la bouche et plus plaisant Ă  l’Ɠil Les arbres Ă  genoux se baignent L’air est calme et plein de soleil La lumiĂšre s’abat Le jour perd ses pĂ©tales Plus haut c’est tout d’un coup la nuit Les regards entendus Et le clignement des Ă©toiles Les signes Par-dessus les toits Pierre Reverdy, 1967, p. 275 Ce poĂšme de Pierre Reverdy semble ajouter statiquement des Ă©lĂ©ments de paysage alors qu’au contraire c’est un mouvement d’élĂ©vation de libĂ©ration ? qui progressivement met en branle tous les Ă©lĂ©ments d’une rĂȘverie certes mystĂ©rieuse mais active au plus haut point jusqu’à se fondre au cosmos. C’est ce continu, au-delĂ  du silence, qu’il s’agit de rendre actif dans la respiration toute retenue d’une lecture. Celle-ci ne peut se contenter d’accumuler des Ă©lĂ©ments informatifs mais doit chercher cette voix silencieuse qui la porte vers le cĂŽtĂ© bleu du ciel ». Aucune recette ni technique ne peut venir Ă  bout d’une telle recherche. Elle demande le temps d’une Ă©coute la plus vive qui soit entendre dans la voix enregistrĂ©e ce qui trouve ce continu, ce qui fait entendre mĂȘme Ă  peine ce cĂŽtĂ© bleu du ciel », voilĂ  l’objectif de telles anthologies sonores qui incluraient aussi des textes impossibles Ă  dire
 Continuer la lecture de Multiplier les anthologies → Il y a donc les sĂ©quences qui permettent de vivre avec des Ɠuvres pour faire Ɠuvre, des rituels qui construisent des habitudes d’écoute et d’attention vers les poĂšmes et, enfin, des projets qui vont accroĂźtre le continu du poĂšme Ă  la vie sous l’angle de la fĂȘte ou de la rencontre. Moments d’exception mais moments indispensables pour que les rituels et les sĂ©quences prennent sens, se ressourcent Ă  des dynamiques oĂč la surprise et la jubilation, l’aventure et le hasard, l’attente et la coopĂ©ration jouent multiplement pour chacun. Nous avons surtout veillĂ© Ă  faire rentrer les poĂšmes dans la classe, Ă  ce que les Ă©lĂšves, tous les Ă©lĂšves, puissent avoir les moyens de grandir leur Ă©coute du poĂšme dans des activitĂ©s variĂ©es au cƓur de leur scolaritĂ©. Aussi, faudrait-il envisager le mouvement inverse pour que le continu de la vie s’entende dans les poĂšmes sortir les poĂšmes de la classe, du moins tester que les poĂšmes tiennent face Ă  la vie, toute la vie, celle qui parfois ne peut rentrer dans la classe
 Mais Ă©galement faudrait-il sortir de la classe pour rencontrer des personnes, poĂštes ou pas, qui disent vivre le poĂšme dans leur vie. Ces projets n’ont pas pour ambition de produire » des rĂ©sultats qui devraient immĂ©diatement plaire Ă  quelque institution culturelle encadrant de ses fonds des activitĂ©s contrĂŽlables ou Ă  tel public avide de trouver la poĂ©sie sans travailler son Ă©coute du poĂšme et son attention au langage. Il ne s’agit pas non plus d’y dĂ©velopper un plaisir » qu’on n’aurait pas eu dans les rituels et les sĂ©quences pendant lesquels le travail » aurait Ă©tĂ© de rigueur, auquel cas ces activitĂ©s n’auraient pas pu engager les Ă©lĂšves dans une dynamique de subjectivation dans et par le langage, dans une dynamique qui en fait un sujet de ses apprentissages. Il s’agit bien de poursuivre en risquant une ouverture maximale le risque des rencontres, des lieux, des moments et des personnes auxquels on n’est pas habituĂ©. Sortir les poĂšmes de la classe Les maniĂšres de sortir » les poĂšmes de la classe sont multiples et chacun trouvera dans les circonstances qui sont celles de sa classe les modalitĂ©s concrĂštes voire les idĂ©es pertinentes qui feront que les poĂšmes, quand ils ont engagĂ© leurs lecteurs, ne peuvent que devenir des opĂ©rateurs de rencontres et de manifestations les plus diverses, en inventant mĂȘme de nouveaux modes de diffusion. Si tous les supports sont Ă  explorer, ce sont souvent les poĂšmes eux-mĂȘmes et les lectures qui ont permis leur appropriation, qui exigeront tel ou tel support. Que les supports soient donc faits de papier ou de virtualitĂ©, ils ne sont que le prolongement d’un geste initiĂ© dans la classe et qui demande de devenir un geste pleinement relationnel, de devenir rĂ©ciprocitĂ©. Des Ă©changes entre classes, des rencontres rĂ©guliĂšres entre groupes d’élĂšves, des espaces d’échange rĂ©guliĂšrement renouvelĂ©s, des moments privilĂ©giĂ©s dans le calendrier scolaire, autant de modalitĂ©s que les enseignants connaissent bien et que les enfants apprĂ©cient toujours pour que les poĂšmes tiennent leurs promesses de lanceurs relationnels. Nous proposerons ci-aprĂšs deux modalitĂ©s peut-ĂȘtre plus originales mais, rappelons-le, ces sorties » du poĂšme ne sont que le prolongement obligĂ© d’une activitĂ© qui est au cƓur du poĂšme et de sa réénonciation, l’infini de son activitĂ© sous peine de ne plus ĂȘtre un poĂšme. Cet inaccompli n’exige aucun dĂ©fi autre que celui qui fait que le poĂšme engage Ă  sortir de ce qui est son confinement Ă  quelque assurance que ce soit, donc Ă  risquer sa valeur et nous avec elle. Envols poĂ©tiques Le poĂšme est d’abord un appel Ă  entrer en relation, Ă  trouver l’inconnu. Que des cerfs-volants soient porteurs de ces appels signerait dans l’air et le vent cette activitĂ© de tout poĂšme traverser l’espace pour inventer une relation. On peut varier les propositions mais la collection Petits gĂ©ants » des Ă©ditions Rue du monde nous en suggĂšre une faire monter dans le ciel de la cour de rĂ©crĂ©ation un poĂšme sur plusieurs cerfs-volants comme chacun de ces petits livres offre un poĂšme dĂ©coupĂ© en autant de doubles-pages qu’en compte l’album carrĂ©. Celui qui nous semble le plus adĂ©quat pour toucher du doigt cette proposition est illustrĂ© par Antonin Louchard avec le poĂšme de Paul Eluard qu’il publia dans son livre issu d’émissions radiophoniques rĂ©alisĂ©es en 1949, Les Sentiers et les routes de la poĂ©sie. Ce poĂšme et sa mise en livre font ce projet d’envols qui suit le vent de la comptine en boucle oĂč tout un monde est parcouru et contenu dans l’air de son rĂ©citatif ; de la mĂȘme maniĂšre, les illustrations de Louchard cherchent cette lĂ©gĂšretĂ©, trouvent cet envol qui renverse. C’est comme ce jeu enfantin oĂč l’on aime voir le monde Ă  l’envers. Paul Eluard, Antonin Louchard ill., Dans Paris il y a
, coll. Petits gĂ©ants », Rue du monde, 2001. PublicitĂ©s poĂ©tiques Disperser les poĂšmes des fragments de poĂšmes dans des lieux insolites, lĂ  oĂč on ne les attendrait pas, permettrait de suggĂ©rer ce que les poĂšmes nous font. Ils nous refont parce qu’ils nous changent le monde. Cette dispersion peut prendre de nombreuses modalitĂ©s parmi lesquelles la plus simple consiste Ă  utiliser les voies de la publicitĂ© si prĂ©gnante dans notre sociĂ©tĂ© contemporaine. Apposer des post-its dans des endroits inhabituels mais stratĂ©giques de l’école, voilĂ  qui interpelle le passant, crĂ©e mĂȘme des itinĂ©raires nouveaux
 À partir du livre de Daniel Biga, La Chasse au haĂŻku 1998, les Ă©lĂšves mettent le livre en confettis et dispersent leurs post-its dans toute l’école en cherchant Ă  rĂ©aliser des jeux de pistes qui recomposent les itinĂ©raires qu’ils ont dĂ©couverts dans le livre. Lequel Ă©tait organisĂ© en chapitres » En ville » ; l’atelier des Ă©critures » ; le jardin » ; en montagne » ; des animaux » ; l’hiver » ; neige ». Ci-dessous un parcours sans titre rĂ©alisĂ© par un jeune lecteur, qui commence au matin et finit en rĂȘve
 bonne journĂ©e ma chĂ©rie ‑ au-revoir mon amour rendors-toi aucun livre ne vaudra jamais une journĂ©e heureuse le haĂŻku je le pratique comme la promenade quotidienne lettre du jour je lis puis ça se brouille les larmes aux yeux Abed a dit “quand la tristesse se prĂ©sente accueille la tristesse” dans la chaleur animale des WC boite Ă  rĂȘves sur la table l’ombre de la main qui Ă©crit aprĂšs le genou qui gratte c’est le nez qui dĂ©mange dans la salle silence d’or Ă©criture d’argent au carrelage du mur rĂ©pondent les carreaux du sol derriĂšre le mur rĂ©sonnent des voix sans corps la parole est au cƓur du silence ceux qui m’entourent ceux que je vois autour sous l’écharpe se cache une gorge frileuse la mouche dans mon oeil nul autre ne la voit qui je suis ici et maintenant n’a pas de visage parfois je me demande comment me voient les oiseaux ? mon ombre passe merci Ă  la terre comme au ciel ni pensĂ©e ni souci ouvre la fenĂȘtre du jardin plein de pensĂ©es plein de soucis je me penche tout en bas sur le lac une minuscule silhouette me regarde le nuage gris dĂ©robe une portion du caviar lactĂ© je fais un dĂ©tour pour ne pas dĂ©ranger un moineau picorant vent redoutable je m’achĂšte une Ă©charpe d’hiver plus haute que moi neige au matin je pense aux poireaux du jardin ce soir je m’endormirai la neige sous mes paupiĂšres Il y a bien sĂ»r la modalitĂ© opposĂ©e aux confettis poĂ©tiques l’agrandissement dĂ©mesurĂ© du poĂšme ou d’un fragment sur un mur, sur une banderole
 agrandir au maximum un court fragment et poser Ă  proximitĂ© le poĂšme en entier mieux le livre dont il est extrait. Exemple Cachecachecachent psst pssit petites chosesfantĂŽmes en catimini clins-d’yeux-mini petites agitĂ©es sorciĂšres et tintinabulantes lutines Ă  tu et Ă  toi Ă  tu et Ă  toi petites hop-hop heureuses flatteuses en flanelle flanelle petites gratteuses souriquoises aux yeux qui se carapatent crissent et courent et cachecachecachent droppent droppent guettant la vieille femme avec une verrue sur le nez ce qu’elle vous fera nul ne sait car elle connaĂźt le diable ooh le diable ouh le diable aah le grand et vert danseur de diable diable diable diable huiiIII poĂšme de E. E. Cummings, traduit par Jacques Demarcq dans Contes de fĂ©es, 16 poĂšmes enfantins, ClĂ©mence hiver Ă©diteur, illustration de Macha Poynder, 2002, p. 62-63 La complexitĂ© revendiquĂ©e de la poĂ©sie de Cummings est aussi, avec de tels poĂšmes, la revendication de sa part enfantine qui est aux antipodes du simplisme l’amour produit de l’inconnu, c’est sa fonction », disait ce poĂšte dans un sonnet. Et les 16 poĂšmes que ce grand poĂšte amĂ©ricain a rassemblĂ©s Ă  la fin de sa vie font comme un hommage aux lectures enfantines de la poĂ©sie la plus difficile, puisqu’elle font un autoportrait voir la postface Ă©crite par le traducteur, lui-mĂȘme poĂšte, Jacques Demarcq plein de confiance dans la relation que lance le poĂšme de lectures en lectures. Réénonciation continue de l’écriture toujours en mouvement et qui trouve son sujet, comme dit le distique final du troisiĂšme poĂšme Car quoi qu’on perde comme un moi ou un toi c’est toujours soi que dans la mer on trouvera p. 54 Rencontrer les poĂštes On ne peut pas nier que la rencontre avec un Ă©crivain participe Ă  la fois de la dĂ©sacralisation et de la valorisation de la littĂ©rature un Ă©crivain est un homme ordinaire
 dont l’Ɠuvre nous fait des choses extraordinaires. Ou alors, cet Ă©crivain est un faiseur et son Ɠuvre est une mystification , ce qui est malheureusement parfois le cas ! Aussi, est-il tout Ă  fait judicieux d’organiser de telles rencontres les Ă©lĂšves sont souvent partie prenante Ă  condition qu’aucune dĂ©magogie spectaculaire ne vienne altĂ©rer la qualitĂ© d’une rencontre comme on peut en avoir beaucoup d’autres – avec tel voisin » de l’école qui vient partager son expĂ©rience de vie ou de travail
 Suivent deux modalitĂ©s complĂ©mentaires de ces rencontres. La premiĂšre rĂ©pond Ă  un souci d’ancrage dans le temps d’une rencontre qui doit certainement garder son caractĂšre d’évĂ©nement mais qui exige qu’on la prĂ©pare, la poursuive. De plus, la rencontre avec un poĂšte peut trĂšs bien ne pas ĂȘtre possible si ce dernier ne le souhaite pas, ne le peut pas, mais la correspondance peut venir la rendre vive Ă  sa façon. Correspondances poĂ©tiques Odilon Redon, illustration pour les Fleurs du mal de Baudelaire Engager une correspondance avec un poĂšte est une modalitĂ© forte de la rencontre que ce soit donc pour sa prĂ©paration ou son prolongement mais Ă©galement pour tout simplement l’assurer et l’ancrer dans l’écriture elle-mĂȘme – qu’elle prenne la forme d’écrits ou d’enregistrements, d’envois d’objets divers photographies, livres
. Une telle correspondance ne doit pas rester formelle et de simple politesse. La correspondance engage vraiment chacun dans une relation qui s’appuie sur la lecture. Chaque lecture celle des Ɠuvres comme celle des lettres va demander une Ă©criture et donc une meilleure Ă©coute de ce qu’on a lu puisque l’écriture Ă©pistolaire demande de reformuler toujours avec l’autre. L’épistolaire oblige Ă  relancer Ă  chaque Ă©change et donc Ă  remettre sur le chantier sa lecture puisque l’échange avec un poĂšte ne peut s’engager qu’à partir des lectures. Car il n’y a pas Ă  chercher une vĂ©ritĂ© de son Ă©criture dans le discours du poĂšte qui dĂ©tiendrait une vĂ©ritĂ© quelconque qu’elle soit prise Ă  l’anecdote biographique ou Ă  la rĂ©vĂ©lation d’un procĂ©dĂ© quelconque de fabrication mais plutĂŽt Ă  poursuivre dans la relation Ă©pistolaire ce que fait l’Ɠuvre Ă  son auteur comme Ă  son lecteur l’échange de cette recherche augmentant certainement ce que l’Ɠuvre fait Ă  chacun. Chaque Ă©lĂšve peut Ă©crire au poĂšte, y compris dans des formes qui ne sont pas forcĂ©ment canoniques, et si ce dernier ne rĂ©pond pas Ă  chacun – ce qui serait certainement beaucoup trop lui demander –, sa rĂ©ponse au collectif classe saura entendre chacun et donc rĂ©pondre Ă  chacun dans les inflexions de sa lettre. Si l’enseignant ne sait pas oĂč adresser la correspondance, rien n’est plus facile il suffit d’écrire Ă  l’éditeur qui saura transmettre le courrier, ce qui signalera d’ailleurs que cette correspondance est partie de la lecture du livre publiĂ© chez cet Ă©diteur ! Car pas de correspondances sans lectures il ne s’agit pas de jouer Ă  la rencontre mais de la jouer Ă  partir de ce qui seul peut la nourrir les poĂšmes et leurs lectures. Rencontres poĂ©tiques La PoĂ©sie Ă  plusieurs voix. Rencontres avec trente poĂštes d’aujourd’hui, prĂ©face de Jean-Pierre SimĂ©on, coll. Le Français aujourd’hui », Paris Armand Colin, 2010, 264 p. Un jour alors peut arriver qui permettra une rencontre de vive voix Ă©change de regards et surtout de voix, c’est-Ă -dire d’écoute les yeux dans les yeux. Moments parfois magiques, souvent dĂ©cevants mais toujours marquants quand le poĂšme est passĂ© dans les voix comme dans les yeux ou encore un geste, une inflexion minuscule, un sourire mĂȘme. Il faudrait conclure sur la nĂ©cessitĂ© de varier de telles rencontres dans le domaine qui nous concerne ici. Cela demande de concevoir le continu des rencontres avec un poĂšte, avec d’autres personnes Ɠuvrant chacune dans un domaine prĂ©cis mais toutes engagĂ©es par et dans le langage. C’est alors que la rencontre jouera son rĂŽle montrer la force du langage parce qu’elle est l’éthique de la relation quand elle devient poĂšme-relation. Et cela, un poĂšte est en devoir de le faire mais quiconque peut le rĂ©ussir. Alors chaque Ă©lĂšve comprendra qu’il n’y a pas de rencontres plus grandes » que d’autres parce que le partenaire de la rencontre est reconnu avant puisque cĂ©lĂšbre ou mĂ©diatisĂ©. Les rencontres sont grandes » parce que le partenaire nous engage Ă  y ĂȘtre grands », plus grands que nous sommes, dans une rĂ©ciprocitĂ© certaine. C’est d’ailleurs ce que font les poĂšmes quand ils sont poĂšmes nous faire plus grands dans et par le langage avec les autres car la grandeur ici n’est pas celle qui se mesure Ă  l’aune d’une comparaison avec les autres mais avec soi en relation. C’est aussi tout l’enjeu de n’importe quelle activitĂ© avec les poĂšmes les pratiques que nous venons de suggĂ©rer n’ont pour finalitĂ© que cet agrandissement qui est aussi la condition d’un apprentissage langagier et littĂ©raire consĂ©quent. Avec les poĂšmes, les activitĂ©s scolaires mettent l’enfant en mesure de connaĂźtre et de grandir Ă  la fois. il peut alors porter ce beau nom d’élĂšve puisqu’il est pris dans une dĂ©marche d’élĂ©vation. Par une comptine, l’enfant saute Ă  pieds joints par-dessus le monde sur mesure dont on lui enseigne les rudiments. Il jongle dĂ©licieusement avec les mots, et s’émerveille de son pouvoir d’invention. Il prend sa revanche, il fait servir ce qu’il sait au plaisir dĂ©fendu d’imaginer, d’abuser. Paul Eluard 1954 Pour conclure sur l’ensemble de ces rituels voir les billets prĂ©cĂ©dents, il faudrait repartir du plus cĂ©lĂšbre d’entre eux et qui semble se confiner aujourd’hui Ă  l’école maternelle, donc au cycle 1 de l’enseignement primaire, pour parfois s’y trouver de plus instrumentalisĂ© Ă  des fins d’enseignement phonologique le rituel de la comptine. Ce dernier n’est pas Ă  proprement parler scolaire mais l’école maternelle a su lui accorder depuis longtemps une place quasiment quotidienne il permet de constituer la classe en chorales, de laisser chaque voix trouver ses gestes relationnels et surtout d’engager le langage dans tout le corps, d’engager le corps dans tout le langage, Ă  condition certes d’écouter chaque voix, chaque geste dans une polyphonie indispensable Ă  la comptine elle-mĂȘme. Observer les comptines dans les pratiques enfantines montre trĂšs vite que le langage y est entiĂšrement engagĂ© dans une pragmatique qui elle-mĂȘme devient entiĂšrement langage. Ce qui pourrait d’une certaine façon orienter notre attention Ă  ce qui fait poĂšme l’invention d’un rapport Ă  soi, aux autres, et au monde » Meschonnic, 2001, p. 44. Car les comptines sont irrĂ©ductibles Ă  quelque schĂ©ma ou recette que ce soit dans leur diversitĂ© considĂ©rable qu’aucun savant – folkloriste, ethnologue, sociologue, littĂ©raire, pĂ©dagogue, psychologue
 – n’a rĂ©ussi Ă  ce jour Ă  considĂ©rer dans leur force. Qu’on s’intĂ©resse Ă  leur dĂ©nomination mĂȘme – nous disons comptine depuis que Pierre Roy en 1926 a rassemblĂ© ces formulettes, comptes, rengaines, disettes et autres amusiottes voir Roger Pinon, Les noms de la comptine » dans Jean Baucomont et alii, 1961, p. 52 et suivantes.
 –, qu’on se prĂ©occupe de leur origine, de leur dissĂ©mination, de leur Ă©volution, de leurs multiples variantes, et surtout qu’on soit attentif Ă  leurs valeurs poĂ©tiques et relationnelles dans et par le langage, on ne peut manquer d’abord et avant tout de considĂ©rer le corps-langage qu’elles inventent Ă  chaque fois. Ce corps-langage est celui de chaque acteur en comptines comme celui de chaque petite ou grande collectivitĂ© qu’elles constituent immanquablement ne serait-ce que dans cette activitĂ© qui est toujours une transmission de relation, une invention de gestes langagiers relationnels. Jean Baucomont a pu parler avec justesse Ă  leur sujet de gestateurs » et a pu Ă©voquer d’une façon absolument pertinente la transe » poĂ©tique, montrant ainsi qu’il faut considĂ©rer ces productions Ă  Ă©galitĂ© avec les plus grandes Ɠuvres de la littĂ©rature. Or elles sont encore trop souvent considĂ©rĂ©es comme puĂ©riles et, par consĂ©quent, souvent instrumentalisĂ©es Ă  des fins strictement didactiques phonologie et prononciation par exemple. Le spectacle de cette transe » poĂ©tique incite Ă  Ă©voquer d’autres faits de mĂȘme nature l’ivresse linguistique des inventions vocabulaires chez Rabelais, le dĂ©bordement jaculatoire des sibylles antiques, le flux des lamentations vocĂ©ratrices corses, les inĂ©puisables phantasmes de certains textes rĂ©alistes obtenus par l’écriture automatique, voire les piĂ©tinantes litanies des versets de PĂ©guy. Baucomont et alii., 1961, p. 23 C’est que les comptines, quand elles ne sont pas rĂ©duites Ă  un simple divertissement futile et naĂŻf, ad usum Delphini » Baucomont et alii., 1961, p. 12, font bien plus visiblement que ce que tous les poĂšmes font , ainsi que Henri Meschonnic le prĂ©cise fortement dans une dĂ©finition qui vient dĂ©faire bien des prĂ©jugĂ©s et engager le poĂšme dans le vivre tout entier La poĂ©sie comme activitĂ© d’un poĂšme, est un des universaux du langage. Anthropologiquement. C’est une dĂ©finition qui Ă©chappe au signe. Elle fait du poĂšme une Ă©thique en acte, en acte de langage. InsĂ©parablement du fait que le poĂšme est ce qu’un corps fait au langage. Meschonnic, 2001, p. 41 Comment ne pas conclure alors cette rĂ©flexion sur les rituels par une comptine et par une fable
 S’entretenir, c’est se tenir ensemble, c’est-Ă -dire vivre ensemble dans et par le langage. Je te tiens Tu me tiens Par la margoulette ou par la barbichette ou par la barbette ou par la barbignette ; Le premier qui rira ou Celui de nous deux qui rira ou le premier des deux qui rira Aura la claquette ou la tapette ou la clafette. DiffĂ©rents dĂ©partements Par la barbe je te tiens ; Si tu me tiens, je te tiens. Le premier d’nous qui rira, Une claque il aura. Brest Je te tiens par le menton, Barbichon ; Et moi aussi, Barbiche ; Premier d’nous deux qui rira, Un bon souffle aura, L’oreille tirĂ©e, La cuisse pincĂ©e. SaĂŽne-et-Loire Cette comptine et ses variantes viennent du chapitre VII, Jeux et formulettes de jeux ; Le Pince-sans-rire », du trĂšs beau livre d’EugĂšne Rolland, Rimes et jeux de l’enfance publiĂ© en 1883 2002. Elles sont introduites ainsi par l’auteur Deux enfants se tiennent rĂ©ciproquement par le menton en chantant la formulette qui suit. Le premier qui rit reçoit de l’autre une claque ». L’ethnographe Thierry Charnay prĂ©face la réédition bienvenue de cet ouvrage. Il voit, dans l’anthologie rééditĂ©e du folkloriste, un rĂ©pertoire authentique » avec des matĂ©riaux pour une Ă©tude comparative et historique », des curiositĂ©s [
] liĂ©es au contexte socio-culturel de l’époque » et des textes vraiment originaux ». Il note le manque d’indications ethnographiques, comme les circonstances du jeu, le lieu, sa pĂ©riodicitĂ©, l’ñge des joueurs, leur sexe, sa frĂ©quence, etc. ». Voici sa conclusion L’intĂ©rĂȘt des Rimes et jeux de l’enfance, de tout le folklore enfantin, rĂ©side dans le fait qu’il s’agit d’un mode de transmission traditionnel reposant sur le bouche Ă  oreille, sur l’imitation, sur l’imprĂ©gnation culturelle [suit l’exemple du jeu de billes appris par l’enfant hors tout magistĂšre]. Il n’y a pas d’écriture, ces formulettes et ces jeux enfantins, transmis entre pairs mais l’école peut aussi jouer un rĂŽle, le sont oralement, et, comme pour la “littĂ©rature orale”, admettent des variations, des variantes car la reproduction exacte n’est guĂšre possible. Ce sont des Ɠuvres ouvertes, toujours disponibles pour ĂȘtre rĂ©alisĂ©es selon des conditions qui en permettent la reconnaissance mais qui admettent Ă©galement des innovations. En somme, les activitĂ©s ludiques des enfants relĂšvent du “patrimoine immatĂ©riel” comprenant cette culture enfantine transmise entre pairs notamment dans les cours de rĂ©crĂ©ation des Ă©coles, pratiquement le seul espace oĂč elle peut circuler, se constituer, socialiser les enfants ; c’est pourquoi les rĂ©crĂ©ations sont des espaces de libertĂ© Ă  garder, Ă  condition que le football ne les occupe pas tout entiĂšres. Comme Rolland, nous souhaitons par cette publication attirer l’attention sur la production enfantine qui devrait mĂ©riter tout notre intĂ©rĂȘt pour une meilleure comprĂ©hension de notre sociĂ©tĂ© . Observons que l’objectivitĂ© ethnographique laisse entendre son soubassement subjectif une historicitĂ© des savoirs et mĂ©thodes que le scientisme socio-ethnologique ne peut masquer. L’ethnographie depuis Rolland a certainement progressĂ©. Elle attache dorĂ©navant autant d’importance au faire qu’au dire. Mais elle semble maintenir les points de vue traditionnels de l’ethnographie du XIXe quand Charnay, voulant ne serait-ce qu’à la marge contrĂŽler l’incontrĂŽlable, oublie que le football est une pratique et donc une invention jamais fixĂ©e dans telle ou telle rhĂ©torique du jeu, et surtout quand il rapporte, sous prĂ©texte d’absence d’écriture, la culture enfantine Ă  la culture populaire et donc au langage ordinaire, ce no man’s land du discours, ce non-lieu du littĂ©raire. Son il n’y a pas d’écriture » vient comme rĂ©pĂ©ter les clichĂ©s habituels qui dĂ©clinent les dichotomies naturalisĂ©es de l’ordinaire et du littĂ©raire, de l’oral et de l’écrit, de la variation et de la fixation, jusqu’à celle du populaire et du savant, qui toutes conduisent Ă  sĂ©parer la littĂ©rature de la vie. Mais l’ethnographe est savant et il sait que cet ordinaire » est extraordinaire » aussi remet-il cette spĂ©cificitĂ© dans une pragmatique de l’actualisation d’une forme immatĂ©rielle » soumise Ă  une performance de la quotidiennetĂ©. Mais il s’agit de bien autre chose ! Certes l’ethnographe voit passer un sujet de l’imitation sociale, du conformisme groupal, intĂ©grant une certaine innovation forcĂ©ment nĂ©cessaire, le temps passant, les conditions Ă©voluant. Mais il est sourd et n’entend pas le sujet du langage qui est au cƓur de tels processus, dont seule la considĂ©ration permet de penser l’articulation de la sociĂ©tĂ© et du langage hors de toute instrumentalisation et du langage et du sujet. Ces formulettes sont bel et bien Ă©crites » ! Il faut le rappeler Ă  l’ethnographe oublieux, parce qu’elles font l’écriture d’un sujet un sujet-relation dont tout le corps est langage non seulement parce que les formulettes exigent la performance dans ses variantes et variations, mais parce qu’elles inventent chaque fois nouvellement une performativitĂ© du corps-langage, Ă  savoir une Ă©thique du dire par son faire. Reprenons notre formulette. Il faut vraiment se tenir » pour que la formulette marche
 En effet, le se tenir » qui fait la rĂ©ciprocitĂ© est une forme de vie transformĂ©e en une forme de langage et l’inverse. Se tenir » par ce qu’on n’a pas la barbe
 c’est justement faire la dĂ©monstration que le langage nous tient plus que ses signes. C’est cette tenue qui est la relation dans et par le langage, sa prosodie, son rythme, que la transmission ne cesse de rejouer dans les formulettes et autres jeux de rĂ©crĂ©ation, de re-crĂ©ation. Alors on ne peut se contenter de rapporter cette transmission Ă  une simple actualisation, il faut la concevoir comme l’invention d’un noyau poĂ©tique, forme interne de ce discours, historicisation radicale qui met toute actualisation au diapason d’une relation et non d’une rĂ©pĂ©tition. On voir par lĂ  que la transmission transmet d’abord de la transmission, de l’entretien pour le moins. Laissons maintenant la formulette et passons Ă  la fable. Nous allons vite voir que l’entretien, ou plutĂŽt l’entretenue, en fait toute la force. Nous la prenons dans une vieille Ă©dition scolaire Jean de La Fontaine, Fables prĂ©cĂ©dĂ©es d’une notice biographique et littĂ©raire et accompagnĂ©es de notes grammaticales et d’un lexique, dans Radouant, 1929. Le Corbeau et le Renard MaĂźtre corbeau, sur un arbre perchĂ©, Tenait en son bec un fromage. MaĂźtre renard, par l’odeur allĂ©chĂ©, Lui tint Ă  peu prĂšs ce langage HĂ© ! bonjour, Monsieur du Corbeau, Que vous ĂȘtes joli ! que vous me semblez beau ! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte Ă  votre plumage, Vous ĂȘtes le phĂ©nix des hĂŽtes de ces bois. » A ces mots le corbeau ne se sent pas de joie ; Et pour montrer sa belle voix, Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. Le renard s’en saisit, et dit Mon bon Monsieur, Apprenez que tout flatteur Vit au dĂ©pens de celui qui l’écoute Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. » Le corbeau, honteux et confus, Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus. Cette tenue par le corps-langage d’un sujet-relation que la formulette suggĂšre, on peut aussi entendre son activitĂ© dans la poĂ©sie » de la rĂ©citation scolaire, celle qui rejoue plus un enchantement » qu’elle ne reprĂ©sente un théùtre de la parole ». C’est que, pour se limiter Ă  la fable du corbeau et du renard, l’enchantement de l’ arbre perchĂ© », paradoxalement bien remarquĂ© par Rousseau, se poursuit dans tous les Ă©changes que fait faire la fable ramage-plumage », fromage-langage » pour une analyse plus dĂ©taillĂ©e et pour une considĂ©ration plus vaste de cette lecture dans l’histoire de la poĂ©sie » Ă  l’école, voir Martin et S. Martin, Les PoĂ©sie, l’école, p. 69-72.. Passage d’un corps-langage, formaticum, par la tenue rĂ©ciproque. N’est-ce pas cette tenue que la rĂ©citation scolaire de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration a transmise bien plus qu’une morale de l’interlocution ? Ce qui serait tout autre chose qu’une leçon de rhĂ©torique sur cette question, je me permets de renvoyer Ă  Faire poĂ©sie, faire rĂ©citation, produire un poĂšme chercher le ton ou chercher la voix ? » dans F. Marcoin, 2002 ? Cette poĂ©tique relationnelle fait l’enchantement de la fable de La Fontaine . Ce langage nouveau » qui fait parler le Loup et rĂ©pondre l’Agneau », est un poĂšme-relation que la rĂ©citation a peut-ĂȘtre plus rĂ©ussi Ă  entendre que ne le font certaines activitĂ©s pĂ©dagogiques portĂ©es sur la versification ou l’argumentation qu’Anne-Marie Malazeyrat 1996 juge avec raison rĂ©ducteurs. DĂ©montrer la polyphonie narrative » permet certes de prendre conscience de l’écart » qu’instaure l’écriture de La Fontaine avec la formule attendue, avec les rĂšgles traditionnelles du genre », avec la parole figĂ©e ». Mais cela revient Ă  rĂ©duire le rĂ©citatif de la tenue rĂ©ciproque du corps et du langage, du langage et de la sociĂ©tĂ©, Ă  une mise en scĂšne de la parole des personnages » puis du narrateur » Mazaleyrat, 1996 alors que c’est le rĂ©citatif continu d’une voix-relation qui l’emporte sur la reprĂ©sentation de voix. Le théùtre est dans la voix et non l’inverse, tout comme la performance est dans la formulette et non l’inverse. Par consĂ©quent, la rĂ©citation scolaire, dans son aveuglement mĂȘme, son approche peu littĂ©raire » qui laisse bien des Ă©coliers » seulement entrevoir quelque chose de La Cigale et la Fourmi ou du Corbeau et du Renard » ibid., a pu transmettre ce théùtre de la fable plus que son explication. C’est cette tenue d’un sujet-relation qui fait le poĂšme du langage. Il est dans cet ordinaire de la cour de rĂ©crĂ©ation et de la rĂ©citation en classe, ordinaire qui ne l’est donc plus. Et nos rituels de devenir alors extraordinaires tous les jours que l’on fait classe
 Cette troisiĂšme catĂ©gorie de rituels ne doit pas nous bercer d’illusions et vise au contraire Ă  nous mĂ©fier de ce que l’école et certaines traditions culturelles voudraient parfois faire accroire soit la crĂ©ation poĂ©tique est innĂ©e, soit elle est apprise ! Dans le premier cas, elle est rĂ©servĂ©e Ă  une catĂ©gorie de personnes les gĂ©nies ou Ă  une pĂ©riode de la vie l’enfant-poĂšte » ; dans le second cas, elle peut s’enseigner par une transmission de techniques d’expression ou de fabrication ateliers d’écriture inspirĂ©s du modĂšle amĂ©ricain creative writing ou du modĂšle français OULIPO pour Ouvroir de LittĂ©rature Potentielle ou encore rhĂ©torique ancienne que les lycĂ©es du XIXe siĂšcle enseignaient avec leurs exercices d’imitation des Anciens. Ces deux versions de la crĂ©ation poĂ©tique sont les deux faces d’une mĂȘme conception qui sĂ©pare le poĂšme du langage sous l’appellation de langage poĂ©tique » opposĂ© au langage ordinaire » alors que le gĂ©nie poĂ©tique » est au cƓur de toute activitĂ© langagiĂšre tout au long de la vie tout comme on ne peut rĂ©duire aucun poĂšme Ă  quelque procĂ©dĂ© que ce soit sous peine de sĂ©parer la dĂ©finition du poĂšme de sa valeur et la valeur du poĂšme de sa dĂ©finition. Avec les consĂ©quences qui s’en suivent relativisme subjectiviste ou dogmatisme traditionnaliste. Comme dit Henri Meschonnic 2006, p. 14 Alors, que fait un poĂšme ? Un poĂšme fait la poĂ©sie. Sinon il est refait par elle. Refait, dans tous les sens du mot. Et qu’est-ce que c’est ? Ce n’est pas raconter une histoire, ce n’est pas dire une vĂ©ritĂ©, la vĂ©ritĂ©, aucune vĂ©ritĂ©. Je ne vois pas autre chose qui reste sinon s’inventer langage, vivre sa vie, et une vie langage. Ces rituels ne viseront donc pas autre chose que d’intensifier l’activitĂ© langagiĂšre pour qu’on y augmente l’attention au langage. Car cette derniĂšre est certainement la condition de la crĂ©ation de poĂšmes, plus prĂ©cisĂ©ment la condition de crĂ©ation de moyens permettant qu’on les Ă©coute, les poĂšmes, dans et par les activitĂ©s langagiĂšres, en lecture comme en Ă©criture, Ă  l’oral comme Ă  l’écrit. De la notation rapide au journal au long cours Le fruit de l’expĂ©rience m’a permis de dĂ©gager trois types d’exercice dans la composition du haĂŻku Ă©veiller les enfants au rĂŽle de chaque mot dans une phrase, les habituer Ă  manipuler les mots, affiner leur sensibilitĂ© Ă  l’égard des mots et de leur usage. Fujii Kunihiko, Composons des haĂŻku, 1989 [citĂ© par Alain Kervern, 1995, p. 113] On sait le succĂšs des haĂŻku dans l’enseignement l’écriture courte a toujours eu bonne presse parce qu’elle permettait de tenir dans le temps scolaire et dans le cahier des charges de l’enseignant corriger 25 expressions Ă©crites
 et l’on sait que bien des ZEP ou lieux Ă©quivalents n’offrent comme projet d’écriture Ă  leurs Ă©lĂšves que ces carnets de haĂŻku » qui permettent de donner de la place Ă  tous » et d’acculturer avec presque rien
 MalgrĂ© ces critiques que d’aucuns trouveront rapides et faciles, gardons toutefois de ces expĂ©riences largement connues et explorĂ©es ce qui en constitue le plus grand intĂ©rĂȘt, l’écriture de notations rapides, et ajoutons leur ce qui souvent leur manque une temporalitĂ© adĂ©quate et un travail de la reprise et du montage. Dans un premier temps, il semble tout Ă  fait judicieux de faire noter rituellement des brĂšves – remarques, citations, notations sur le vif
 – qui, d’une part, s’accumulent l’intĂ©rĂȘt de ces brĂšves consiste d’abord Ă  rendre disponible rapidement une certaine quantitĂ© pour la réécriture et, d’autre part, entraĂźnent une dextĂ©ritĂ© de la prise de notes comme pour tous les projets d’écriture dans les classes, il est nĂ©cessaire de penser leur durĂ©e qui doit Ă  la fois ne pas ĂȘtre trop longue mais assurer assez de possibilitĂ©s de reprise. Dans un second temps, l’activitĂ© d’écriture se transforme en celle de lecture, de relecture et surtout de sĂ©lection et de montage, voire d’illustration et d’édition, sans pour autant viser quoi que ce soit d’ambitieux si ce n’est de se constituer un parcours qui montrerait une histoire, ne serait-ce que l’histoire de cette activitĂ© de prises, au quotidien ou presque, sur le rĂ©el. La justification d’une telle activitĂ© est plus Ă  rechercher par le moyen d’un support et d’un moment adĂ©quats qu’à initier par une connaissance de la tradition japonaise ce qui me paraĂźt soit irrĂ©alisable avec de jeunes enfants et de moins jeunes apprenants !, soit dĂ©magogique et d’un exotisme de trĂšs mauvais goĂ»t car les haĂŻku constituent certes une tradition populaire au Japon mais on oublie souvent que leur dimension savante est extrĂȘmement rigoureuse sans parler de la prĂ©gnance d’une dimension Ă©rotique si ce n’est vulgaire
 qui en fait tout le charme si ce n’est le sel. On comprendra alors qu’il est plus sain, non seulement pour les enfants mais pour l’enseignant qui alors ne se joue pas d’un pseudo-savoir transmissif, de proposer de noter des bribes de rĂ©el sensations, visions, Ă©vocations voire citations en utilisant la page d’un carnet minuscule afin de favoriser l’agrandissement de la bribe ou de la brĂšve Ă  la dimension de la page lui confĂ©rant ainsi une unitĂ© formelle mais Ă©galement temporelle immĂ©diate tout en la situant dans une opĂ©ration d’accumulation – ce qui permet Ă  la fois de rester sec un jour pour devenir disert un autre jour et surtout ce qui permet que les bribes s’enchaĂźnent les unes les autres sans forcĂ©ment suivre la mĂȘme logique, le mĂȘme thĂšme
 Il y a lĂ  des libertĂ©s et des nĂ©cessitĂ©s hasardeuses ! qui sont au principe d’une telle activitĂ© qui paradoxalement retrouvera alors l’esprit de la tradition japonaise, sachant bien que cette derniĂšre n’est pas homogĂšne et qu’elle est trĂšs ancienne
 et donc diverse historiquement. Ce rituel de la notation sur le vif peut se construire avec des consignes rĂ©pĂ©tĂ©es Ă  satiĂ©tĂ© au moins une dizaine de fois et toujours assez simples – notez ce que vous avez vu en sortant de chez vous
 – notez les paroles entendues Ă  la rĂ©crĂ©ation
 – notez la mĂ©tĂ©o du jour dans une acception trĂšs large, on peut noter les humeurs et autres sentiments du moment
 – etc. Ce rituel peut alors se transformer progressivement en un jeu collectif petits groupes d’abord pendant lequel les participants enchaĂźnent leurs notations brĂšves comme dans un dĂ©fi, une joute verbale en l’occurrence Ă©crite. Il serait judicieux alors que les Ă©lĂšves puisent dans leur stock de notations pour venir rĂ©pondre aux brĂšves lancĂ©es par leurs camarades. En groupe de 4, les Ă©lĂšves proposent une sĂ©rie enchaĂźnĂ©e de 12 notations en puisant dans leurs carnets puis les proposent Ă  la classe oralement en prenant la parole chaque fois qu’il s’agit de leur notation. En groupes plus importants, les Ă©lĂšves vont Ă©crire sur une grande affiche une notation qui vient rĂ©pondre aux prĂ©cĂ©dentes
 Le principe du jeu doit mĂȘler le dĂ©fi et la participation de tous. En conclusion, ces notations ne prennent saveur qu’au long cours. De la citation au collage Nous avons dĂ©jĂ  Ă©voquĂ© l’activitĂ© de notations et de diction de citations, donc de brefs fragments pris aux textes poĂ©tiques voire Ă  d’autres textes ; aussi, il s’agirait de suggĂ©rer aux Ă©lĂšves de poursuivre cette activitĂ© de notations jusqu’au montage-collage de nombreuses citations qu’on appelait centon » Le terme dĂ©signe un texte en vers ou en prose dont les fragments sont empruntĂ©s Ă  divers auteurs ou Ă  diverses Ɠuvres d’un mĂȘme auteur Demougin, 1985. Ces mĂ©langes qui introduisent pratiquement Ă  l’anthologie nous y revenons bientĂŽt n’ont pas pour objectif de prĂ©senter un simple ensemble de citations mais bien un texte cohĂ©rent, du moins dont le continu est perceptible – ce qui n’exclut pas des sauts et gambades », comme disait Montaigne de son Ă©criture. Ces rituels peuvent se contenter de crĂ©er non des poĂšmes mais bien plutĂŽt des ensembles qui, de la liste Ă©criture en lignes au texte continu Ă©criture en prose, permet de dĂ©couvrir par l’écriture les traits saillants d’une recherche du poĂšme ce qui coupe / ce qui enchaĂźne ; ce qui reprend / ce qui perturbe ; ce qui s’allie / ce qui dĂ©sunit ; ce qui accentue / ce qui fond ; ce qui annonce / ce qui rĂ©pond ; ce qui accompagne / ce qui sĂ©pare ; ce qui se retranche / ce qui s’affirme ; ce qui ralentit / ce qui accĂ©lĂšre ; ce qui ouvre / ce qui ferme ; etc. Bref, autant de catĂ©gories discursives qui font entendre du poĂšme dans et par une activitĂ© de reprise multiple. De l’imitation Ă  la crĂ©ation Continuer CĂ©zanne est impossible. On ne peut le continuer que par de tout autres chemins. Ernest Pignon 1966 Mais nous savons que la tradition scolaire qui prend sa source dans les anciens exercices de rhĂ©torique tout comme dans certaines pratiques des ateliers d’écriture, prĂ©conise l’activitĂ© d’imitation pour produire » des textes dits poĂ©tiques en vertu de procĂ©dĂ©s de fabrication qui garantirait le label de poĂ©ticité  La littĂ©rature didactique et pĂ©dagogique sur la question naturalise cette activitĂ© en confondant procĂ©dĂ© ou technique d’écriture et valeur poĂ©tique mĂȘme si l’intitulĂ© de tels exercices » d’imitation est plus que suggestif et engage bien autre chose que l’application de procĂ©dĂ©s Ă  la maniĂšre de ». C’est que la maniĂšre » est un concept qui fait problĂšme est-ce seulement une affaire de main », un savoir faire transmissible, d’autant plus rĂ©duit Ă  un tour de main » le plus souvent ! Non ! Nous savons bien que la maniĂšre conceptualisĂ©e dans le domaine pictural Ă  l’époque classique rentre en concurrence dans le domaine littĂ©raire avec la notion de style, laquelle n’est pas moins problĂ©matique puisque le concept semble se confondre avec l’individu quand, ailleurs, on sait que le style fait la caractĂ©ristique d’une Ă©poque, d’une Ă©cole, d’une sĂ©rie de fauteuils, etc., bref d’un collectif, d’un passage Ă  l’anonyme. C’est pourquoi GĂ©rard Dessons a rĂ©introduit le concept de maniĂšre dans l’attention au poĂšme pour lui donner sa force conceptuelle de prise sur l’activitĂ© subjective au cƓur du langage et des discours. C’est justement en considĂ©rant la maniĂšre comme ce qui permet que, par le langage comme aventure du dire, l’expĂ©rience d’un seul devient l’expĂ©rience de tous » Dessons, 2004, p. 380. Ce que pose Dessons, c’est que la maniĂšre est un opĂ©rateur relationnel qui oblige chacun Ă  trouver son rythme et non, Ă  la diffĂ©rence du pastiche, de la parodie ou de la caricature, par exemple, de dissoudre le transubjectif dans une rĂ©pĂ©tition d’objet et/ou de sujet qui achĂšve l’Ɠuvre dans ses dĂ©tails, dans ses tics, dans ses signes quand la maniĂšre engage Ă  la continuer dans et par sa réénonciation. Aussi, s’agirait-il de travailler Ă  des copies qui ne sont pas, Ă  proprement parler, des copies » Octave Mirbeau dans Nathalie Heinich, 1991, p. 226, c’est-Ă -dire de continuer la maniĂšre d’une Ɠuvre plutĂŽt que de la rĂ©pĂ©ter, selon la formulation de Dessons p. 267. Jean-Claude Touzeil, Maud legrand ill., Parfois, Coll. Le farfadet bleu », ChaillĂ©-sous-les-Ormeaux, L’IdĂ©e Bleue, 2004, p. 20-21 Parfois, geai zĂ©ro phote an ortografe. oui, je l’ai relu trois fois avant de comprendre!!! DĂ©cidĂ©ment, je ne suis pas encore habituĂ©e au langage SMS
 Parfois, Tintin rejoint Titeuf au “Bar des Bulles” pour taper le carton avec ObĂ©lix et les frĂšres Dalton. j’imagine bien la scĂšne, au PrĂ©-en-Bulles, un bar de ma ville
 Parfois, l’avenir du futur antĂ©rieur me semble problĂ©matique. Ă  moi aussi
 c’est quoi d’ailleurs? Parfois, Ă  Ixelles Belgique, on ne trouve plus que des grandes tailles. va falloir que j’aille y faire un tour ^^ Le livre de poĂšmes de Jean-Claude Touzeil illustrĂ© par Maud Legrand, Parfois 2004, semble proposer une mĂȘme formule rĂ©pĂ©titive d’engendrement poĂ©tique » du dĂ©but Ă  la fin du livre puisqu’il est constituĂ© d’une litanie de propositions qu’ouvre l’adverbe parfois ». Mais, d’une part, l’illustration qui met deux blocs colorĂ©s face Ă  face les anime de petits personnages qui progressivement dĂ©veloppent une Ă©popĂ©e minuscule et mystĂ©rieuse et, d’autre part, la litanie construit des registres thĂ©matiques, des parallĂ©lismes, des Ă©chos aussi variĂ©s qu’inattendus. Bref, la rĂ©pĂ©tition se fait rythme du texte Ă  l’image et de fragments en fragments. Ce que chaque page, mĂȘme sans illustration, impose par son organisation en quatre propositions comme les quatre points cardinaux du sens en mouvement, une girouette au vent toujours changeant
 Contentons-nous d’observer ces deux pages 20 et 21 si les jeux de mots ou approximations nous mettent sur la piste d’un procĂ©dĂ© unitaire, un fragment la rose des sables » n’y concourt pas et donc dĂ©fait cette premiĂšre rĂ©duction possible de la litanie Ă  la rĂ©itĂ©ration d’un procĂ©dĂ© unique ; la structure syntaxique de la proposition est Ă©galement trois fois identique syntagme nominal+groupe verbal mais la premiĂšre proposition commence par un impersonnel ; trois propositions font deux lignes mais la quatriĂšme se contente d’une ligne ; etc. La litanie est donc plus un montage de propositions, souvent mais pas forcĂ©ment analogues par un de leur aspect. Ces propositions visent d’abord Ă  construire un souffle ininterrompue de remarques certes hĂ©tĂ©roclites mais qui progressivement font entendre une maniĂšre de voir, de sentir, de vivre le monde, la pensĂ©e et le langage. Cette maniĂšre devient alors inimitable. Aussi, que reste-t-il Ă  faire sous peine de rĂ©duire ce souffle Ă  quelques procĂ©dĂ©s au souffle court, voire au souffle coupĂ© qui enterrerait la maniĂšre de Touzeil et celle du livre, donc aussi l’épopĂ©e de l’illustration
 ? Il reste Ă  continuer cette maniĂšre, Ă  inventer si ce n’est avec des lanceurs du type de parfois », du moins avec des observations qui trouvent en mĂȘme temps qu’elles se poursuivent un chemin pour une pensĂ©e qui se trouve dans le jeu de langage. Il n’y a pas de recettes
 pour passer de l’imitation Ă  la crĂ©ation car, pas seulement parfois » mais toujours, faire la doublure / en retournant sa veste est une autre paire de manches » Touzeil, 2004, p. 43 Vous voyez, je ne nomme pas avant que de faire. Si on savait, si on savait, on ne serait pas lĂ  d’abord. C’est l’immense part d’inconnu ! Quand on parle de signe, on entre dans le connu ! Il y aurait une connaissance avant que fĂ»t le savoir. Pierre Tal-Coat 2007, p. 22, p. 27, p. 76 Les poĂšmes n’existent pas hors du livre, plus prĂ©cisĂ©ment, les poĂšmes sont Ă©ditĂ©s et ces Ă©ditions les proposent trĂšs souvent avec un accompagnement artistique de type graphique ou plastique. C’est Ă  cette dimension que d’autres rituels peuvent s’attacher sans que cela ne demande Ă  proprement parler d’explications autres qu’une frĂ©quentation ouverte Ă  toutes les sollicitations. Donner Ă  l’illustration sa force premiĂšre de rendre illustre, de faire briller, et donc de faire mieux entendre le poĂšme en le voyant mieux, puis donner toute leur valeur d’opĂ©rateurs poĂ©tiques Ă  tout ce qui concoure Ă  l’édition dont l’illustration mais Ă©galement la mise en page, la typographie, etc., c’est tenter de trouver des activitĂ©s rĂ©guliĂšres qui font aller plus vite au cƓur du livre de poĂšmes, au cƓur de la lecture. De l’illustration Ă  l’édition Parfois, le poĂšme voudrait changer de page. Jean-Claude Touzeil 2004 Merci Ă  Marie-Therese Cuenat L’habitude scolaire de recopier des poĂšmes peut-ĂȘtre considĂ©rĂ©e de deux façons soit il s’agit d’occuper les Ă©lĂšves et de leur demander de recopier tel texte poĂ©tique en pariant sur le fait qu’ils ne perdent pas leur temps Ă  recopier un beau texte » d’autant plus que la poĂ©sie Ă©tant ce qu’elle est et les Ă©lĂšves aussi, il vaut mieux ne pas se faire d’illusion et assurer les compĂ©tences de base manuscrites et orthographiques avant d’envisager autre chose
 soit il s’agit de considĂ©rer une telle activitĂ© comme une vĂ©ritable activitĂ© intellectuelle non dĂ©nuĂ©e de sensations qui touchent Ă  une physique de la lecture ainsi que Walter Benjamin le signalait avec beaucoup d’humour dans un beau texte Objets de Chine » dont je retiens l’extrait suivant La force d’une route de campagne est autre, selon qu’on la parcourt Ă  pied, ou qu’on la survole en aĂ©roplane. La force d’un texte est autre Ă©galement, selon qu’on le lit ou qu’on le copie. Qui vole voit seulement la route s’avancer Ă  travers le paysage elle se dĂ©roule Ă  ses yeux selon les mĂȘmes lois que le terrain qui l’entoure. Seul celui qui va sur cette route apprend quelque chose de sa puissance, et apprend comment, de cet espace qui n’est pour l’aviateur qu’une plaine dĂ©ployĂ©e, elle fait sortir, Ă  chacun de ses tournants, des lointains, des belvĂ©dĂšres, des clairiĂšres, des perspectives, comme l’ordre d’un commandant qui fait sortir des soldats du rang. Il n’y a que le texte copiĂ© pour commander ainsi Ă  l’ñme de celui qui travaille sur lui, tandis que le simple lecteur ne dĂ©couvre jamais les nouvelles perspectives de son intĂ©rioritĂ©, telles que les ouvre le texte, route qui traverse cette forĂȘt primitive en nous-mĂȘmes, qui va toujours s’épaississant car le lecteur obĂ©it au mouvement de son moi dans l’espace libre de la rĂȘverie, tandis que celui qui copie le soumet Ă  une discipline. Aussi l’art chinois de copier les livres fut-il la garantie incomparable d’une culture littĂ©raire, et la copie une clĂ© pour les Ă©nigmes de la Chine. Benjamin, 1950, 115-116 Demander rĂ©guliĂšrement de copier des poĂšmes pour les lire demande de laisser les Ă©lĂšves effectuer ce travail Ă  leur guise, c’est-Ă -dire en leur donnant le temps Ă  l’issue de l’activitĂ© d’échanger rapidement sur leurs pratiques de la copie. Cela constitue un rituel de lecture extrĂȘmement consĂ©quent si l’on y rĂ©flĂ©chit bien. D’autant plus qu’en poursuivant la proposition de Walter Benjamin et se rappelant du fait que les chinois calligraphient, on peut suggĂ©rer aux Ă©lĂšves de dessiner au cƓur mĂȘme de leur activitĂ© de copie. PlutĂŽt que de sĂ©parer le dessin et la copie comme le faisait le cahier de poĂ©sies traditionnel, il serait judicieux d’engager les Ă©lĂšves Ă  dessiner en mĂȘme temps qu’ils copient. Non pour tout confondre, encore qu’un continu de la pensĂ©e du lecteur peut s’y inscrire, mais pour donner prendre le temps de la lecture. Ajoutons que la pratique d’écriture de bon nombre de poĂštes associent dĂšs le manuscrit ou dans des pratiques de prise de notes diverses, dessin et Ă©criture. On verra ci-dessous que le dessin peut se prolonger voire disparaĂźtre au profit du collage. Pour commencer de tels rituels, il est nĂ©cessaire de lancer des activitĂ©s trĂšs rĂ©guliĂšres de copie » qui convoquent des poĂšmes » ou plutĂŽt des extraits de poĂšmes trĂšs courts. Par exemple, la lecture magistrale ou par des Ă©lĂšves d’un poĂšme peut ĂȘtre suivie immĂ©diatement par le copiage d’un extrait soit imposĂ© soit libre de ce poĂšme. Un petit carnet de lecture – servant par ailleurs Ă  d’autres activitĂ©s – ou plus simplement le cahier du jour, peuvent servir Ă  cette activitĂ© qui ne dure pas plus de cinq Ă  dix minutes. Des reprises sont toujours possibles en vue d’une Ă©dition de copies »  en utilisant, par exemple, la photocopie ! Mais alors, le montage va intervenir. On y revient plus loin. Il faudrait particuliĂšrement rĂ©server cette activitĂ© de copie aux poĂšmes » car c’est avec de tels textes que vont se rencontrer un certain nombre de problĂšmes de lecture et d’écriture et donc se construire des problĂ©matisations et conceptualisations importantes et dĂ©cisives pour tout lecteur. Le plus important – et peut-ĂȘtre le premier dans la genĂšse de l’écriture et de la lecture – est celui de la justification qui ne peut se rĂ©duire Ă  un vulgaire code typographique quand il s’agit de faire sens, de donner vie. La manipulation par la copie, qu’elle soit manuscrite ou tapuscrite jusqu’au traitement de texte, demande de penser l’écriture dans son activitĂ© quasiment physique comme invention de son espace en mĂȘme temps que de sa temporalitĂ©, de son continu en mĂȘme temps que de ses discontinuitĂ©s, de sa volubilitĂ© en mĂȘme temps que de ses silences, etc. Les questions naĂŻves des jeunes Ă©lĂšves copiant un texte sont des questions fondamentales de lecture pourquoi, comment aller Ă  la ligne ? », pourquoi, comment couper un mot ? », pourquoi, comment des majuscules, des signes de ponctuation
 ? » pourquoi, comment disposer dans la page ? », etc. Tenant compte de ces objectifs et des possibilitĂ©s d’accorder toute son importance Ă  l’activitĂ© de copie de poĂšmes voire, de prĂ©fĂ©rence, d’extraits choisis de poĂšmes, il paraĂźt judicieux de continuer Ă  utiliser le cahier de poĂ©sie. Cela demande alors de le transformer de deux points de vue varier son format et surtout ne plus opposer texte et illustration en recherchant des formes libres d’association et en laissant s’accumuler des essais de copie mĂȘlant Ă©crits et dessins. NĂ©cessairement, les enseignants et peut-ĂȘtre les parents demanderont alors Ă  vĂ©rifier ces copies » de poĂšmes mais dans un premier temps il semble prĂ©fĂ©rable d’y attacher de l’attention et de les relire ensemble ou, mieux, d’y consacrer de courts moments pour voir ce qui a Ă©tĂ© fait, ce qui est nouveau
 et les erreurs de copie se corrigeront d’elles-mĂȘmes puisque le seul moyen de vĂ©rification est de repartir de l’original, de l’édition officielle » du poĂšme en vue de cette Ă©dition personnelle qu’est sa copie. Du collage au montage Une autre modĂšle du rituel pour illustrer avec les poĂšmes demande de donner toute sa place Ă  l’activitĂ© de collage. Comme dit Michel Butor, dans le collage, les mots ne sont plus quelque chose que l’on trace, mais que l’on trouve » Butor, 1974, p. 88. Si Butor parle des collages de fragments d’imprimĂ©s, on peut gĂ©nĂ©raliser sa proposition Ă©galement Ă  tous les types de collage matiĂšres, couleurs, illustrations diverses et bien Ă©videmment morceaux de textes imprimĂ©s ou manuscrits car le collage demande, aprĂšs voire au cours de sa rĂ©alisation, d’engager une parole qui construit une lecture. Cette parole prendra forcĂ©ment appui sur les rapports qui peuvent apparaĂźtre entre la lecture premiĂšre du poĂšme ou fragment de poĂšme qui prĂ©cĂšde le poĂšme et la lecture seconde qui voit se superposer ou se juxtaposer collage et poĂšme. Prenons quelques exemples qui donnent matiĂšre Ă  ces activitĂ©s de collage lire un poĂšme, ou rĂ©pĂ©tons-le une derniĂšre fois, un fragment de ce poĂšme, Ă  cĂŽtĂ© de papiers de couleur dĂ©chirĂ©s ou dĂ©coupĂ©s qui viennent l’accompagner observer alors les diffĂ©rences de lecture selon les accompagnements colorĂ©s et ne coller les papiers qu’une fois l’expĂ©rience conduite aprĂšs plusieurs essais ; rĂ©aliser le mĂȘme genre d’expĂ©rience avec des papiers transparents en variant les couleurs, les formes, les superpositions, finir par une proposition ; prendre dans une banque d’images de reproductions d’Ɠuvres ou de photographies paysages, portraits,objets
 et essayer des combinaisons avec le poĂšme coller aprĂšs avoir effectuer si nĂ©cessaire des prĂ©lĂšvements, des superpositions
 Si ces activitĂ©s avec bien d’autres variantes peuvent se rĂ©aliser dans le traditionnel cahier de poĂ©sies, elles peuvent Ă©galement en sortir et s’ouvrir Ă  des boĂźtes de poĂ©sies qui feront place Ă  des objets – s’inspirant , par exemple, des boĂźtes de Joseph Cornell, autant qu’à des papiers pour que la lecture alors prenne la troisiĂšme dimension sans hĂ©siter ! Mais avec le montage, c’est vers la quatriĂšme dimension que les Ă©lĂšves vont alors se diriger
 Joseph Cornell Navigating the Imagination Pour concrĂ©tiser cette activitĂ©, nous allons observer un ouvrage publiĂ© dans la collection Le farfadet bleu ». Au-delĂ , une observation de plusieurs ouvrages de cette collection permettrait d’ailleurs aux Ă©lĂšves de trouver par eux-mĂȘmes des idĂ©es de montage avec les poĂšmes et les images
 Le Capitaine des myrtilles de Daniel Biga est accompagnĂ© par un carnet de dessins » p. 25 Ă  34 rĂ©alisĂ© par KĂ©lig Hayel. Les 29 poĂšmes de Biga qui font comme une courte anthologie de son Ɠuvre pour ses jeunes lecteurs puisqu’ils ont Ă©tĂ© pris Ă  trois ouvrages antĂ©rieurs, sont parfois annotĂ©s d’un renvoi au carnet de dessin. Ce livre propose donc un montage Ă©tonnant un ensemble de poĂšmes et un carnet de dessin avec un systĂšme de renvois des uns aux autres ! Mais si l’on observe de plus prĂšs ce dispositif, on voit que c’est l’écriture de Biga qui l’a suggĂ©rĂ©. Le poĂšme qui suit est prĂ©cĂ©dĂ© de la mention manuscrite dessin du carnet ». PAYSAGE RAPIÉCÉ haies de cyprĂšs de saules de peupliers longues et hautes allĂ©es de domaines inconnus chemins terreux route de goudron limites de champs et vignobles ruisseaux serpentins bordĂ©es de forĂȘts de cannes talus frontaliers enchevĂȘtrĂ©s de garrigues lambeaux campagnards bourrelets cicatrices hachĂ© coupĂ© retaillĂ© bordĂ© surfilĂ© patchwork multiples coutures reprises du paysage image Ă  venir Ce poĂšme et ce dessin qu’il faut donc associer en tournant les pages du livre nous font faire ce qu’ils font et ce qu’ils disent qu’ils font rapiĂ©cer » ! Mais ce montage qui est un travail de reprise par les bordures, les enchevĂȘtrements, les cicatrices, le surfilage et les coutures, lie dans un continu le texte Ă  l’image, le propos Ă  la maniĂšre, le rythme au sujet. Aussi, le paysage n’est plus une description statique mais un mouvement de va-et-vient qui ne cesse de tisser une voix autant qu’un regard, une expĂ©rience autant qu’une pensĂ©e. Pour encore mieux prĂ©ciser la dĂ©marche ici proposĂ©e avec les Ă©lĂšves, il s’agit bien de considĂ©rer l’activitĂ© d’écriture de listes voir nos sĂ©quences avec un livre de poĂšmes et la premiĂšre activitĂ© proposĂ©e liste lexicale hiĂ©rarchisĂ©e comme une vĂ©ritable activitĂ© d’écriture. Ici, l’écriture de listes inclut la prise d’élĂ©ments graphiques et illustratifs, du moins n’hĂ©site pas Ă  passer des uns aux autres. Quand la collection a Ă©tĂ© plus ou moins rĂ©alisĂ©e, les Ă©lĂšves sont amenĂ©s Ă  la prĂ©senter et donc Ă  effectuer un montage. Ce montage peut s’effectuer linĂ©airement comme fait Daniel Biga dans son poĂšme – ce qui correspond Ă  l’activitĂ© de hiĂ©rarchisation prĂ©cĂ©demment proposĂ©e – ou tabulairement comme fait KĂ©lig Hayel pour son dessin d ». Ce tableau » est en effet concentrique par son organisation signifiante collage concentrique de fragments de dessins, pastels grattĂ©s et encres » autour de reproductions dĂ©coupĂ©es de papillons venant elles-mĂȘmes entourer une liste de ces mĂȘmes papillons – ces derniers ayant Ă©tĂ© pris Ă  un manuel » ou guide » naturaliste. Il faut toutefois ajouter que cette organisation concentrique est perturbĂ©e puisqu’elle est orientĂ©e vers le coin supĂ©rieur droite de la double-page et que les dessins » noirs y concourent par leur disposition. Un peu comme la liste hiĂ©rarchisĂ©e des Ă©lĂ©ments du paysage rapiĂ©cĂ© » de Daniel Biga est lancĂ©e par le syntagme haies de cyprĂšs » qui met le lecteur au cƓur si prĂšs ! de ce qui organise ce poĂšme-paysage ses coutures ». De ce principe dĂ©sorganisateur, le poĂšme fait une orientation qui paradoxalement construit un continu dans et par la fragmentation haies de cyprĂšs-de saules-de peupliers » oĂč dĂšs la premiĂšre ligne nous lisons cette accumulation apparemment hĂ©tĂ©roclite puisque chaque fragment est une reprise du paysage » . Le continu du poĂšme puise son principe dans l’exigence du continu du microcosme au macrocosme et de l’extĂ©rieur Ă  l’intĂ©rieur, que la voix du poĂšme rĂ©alise. Il ne faudrait surtout pas perdre ces moments qui permettent Ă  la classe de continuer Ă  apprendre sans se soucier d’objectifs Ă  atteindre, de savoirs prĂ©cis Ă  trouver, de dĂ©marches Ă  contrĂŽler
 Ces moments ritualisĂ©s sont comme bien des moments de la vie, ceux oĂč l’on fait sans trop savoir ce que l’on fait mais en sachant bien qu’on le fait bref, ce sont des moments d’écoute ou de diction flottante, de lecture Ă  vue et d’écriture au fil de la plume parce qu’on se laisse aller dans un cadre ritualisĂ© qui assure qu’on en reviendra sain et sauf et mĂȘme ragaillardi, rĂ©joui, et pourquoi pas reposĂ© aussi. Ces rituels sont gĂ©nĂ©ralement courts certains les ont appelĂ©s gouttes de poĂ©sie » mais une tornade ne peut prendre que quelques instants et le goutte-Ă -goutte est souvent le dernier remĂšde avant l’extinction ! Alors de la minute qui vient comme ponctuer les autres activitĂ©s scolaires Ă  ce petit moment rĂ©gulier qu’on retrouve tous les jours ou tous les deux jours et qui nous met tous ensemble pour entamer une activitĂ© sĂ©rieuse ou au contraire boucler une activitĂ© qui manque de sĂ©rieux
 de la minute au quart d’heure, on peut trouver une variĂ©tĂ© de rituels qui mettent les poĂšmes au diapason des habitudes toujours vives et pas forcĂ©ment empĂȘtrĂ©es dans la morositĂ©, les mauvaises habitudes ou les facilitĂ©s occupationnelles. Rituels pour rĂ©citer les poĂšmes Le souci Et pour qui sont ces six soucis ? Ces six soucis sont pour mĂ©moire. Ne froncez pas les sourcils Ne faites donc pas une histoire, Mais souriez, car vous aussi, Vous aussi aurez des soucis. Robert Desnos 1991, p. 42. De la rĂ©citation au rĂ©citatif Le rituel le plus rĂ©pandu dans l’école c’est la rĂ©citation qui est Ă  la fois un exercice trĂšs ancien et progressivement rĂ©duit Ă  l’instrumentalisation de la poĂ©sie. On aurait tendance aujourd’hui Ă  le vouer aux gĂ©monies. Pourquoi ne pas le garder en lui redonnant ses lettres de noblesse, peut-ĂȘtre mĂȘme en le rĂ©inventant ! Par exemple, la rĂ©citation pourrait s’inspirer de cet extrait du théùtre de ValĂšre Novarina 1997, p. 142-144 L’enfant d’outrebref Vous n’avez plus que cinquante-huit phrases Ă  dire. La figure pauvre En tout et pour tout ? Le plancher est ; la pluie coule Ă  verse ; j’ai passĂ© les tuyaux au ZĂšbracier ; j’ai dĂ©placĂ© sur ma table les galets tĂ©moins ; de plus en plus de personnes en moi, ou hors de moi, disent qu’elles ont froid aux pattes ; le soleil luit aujourd’hui ; j’irai faire un tour chez les vĂ©nĂ©naux ; puis je me lĂšverai matin ; bĂ©nis ceux dont les langages me parlent dans la tĂȘte ; bĂ©nie soit la vie qui nous Ă©chappe ; ombre verte est l’ombre verte ; je vais balayer. » L’enfant traversant Encore trois cent quatre-vingt-neuf mots. La figure pauvre [
] L’enfant traversant Trois-cent vingt et un. La figure pauvre Par la fenĂȘtre, on voit un groupe de sapins ; un sapin isolĂ© Ă  double tronc ; une maison en ruine avec des poutres ; une haie d’orties ; une prairie d’herbes avec des chardons ; les sapins vert sombre ou bleu sombre, vert-bleu sombre ; les sapins toujours lĂ  sombrement ; une colline bleue ou bleu-gris ; le ciel trĂšs-trĂšs-trĂšs blanc au-dessus du bas de la colline ; le ciel un peu plus bleu au-dessus ; des rojales oyu Ă©pilobes au milieu des orties. – Nom des herbes, dire le nom des herbes ! – Je peux encore dire le nom des herbes ? L’enfant traversant Dites le nom des herbes que vous savez ! La figure pauvre La tramine, l’épieuse, le lactis, les foliacĂ©es, l’égrangette, la bardane, l’épilobe, la prĂȘle, la fĂ©tuque, la brize, le dactyle, le vulpin, le scirpe, la laĂźche, la luzule, le colchique, le narcisse, l’iris, l’oseille, le mĂ©landre, le coucou, l’Ɠillet, le caltha, le trolle, la renoncule, la cardamine, la parnassie, l’ansĂ©rine, la benoĂźte des ruisseaux, la valĂ©riane, la succise, la scabieuse, le coult, la campanule, la marguerite, l’arnica, le sĂ©neçon, la carline, le salsifis, le pissenlit, la chicorĂ©e sauvage, la piloselle, la folle avoine, le muscari, la tulipe sauvage, la petite oseille, la renouĂ©e, la dauphinelle, l’adonide, le pavot, le coquelicot, le fumeterre, le sĂ©nevĂ©, la ravenelle, le bec de grue, l’euphorbe, la pensĂ©e, le liseron, la morgeline, le lamier, la galĂ©opse, la menthe, la mĂ©lampyre, la niĂšble, la matricaire, l’anthĂ©mide, la centaurĂ©e, le laiteron, le cirse. N’avoir que 58 phrases Ă  dire, que 389 mots ou encore dire le nom des herbes que l’on sait
 autant de pistes de rĂ©citation ! Qu’est-ce Ă  dire ? Qu’il s’agit de rĂ©citer des listes qui ne sont pas seulement nominales, de maniĂšre adĂ©quate au niveau ou aux finalitĂ©s que l’on se donne un rĂ©citant et un chƓur qui reprend – le rĂ©citant pouvant ĂȘtre l’enseignant, le chƓur pouvant ĂȘtre la classe ou de petits groupes qui rĂ©citent alternativement
 des listes ; un ou plusieurs Ă©lĂšves lisent des listes dans un premier temps puis progressivement emportĂ©s par la rĂ©citation se mettent Ă  improviser des suites de listes ou des listes nouvelles
 Ces rĂ©citations n’ont pas pour objectif premier de bien lire, de bien articuler, de bien exprimer ces listes mais de faire passer des fragments certes sensĂ©s d’un discours qui n’a de tenue que par sa profĂ©ration, son passage en bouches – voire en boucles – exactement comme les ritournelles enfantines qui d’ailleurs peuvent ĂȘtre pour les plus petits l’occasion de rĂ©citations semblables. Ces rĂ©citations habituent Ă  mettre le corps dans des dispositions libres pour que les textes prennent voix indĂ©pendamment des volontĂ©s et autres stratĂ©gies d’arraisonnement Ă  des fins trop rĂ©flĂ©chies. Il s’agit de faire venir l’énergie discursive proche de la volubilitĂ© des parleurs engagĂ©s dans des conversations passionnantes des enfants qui parlent pour parler, par exemple comme font bien des adultes au tĂ©lĂ©phone ou au cafĂ© voire dans les soirĂ©es mondaines dont l’art, rappelons-le, est de tenir la conversation coĂ»te que coĂ»te
 Quand la rĂ©citation de listes acquiert cette volubilitĂ©, elle peut alors facilement s’étendre Ă  n’importe quel texte pour faire peut-ĂȘtre entendre son poĂšme c’est-Ă -dire ce qui peut en faire un poĂšme, Ă©tant entendu que la volubilitĂ© entraĂźne tout le discours dans l’inconnu de la relation langagiĂšre. C’est un test excellent pour voir si un texte mis en bouche fait poĂšme. Et il faudrait autant sinon plus que par l’explication tester les textes ainsi. Ce qui n’a rien Ă  voir avec la diction théùtrale qui peu ou prou entre dans une culture qui surplombe le texte bien souvent ou avec la diction dite expressive qui vient comme confirmer la comprĂ©hension et l’interprĂ©tation scolaires ou savantes. Les unes comme les autres ne rendront jamais tel texte de Henri Michaux 1963, p. 92-93 Ă  son poĂšme autant qu’une rĂ©citation-profĂ©ration. Dans la nuit Dans la nuit Dans la nuit Je me suis uni Ă  la nuit À la nuit sans limites À la nuit. Mienne, belle, mienne. Nuit Nuit de naissance Qui m’emplit de mon cri De mes Ă©pis. Toi qui m’envahis Qui fais houle houle Qui fais houle tout autour Et fumes, es fort dense Et mugis es la nuit. Nuit qui gĂźt, nuit implacable. Et sa fanfare, et sa plage Sa plage en haut, sa plage partout Sa plage boit, son poids est roi, et tout ploie sous lui Sous lui, sous plus tĂ©nu qu’un fil Sous la nuit, La Nuit. Tous les poĂšmes de cet ensemble intitulĂ© PoĂšmes » – il y en a treize ! – peuvent ainsi ĂȘtre mis en bouche pour le seul enjeu de vivre leur volubilitĂ© qui fait le plein de poĂšmes. Celui qui figure ici – le neuviĂšme – commence par se rĂ©pĂ©ter pour ne plus arrĂȘter de se reprendre un peu comme s’il bĂ©gayait mais, plus qu’une hĂ©sitation dans la diction, il s’agirait d’une insistance, d’un tournoiement, d’un abandon Ă  cette nuit », Ă  cette obscuritĂ© envahissante qui tient autant Ă  sa prosodie qu’à sa thĂ©matique, qui tient Ă  sa voix Ă©blouissante. L’énergie discursive se trouve dans la diction qui se cherche en rĂ©pĂ©tant, en reprenant presque inlassablement jusqu’à un certain Ă©puisement, un certain oubli du texte, de la situation mĂȘme
 C’est que l’enjeu d’une telle activitĂ© consiste Ă  faire venir jusqu’à son Ă©coute l’inconnu d’un texte autant que l’inconnu de l’activitĂ© elle-mĂȘme. La surprise est imprĂ©visible ; la trouvaille ne se maĂźtrise pas. De la citation Ă  l’action Écrire au tableau une phrase du jour ou, variante, faire Ă©crire aux Ă©lĂšves la phrase du jour sur une affiche qui accumule ainsi les phrases, extraits de proses et de vers
 pour que chacun les recopie, les redise, les apprenne par cƓur on vĂ©rifie ces mĂ©morisations dans la journĂ©e, le lendemain
, sachant bien que la sĂ©lection s’opĂ©rera d’elle-mĂȘme pour chacun mais aussi dans le groupe. Ce bon mot » du jour peut se voir reconsidĂ©rer de plusieurs maniĂšres le recopier, certes, mais en travaillant le graphisme sans, pour autant, faire calligramme de ce qui n’a pas Ă©tĂ© Ă©crit pour cela mais simplement pour dĂ©monter l’extrait, le montrer autrement, se l’approprier La riviĂšre parfois tremble se noue pourtant jamais elle ne se retourne pour voir si on la suit. Alexandre Voisard dans Guy Goffette, 2003, p. 92 le contextualiser en lisant le contexte de l’extrait avant et/ou aprĂšs, en donnant les rĂ©fĂ©rences, en se documentant sur l’auteur, le thĂšme, les mots
 Voulez-vous parlons d’autre chose Il y a des esprits moroses Des esquimaux des ecchymoses Louis Aragon, 2003, p. 72. l’afficher dans des lieux insolites dans la classe, dans l’école pour que ces nouveaux contextes obligent Ă  lire autrement, Ă  inventer d’autres lectures, Ă  trouver d’autres lecteurs tout l’intĂ©rĂȘt de cette activitĂ© c’est aussi d’ĂȘtre rĂ©guliĂšre jusque dans ses surprises mĂȘmes. Liste indicative de telles possibilitĂ©s souvent inspirĂ©es par Amandine Marembert dans Cahiers pĂ©dagogiques, n° 417, 2003, p. 37-38 corbeille de fruits poĂ©tiques Ă  l’entrĂ©e de la classe, de l’école fil Ă  linge poĂ©tique dans le couloir self poĂ©tique un poĂšme sur le plateau du self le midi post-it poĂ©tiques sur les marches d’escalier, aux plafonds parapluie, parasols et paravents poĂ©tiques dans la BCD papillotes, boules et autres guirlandes poĂ©tiques dans l’arbre de la cour portes-clĂ©s, badges, tickets et autres petits matĂ©riels poĂ©tiques pour une fĂȘte de l’école sms, timbres et enveloppes poĂ©tiques pendant une semaine de la poĂ©sie petites annonces poĂ©tiques sur le panneau des informations tracts poĂ©tiques la matin ou le soir avant ou aprĂšs les heures de classe fusĂ©es, avions et cerfs-volants poĂ©tiques etc. le jouer de multiples fois pour en tester la force en variant les dispositifs scĂ©niques ou vocaux La source tombait du rocher Goutte Ă  goutte Ă  la mer affreuse. L’OcĂ©an, fatal au nocher, Lui dit Que me veux-tu, pleureuse ? Je suis la tempĂȘte et l’effroi ; Je finis oĂč le ciel commence. Est-ce que j’ai besoin de toi, Petite, moi qui suis l’immense ? » La source dit au gouffre amer Je te donne, sans bruit ni gloire, Ce qui te manque, ĂŽ vaste mer ! Une goutte d’eau, qu’on peut boire. » Ce poĂšme de Hugo tirĂ© des Contemplations avril 1854 dans Hugo, 1973, p. 254 demanderait plus qu’une mise en scĂšne dialogique qui d’ailleurs dĂ©truirait la continuitĂ© de la voix du fabuliste. Il exige un long travail de variations sur un ou deux vers seulement, quels qu’ils soient. Dire de trĂšs nombreuses fois un ou deux vers, les passer de bouche en bouche, les faire vivre dans des dĂ©placements du corps et dans des gestes, vont alors permettre que les commentaires fusent et surtout que le poĂšme de cette fable s’incorpore, devienne le propre de chacun sans qu’aucune explication n’ait Ă©tĂ© donnĂ©e. Ces variations partagĂ©es sur de petits moments poĂ©tiques d’un texte ouvrent un vrai dĂ©bat interprĂ©tatif dans et par l’attention prĂ©cise aux dĂ©tails les plus infimes de ce que fait un poĂšme au corps, Ă  la voix, Ă  chacun et Ă  tous. Parions que le mot goutte » ne sera plus jamais entendu, compris, employĂ© comme avant
 Deux ouvrages seulement pour le collĂšge mais aprĂšs ceux des cycles 2 et 3, chacun comprendra aisĂ©ment la dĂ©marche et saura l’adapter aux autres ouvrages que nous avons proposĂ©s et Ă  bien d’autres tout aussi forts de lecture. Certes, l’ampleur et la difficultĂ© augmentent mais rien ne remplace, contrairement aux habitudes souvent acquises dans le secondaire, cette dĂ©marche qui laisse toute sa place Ă  l’aventure de la lecture et des lecteurs Ă©tant donnĂ© qu’elle est toujours l’exigence de leur libertĂ©, c’est-Ă -dire de l’écoute la plus proche des Ɠuvres. Avec Blaise Cendrars et ses Feuilles de route Il n’y a pas plus allĂ©gorique de la lecture elle-mĂȘme que le journal de voyage et c’est un tel journal que Cendrars propose comme livre de poĂšmes avec ses Feuilles de route la dĂ©dicace fort longue qui ouvre le livre parle de cahier » ; ce qui nous fait songer au carnet de bord. Lequel est constituĂ© de trois parties I. Le Formose », du nom du bateau qu’emprunte Cendrars en direction du BrĂ©sil en passant par Bilbao et Dakar, dont nous connaissons lieux et dates d’écriture puisqu’on lit au bas de cette premiĂšre partie la mention Le Havre-Saint-Paul, fĂ©vrier 1924 »; II. Sao-Paulo », le Saint-Paul de la mention finale de la premiĂšre partie, qui comprend six courts poĂšmes ; III. », la troisiĂšme partie du cahier » sans autre titre que sa numĂ©rotation qui commence par un DĂ©part » pour s’achever sur un question abyssale Pourquoi j’écris ? » Ă  laquelle est donnĂ© la rĂ©ponse la plus ouverte qui soit Parce que
 » avant que ne figure l’annĂ©e de cette Ă©criture 1924 ». On notera toutefois que les Ă©ditions Gallimard ont donnĂ©, dans le sommaire le titre du premier poĂšme » Ă  la troisiĂšme partie sans utiliser les rĂšgles typographiques qui s’imposent
 C’est donc un cahier » de 80 pages environ qu’on peut lire d’une traite comme l’invention d’un livre qui se cherche autant dans ses lecteurs que dans son propos, mĂȘme si Cendrars semble nous donner des pistes rassurantes autant que dĂ©routantes avec sa lettre-ocĂ©an » LETTRE-OCÉAN La lettre-ocĂ©an n’est pas un nouveau genre poĂ©tique 
 La lettre-ocĂ©an n’a pas Ă©tĂ© inventĂ©e pour faire de la poĂ©sie Mais quand on voyage quand on commerce quand on est Ă  bord quand on envoie des lettres-ocĂ©an On fait de la poĂ©sie p. 22 Passage qui pourra certainement susciter un dĂ©bat nourri tout au long du livre mĂȘme si les formes du dĂ©bat peuvent rester allusives voire silencieuses
 *** Les listes lexicales possibles sont bien Ă©videmment nombreuses ; il semble toutefois que des pistes exemplaires puissent ĂȘtre empruntĂ©es et la classe pourra utiliser Ă  bon escient des rĂ©partitions en sous-groupes Ă©tant entendu que chaque liste lexicale hiĂ©rarchisĂ©e rĂ©alisĂ©e ne peut l’ĂȘtre qu’individuellement puisqu’il s’agit toujours de se montrer un parcours de lecture dans l’Ɠuvre. Observez quelques personnages rencontrĂ©s par Cendrars au long de son voyage et ordonnez-les Ă  votre convenance ; Le narrateur du cahier livre ses impressions de voyageur au long cours, relevez-les et ordonnez-les ; Listez quelques activitĂ©s des voyageurs Ă  bord des transatlantiques telles que dĂ©crits par le narrateur de ces Feuilles de route et ordonnez-les dans l’ordre de prĂ©fĂ©rence de ce mĂȘme narrateur. Il s’agit, on l’aura compris, de pĂ©nĂ©trer la voix narrative, d’en comprendre les accents, d’en saisir la force jusque dans son ironie parfois grinçante et sa porositĂ© aux clichĂ©s de l’époque quoiqu’elle ne cesse de s’y opposer – perdons l’habitude de dire que le poĂšte pense que, parle de
 et considĂ©rons en poĂ©sie comme en roman, y compris autobiographique, que le narrateur que nous prĂ©fĂ©rons appeler, dĂšs qu’il y a poĂšme, le raconteur » n’est pas l’auteur ! *** Les instantanĂ©s théùtraux peuvent avoir pour objectif de montrer le travail d’écriture pensive et aventuriĂšre de Cendrars Ă©criture au prĂ©sent de l’écriture. Cendrars donne toujours l’impression du poĂšme en train de s’écrire au moment du vivre. On pourrait donc proposer aux Ă©lĂšves de dire tel ou tel passage de leur choix en mimant leur Ă©criture machine Ă  Ă©crire ou plus certainement traitement de texte avec vidĂ©o-projecteur si le collĂšge a les moyens. Ce mode de diction en Ă©crivant – mĂȘme fictivement car un diaporama projetĂ© peut trĂšs bien avoir dĂ©jĂ  Ă©crit le texte qui se projette s’écrivant – permet Ă  la voix de s’intĂ©rioriser dans son passage au public. Un exemple avec trois poĂšmes » qui vont ensemble p. 34-35 L’ÉQUATEUR L’ocĂ©an est d’un bleu noir le ciel bleu est pĂąle Ă  cĂŽtĂ© La mer se renfle tout autour de l’horizon On dirait que l’Atlantique va dĂ©border sur le ciel Tout autour du paquebot c’est une cuve d’outremer pur LE PASSAGE À LA LIGNE Naturellement j’ai Ă©tĂ© baptisĂ© C’est mon onziĂšme baptĂȘme de la ligne Je m’étais habillĂ© en femme et l’on a bien rigolĂ© Puis on a bu JE NAGE Jusqu’à la ligne c’était l’hiver Maintenant c’est l’étĂ© Le commandant a fait installer une piscine sur le pont supĂ©rieur Je plonge je nage je fais la planche Je n’écris plus Il fait bon vivre Ce passage de la ligne l’Équateur peut ĂȘtre lu comme un passage Ă  la ligne dans l’écriture, passage qui renverse toute l’écriture comme l’Équateur traversĂ© renverse les saisons. Ce qui rappelle le sĂ©rieux d’une anecdote dans l’écriture aller Ă  la ligne. SĂ©rieux qui aussitĂŽt peut aussi faire rire, dĂ©faire le sĂ©rieux de l’écrire je n’écris plus »  L’instantanĂ© théùtral peut suggĂ©rer ce passage Ă  la ligne en crĂ©ant cet espace brisĂ© et renversant espace qui doit d’abord s’entendre dans la diction qui explorera les modes du passage Ă  la ligne liĂ©es et sĂ©parĂ©es, les lignes inventent une danse de la voix
 *** Les Ă©crits Ă  la premiĂšre personne emprunteront bien Ă©videmment le genre » qui n’en est pas un ! de la lettre-ocĂ©an. La plus grande libertĂ© est possible quant aux signataires de ces lettres-ocĂ©an un papillon » Un papillon grand comme la main est venu virevolter tout autour du paquebot / Il Ă©tait noir et jaune avec de grandes stries d’un bleu dĂ©teint », p. 39 ou un ouistiti » j’ai achetĂ© trois ouistitis que j’ai baptisĂ©s Hic Haec Hoc », p. 78 ; voir aussi p. 82 peuvent fort bien en ĂȘtre les signataires ; mais le charpentier » p. 82 ou encore Christophe Colomb p. 83 peuvent signer de belles lettres-ocĂ©an en Ă©cho Ă  celles de Cendrars. La mythologie personnelle de Cendrars pourrait aussi venir nourrir une lettre-ocĂ©an signĂ©e d’Orion, sa constellation de prĂ©dilection p. 30 qui est sa main montĂ©e au ciel » p. 34. L’écriture de telles lettres demandent de se nourrir du poĂšme, de ne pas hĂ©siter Ă  le citer, de glaner des documents dans les dictionnaires, bref, de dĂ©river, de voyager dans et par l’écriture. Didactiquement, il est certainement prĂ©fĂ©rable d’orienter la libertĂ© dans un projet d’écriture qui montera progressivement en puissance. Par exemple, en suivant une progression de ce type 1. Écris la rĂ©ponse Ă  la Lettre » p. 13 ; 2. Europe » rĂ©pond Ă  la lettre En route pour Dakar » p. 17-18 ; 3. Cendrars a trouvĂ© une lettre-ocĂ©an » dans un cachot » de GorĂ©e » p. 24 mais ne l’a pas publiĂ©e ; tu dĂ©cides de nous la montrer ; 4. Orion envoie une lettre-ocĂ©an » Ă  Cendrars voir p. 30 et 34 ; Etc. Avec ValĂ©rie Rouzeau et Pas revoir Ce petit livre est un grand livre. Cela commence par son titre son attaque qui fait entendre la premiĂšre syllabe de l’ĂȘtre cher disparu Papa » ; sa syntaxe ouverte, bĂ©ante sur tout ce qui s’y entend si fort mais qui ne peut ĂȘtre nommĂ©, seulement suggĂ©rĂ© ; son refus du syntagme figĂ© au revoir » des rituels relationnels y compris avec les morts, son refus du semblant, cette exigence de dire vrai, non le vrai ; son anonymat qui crie l’énonciation la plus singuliĂšre parce que justement s’y entendrait cette voix d’enfant – peu importerait son Ăąge – qui s’affirme face au pĂšre et avec lui, dans ce face Ă  face oĂč l’altĂ©ritĂ© la plus grande la mort devient forme de vie. Donc, un grand poĂšme de vie, non qui rend vie, mais qui vit, donne vie Ă  qui l’entend, le lit. Soixante-dix-neuf stations d’un thrĂšne au pĂšre font de ce livre une course Ă©perdue Toujours courir » de Toi » Ă  mon pĂšre », premier et derniers mots du livre tout le contraire d’une lente remĂ©moration, d’une commĂ©moration. La mĂ©moire est au prĂ©sent d’une syntaxe qui rĂ©cupĂšre, Ă©vacue, redistribue, un peu comme le pĂšre faisait dans son mĂ©tier avec son camion. Les voix s’emmĂȘlent pour peut-ĂȘtre mieux entendre celle qu’on cherche Ă  Ă©couter ça va quand on demande moi je dis bien surtout s’il y a du monde je prends sur moi trĂšs bien ». Et c’est dit trĂšs fort Tu me fais marcher ». Car ce long poĂšme est aussi le rythme d’un sujet qui travaille son Ă©coute, l’affine, parce que justement la voix du pĂšre rĂ©sonne la voix de sa fille, et l’inverse Les fleurs seront bientĂŽt trĂšs bleues. / Mon Ɠil, tes yeux ». Le thrĂšne n’est pas un chant dĂ©senchantĂ© mais l’échange comme enchanteur Tu as mes fleurs j’ai ton sourire on est quittes ». Et c’est par moments, un bouquet d’air, presque une voix qui comptine, un rire quand pas les mots ». Et c’est Ă  la fin Ma main lĂ  posĂ©e sur la table de dehors. / De la mĂȘme couleur que sa main Ă  mon pĂšre. » Le poĂšme a juste mesurĂ©, et mesurĂ© juste il faudrait dire rythmĂ©, car rien n’est calculĂ© et tout est trouvĂ©, cette distance deux phrases ou lignes sĂ©parĂ©es par un point et cet Ă©change extĂ©rieur/intĂ©rieur ; ma main » / sa main ». A-t-il aussi trouvĂ© la couleur Ă  mon pĂšre » ? La lamentation serait alors un hymne Ă  la vie ? Les grands poĂšmes font vivre pas revivre nos morts. Pas revoir en est un, il participe, Ă  sa maniĂšre de poĂšme, d’une invention de l’anthropologie du quotidien, de la mort dans et avec la vie, dont nous avons tous le dĂ©sir quand ce n’est le besoin. Toutes les activitĂ©s que nous avons proposĂ©es dans les sĂ©quences prĂ©cĂ©dentes viennent ici empĂȘcher que l’on rĂ©duise ce livre, comme les prĂ©cĂ©dents, Ă  ce dont il parle car ce qui compte avec les poĂšmes c’est de s’intĂ©resser Ă  ce qu’ils nous font, Ă  ce qu’on fait avec eux au dire plus qu’au dit, au sentir plus qu’au senti, au ressentir plus qu’au ressenti, etc. C’est pourquoi on raterait le poĂšme de ce livre si sa lecture Ă©tait d’emblĂ©e placĂ©e sous le signe de son genre le thrĂšne ou chant pour les morts ou de son thĂšme la mort du pĂšre
 Les activitĂ©s proposĂ©es, si elle n’empĂȘche pas la problĂ©matisation gĂ©nĂ©rique ou thĂ©matique visent d’abord Ă  laisser agir les lectures au plus prĂšs de chacun et de tous dans les circonstances de ces lectures. *** La premiĂšre activitĂ© attire l’attention des lecteurs sur les passages jugĂ©s difficiles bizarres » si l’on prĂ©fĂšre en les ordonnant par ordre de difficultĂ© ou, si l’on prĂ©fĂšre, de bizarrerie ». Il ne s’agit pas de rĂ©soudre » ces difficultĂ©s mais seulement de montrer par ces prises d’abord hasardeuses que le poĂšme fait systĂšme et que telles difficultĂ©s locales va soudain s’éclairer du contexte ou d’occurrences semblables. La consigne peut se prĂ©ciser ainsi RelĂšve quelques passages qui te paraissent difficiles. Attention pas plus d’un par page les 79 stations » ! Ordonne ces passages par ordre de difficultĂ© ». ApparaĂźtront donc des similitudes et donc ainsi certaines difficultĂ©s s’élimineront d’elles-mĂȘmes quand d’autres seront rendues moins difficiles par comparaisons et, forcĂ©ment, relectures. Quelques exemples La premiĂšre station en offre bon nombre mais suivons la consigne Toi mourant man au tĂ©lĂ©phone pernoctera pas voir papa p. 7 Comment lire ce verset » ? OĂč dĂ©couper les syntagmes signifiants ? Tout s’enchaĂźne et pourtant
 tout est suggĂ©rĂ© dans cet enchevĂȘtrement, dans ce chamboulement des habitudes que fait la mort au langage, Ă  la vie, jusqu’à inventer des mots pernocter »  Il y aurait peut-ĂȘtre des coquilles dans ce livre La neige a ses rĂȘves qu’elle ignore de tant tomber de ciel sur nous p. 13 On dit toujours tomber du ciel » ! Mais ici c’est le ciel qui tombe ! Et puis plus bas, l’accord n’est pas fait pour la neige » quand il semble fait pour la voix » Beau neige voix blanche. p. 13 Etc. Mais on retiendra pour montrer la direction de cette activitĂ© un des faits les plus saillants de tout l’ouvrage et qui en constitue certainement l’enjeu Je prends son vĂ©lo Ă  mon pĂšre. p. 31 Ma main lĂ  posĂ©e sur la table de dehors. De la mĂȘme couleur que sa main Ă  mon pĂšre. p. 85 Ce doublement du possessif est bien autre chose qu’une faute » enfantine ou populaire » la duplication est l’écriture d’un Ă©change qui met les corps et le langage dans le mouvement d’un passage rĂ©alisant ainsi une transmission rĂ©ciproque masculin/fĂ©minin, troisiĂšme et premiĂšre personne
. *** On peut alors s’engager dans les instantanĂ©s théùtraux qui chercheront ces passages de voix. Prenons un seul exemple pour montrer l’enjeu de cette recherche, par ces essais qui doivent bien Ă©videmment ĂȘtre multiples, se jouer seul ou Ă  plusieurs, une fois ou de nombreuses fois en variations infinitĂ©simales
 Te parler papa j’ai pu te paparler un peu un petit peu paparce que nous n’avions plus tout le temps. p. 30 Le bĂ©gaiement Ă©crit n’est pas un symptĂŽme d’un hors-langage deuil qui empĂȘche de dire
 mais l’écoute dans le discours de ce qui le double, de ce qui va plus vite que lui, de ce qui vient dans le dire avant le dit l’appel de l’interlocuteur envahit tout le dit et met le dire te dire » au premier plan. Ce qui laisse une marge plus qu’importante Ă  la force de l’adresse que toute diction cherchera Ă  trouver dans des gestes et d’abord dans des gestes de paroles pensons aux postillons que l’occlusive ne manque pas de lĂącher !. Alors les rĂ©pĂ©titions qui suivent ne sont plus les tics d’un bĂ©gaiement mais les gestes d’une relation qu’il faut faire entendre, faire voir, faire sentir et d’abord en les sentant dans sa bouche Te parler papa j’ai pu te paparler un peu un petit peu paparce que nous n’avions plus tout le temps. Dehors le monde ses oiseaux blancs comme des avions, le mur du son. Tes mains sur le drap blanc jaunissaient jaunissaient. Ils n’ont sĂ»rement pas le droit de voler aussi bas pas pas le droit de voler aussi bas tu disais. MĂȘme mĂȘme le blanc de tes yeux Ă©tait jaune nous alors nous sommes tout pardonnĂ©. p. 30 *** Ce livre de poĂšmes est Ă©galement un parcours dont les lecteurs peuvent reconstituer les Ă©tapes les stations » si l’on veut filer la mĂ©taphore chrĂ©tienne avec la Passion du Christ qui constitue certainement dans la tradition littĂ©raire un des grands topoĂŻ du passage de la vie Ă  la mort. L’écriture d’une anthologie lĂ©gĂšrement commentĂ©e du parcours de la narratrice en choisissant des lieux-moments clĂ©s de ce parcours, mettrait en valeur cette dimension organisatrice du livre. Il y a des lieux qui suivent l’agonie, l’enterrement, l’aprĂšs
mais ces lieux d’une temporalitĂ© linĂ©aire qui rendraient compte d’un destin et donc d’une fin qui achĂšverait la vie, sont doublĂ©s voire multipliĂ©s dans tous les sens par d’autres lieux, lieux-souvenirs, lieux-avenirs, lieux-rĂȘves, lieux-dĂ©rives
, qui alors mettent le rĂ©citatif plus fort que le rĂ©cit, le poĂšme plus fort que le destin, la vie incluant la mort, le vivant des voix plus fort que l’écho mortel, le pas revoir » d’un appel plus fort que l’au revoir » d’un adieu. On saisira pour l’exemple ces passages de lieux dans ce poĂšme-comptine qui fait entendre bien d’autres poĂšmes de Charles d’OrlĂ©ans Ă  Guillevic en passant par Apollinaire Mon pĂšre mon pĂšre mon pĂšre en terre au vent d’étĂ© au vent d’hiver. Oh mon pĂšre terra terraquĂ© je te rĂ©pĂšte perroquet mon pĂšre mon pĂšre. Au vent d’hiver au vent d’étĂ© en terre entier au vent chantĂ©. Enfant dans les grands sapins verts c’était toi qui sifflais soufflais enfant dans les grands sapins blancs. Mon pĂšre je te rĂ©pĂšte en l’air c’est une fleur lancĂ©e assez haut. Les deux pieds dans tes graviers clairs. Les mains pour la fleur ou l’oiseau. p. 57 Les lieux circulent de la tombe gravier Ă  l’air », de la terre » au ciel, de l’ hiver » Ă  l’ Ă©tĂ© », de la fleur » Ă  l’oiseau » mais aussi de l’enfance Ă  maintenant, du vert au blanc, des pieds aux mains, du siffler » au souffler », etc. Ces itinĂ©raires commentĂ©s doivent rester toujours fort singuliers et les lieux les plus incongrus peuvent donner Ă  voir autant de parcours de lecture qui sont des parcours vivants dans le livre. *** Enfin, l’écriture de paroles donnĂ©s aux sans-voix du poĂšme permettrait de laisser entendre le dĂ©bat qui ne manquera pas de sourdre pour chaque lecteur entre tristesse et joie, tendresse et rĂ©volte, dĂ©tresse et joie de vivre, mutisme et jubilation volubile
 C’est qu’il n’y a pas Ă  choisir mais Ă  entendre toutes ces voix qui nous traversent et forment le chƓur d’un poĂšme de vie. Ce poĂšme part certes d’une disparition mais il fait repartir d’une force de vie. Le dĂ©fi maximal serait de faire entendre la voix du pĂšre mort, de faire entendre sa vie non seulement en reprenant des souvenirs que le poĂšme fait revivre mais Ă©galement en trouvant des accents de vie dans une voix qui rĂ©pondrait jusque dans son silence Tu n’écoutes plus rien si je parle plus bas. Ni tu n’entends plus rien des guĂȘpes qui s’occupent de piquer les lilas. Ni n’en vois la couleur ni celles que j’ai sur moi. Ces bottes sont faites pour marcher tu ne chantes plus ça. C’est de la haute fidĂ©litĂ© ton silence m’arrĂȘte lĂ . p. 34 AprĂšs que les Ă©lĂšves du cycle 2 ont commencĂ© la rencontre avec des Ɠuvres poĂ©tiques, les Ă©lĂšves du cycle 3 vont augmenter leur capacitĂ© de faire Ɠuvre en cherchant Ă  augmenter tout ce qui fait la force d’un auteur et en particulier en percevant qu’une Ɠuvre est toujours une force en mouvement qui peut inclure plus d’un texte, qui ne sait jamais oĂč elle commence ni oĂč elle finit. Avec une anthologie thĂ©matique, La mer en poĂ©sie Comment lire une anthologie en classe ? S’il est vrai qu’une anthologie consĂ©quente comme celle que nous proposons ici ne peut exiger sa lecture intĂ©grale, il n’empĂȘche qu’il s’agit d’amener les Ă©lĂšves Ă  sa lecture dans tous les sens et donc Ă  une lecture du livre pour en comprendre les choix, les valeurs et les enjeux. L’anthologie, de ce point de vue, est un excellent terrain d’entraĂźnement pour la lecture critique. La table des matiĂšres du livre offre la liste des auteurs et surtout l’origine bibliographique des extraits qui constituent l’anthologie thĂ©matique. VĂ©ritable bibliothĂšque poĂ©tique qui mĂȘle connus et inconnus, cĂ©lĂšbres et oubliĂ©s, cette table est toutefois incomplĂšte puisque les titres des poĂšmes, quand ils existent, n’y figurent pas. Pire, on ne voit pas Ă  sa lecture si une organisation quelconque prĂ©side Ă  l’ordonnancement des poĂšmes. Ces lacunes apparentes peuvent ĂȘtre prĂ©texte Ă  des interrogations qui relanceront fortement les activitĂ©s proposĂ©es. Le dossier pĂ©dagogique sera laissĂ© Ă  l’usage libre des Ă©lĂšves car il nous semble ne pas rĂ©pondre Ă  notre objectif, lire une anthologie, quand il sollicite simplement des activitĂ©s plutĂŽt occupationnelles non justifiĂ©es par cette anthologie. La plupart des activitĂ©s consisteront Ă  mobiliser les Ă©lĂšves dans des activitĂ©s anthologiques quitte Ă  faire mieux – c’est le dĂ©fi – que l’anthologie convoquĂ©e, du moins Ă  engager une critique anthologies d’anthologie
 pour suggĂ©rer que la lecture n’est rien moins qu’une activitĂ© d’écriture anthologique et que toute Ă©criture est une anthologie de lectures. *** La liste lexicale hiĂ©rarchisĂ©e peut viser en plusieurs sĂ©ances, au fil des lectures qui vont parcourir linĂ©airement ou sauvagement » l’anthologie, Ă  constituer un rĂ©pertoire de morceaux choisis gĂ©nĂ©ralement courts incluant le mot mer ». Ce rĂ©pertoire devra ĂȘtre hiĂ©rarchisĂ© en suivant le degrĂ© d’évocation proposĂ© par chaque fragment. Les critĂšres de la hiĂ©rarchisation s’ils restent toujours subjectifs sont toujours discutables et donc permettent de mettre en valeur les critĂšres d’apprĂ©ciation construits par les Ă©lĂšves. Depuis la citation de Baudelaire Homme libre, 
 / La mer est ton miroir 
 » jusqu’à celle de Saint-Pol Roux OcĂ©an // Ciel Ă  l’envers », des rĂ©sonances s’entendent mais d’infimes gradations peuvent aussi s’établir mĂ©taphore abstraite puis concrĂšte ou extĂ©riorisation d’une subjectivitĂ© puis personnalisation d’un Ă©lĂ©ment objectif
 Et la quĂȘte se poursuit avec Guillevic Mer de ceux qui veulent y mourir » et Maurice Fombeure Si la mer touchait Ă  la nuit »  Si la consigne paraĂźt trop difficile, la simple recherche des occurrences de mer » et leur hiĂ©rarchisation peut suffire pour aboutir aux mĂȘmes discussions et apprĂ©ciations plus ou moins attentives au travail poĂ©tique qu’engage cette anthologie. *** Les instantanĂ©s théùtraux viseront de la mĂȘme maniĂšre Ă  monter des passages qui s’enchaĂźnent d’un poĂšme Ă  l’autre enchaĂźnements thĂ©matiques ou autres qui feront entendre un parcours de lecture seul ou Ă  plusieurs. Ici, le travail en petites Ă©quipes est Ă  encourager pour augmenter les lectures en les mutualisant. Le prĂ©texte actif aux enchaĂźnements peut ĂȘtre le passage d’objets, de mots, de matiĂšres, de lumiĂšres – des lectures qui incluent un Ă©clairage, voire une projection de diapositives ou d’ombres colorĂ©es, seraient propices Ă  cette anthologie vivante. Loin d’aboutir Ă  un quelconque spectacle, cette activitĂ© n’a pour objectif que de faire vivre la lecture dans et par l’activitĂ© corporelle dont la voix constitue le cƓur le plus vivant, le plus extime », c’est-Ă -dire nouant sans faire appel aux intentions explicites l’intime d’une lecture Ă  son exercice public – Ă©tant entendu que le public ici convoquĂ© l’est toujours dans l’égalitĂ© du partage et de l’échange rĂ©ciproque des lectures, donc du respect de chacune. Des montages plus faciles peuvent ĂȘtre rĂ©alisĂ©s les poĂšmes de Jules Supervielle prĂ©sents dans l’anthologie, tous les poĂšmes s’intitulant Marine », etc. *** La rĂ©alisation de documentaires » avec tous ces poĂšmes peut rappeler des expĂ©riences Ă©ditoriales frĂ©quentes en littĂ©rature jeunesse mais tout particuliĂšrement celles qu’a initiĂ©es Georges Jean voir Jean, ????. Rassembler des citations autour d’objets marins » prĂ©sentĂ©s thĂ©matiquement bateaux et marins, plages et tempĂȘtes
 ou encore rĂ©aliser un glossaire de tel ou tel aspect de la mer » avec, pour chaque entrĂ©e du glossaire », une citation ou plusieurs bien rĂ©fĂ©rencĂ©es, prises Ă  un ou plusieurs poĂšmes de l’anthologie, voilĂ  de quoi relire et proposer une lecture dans et par l’écriture anthologique. Exemple de rĂ©alisation par un Ă©lĂšve sur le premier tiers du livre Petit glossaire des bateaux de La mer en poĂ©sie BaleiniĂšre Alors dans sa baleiniĂšre le pĂšre tout seul s’en est allĂ© » Jacques PrĂ©vert, La pĂȘche Ă  la baleine » Barque L’un n’a-t-il pas sa barque et l’autre sa charrue ? » Victor Hugo, Oceano Nox » ; Sur la mer blanche de colĂšre, par cette blanche nuit de neige, les barques plongent, aux arpĂšges de la rafale et de la mer » Paul Fort, Puisqu’il faut toujours que l’on parte » ; La barque est belle fille / Du flĂšche Ă  la quille » Saint-Pol Roux, PriĂšre Ă  l’OcĂ©an » Caravelle 
 penchĂ©s Ă  l’avant des blanches caravelles, / Ils regardait monter en un ciel ignorĂ© / Du fond de l’OcĂ©an des Ă©toiles nouvelles » JosĂ© Maria de Heredia, Les conquĂ©rants » Cargo Au loin un cargo fait naufrage » Jacques PrĂ©vert, Le gardien du phare aime trop les oiseaux » Esquif Chaque vague en passant d’un butin s’est chargĂ©e ; / L’une a saisi l’esquif, l’autre les matelots ! » Victor Hugo, Oceano Nox » Felouque La felouque a coupĂ© l’étreinte de leurs mains / 
 / La felouque glisse au creux des vagues de guerre » Robert Arnaud, Le pirate d’Alger » Motogodille Maintenant les autres vont me pourchasser en motogodille » Jacques PrĂ©vert, La pĂȘche Ă  la baleine » Navire En pierre mon navire s’embosse Ă  la Terre » Saint-Pol Roux, PriĂšre Ă  l’OcĂ©an » Nef Lente la nef cambre les muscles de son torse » Robert Arnaud, Le pirate d’Alger » Vaisseau Et comme un jour les vents, retenant leur haleine, /Laissaient paisiblement aborder les vaisseaux » La Fontaine, Le berger et la mer » ; Voici rentrer l’officier de marine, / 
 / Il dit combien de vaisseaux il a pris » Charles Cros, Chanson de la cĂŽte » ; DĂ©mon de verre cassant des vaisseaux comme on casse des noix » Saint-Pol Roux, PriĂšre Ă  l’OcĂ©an » En vue d’un tel Ă©crit, on pourrait envisager la collaboration de plusieurs Ă©lĂšves mais rappelons que jamais l’exhaustivitĂ© n’est l’objectif et que l’engagement personnel jusque dans les erreurs est une condition de l’appropriation puis de la discussion avec l’Ɠuvre. *** Donner la parole Ă  la mer en rĂ©alisant un montage de citations des poĂšmes de l’anthologie permettrait de boucler » ces activitĂ©s en laissant toutefois l’écriture dĂ©river et donc les citations passer dans l’écriture des Ă©lĂšves les citations se perdant donc dans l’écriture deviennent ainsi non seulement la parole de la mer mais la parole de chacun des lecteurs. Exemple de rĂ©alisation L’OcĂ©an parle Ă  la suite de Claude Roy, Guillaume Apollinaire, Pablo Neruda, Paul Verlaine et Victor Hugo Je suis beau je suis sel je suis vent je suis bleu Je suis immense et fou je suis avide et tout Autour de ta maison il y a moi que tu connais Et qui ne repose jamais Et j’Ɠuvre en ton silence Tu ne reposes pas auprĂšs de ce rocher Je palpite sous l’Ɠil de la lune en deuil et palpite encore Je vais, viens, luis et clame Le sombre oubli que jette le temps sur tous ceux que j’enfouis Avec AnacoluptĂšres de James SacrĂ© Ce petit livre porte jusqu’au bout son Ă©nigme avec un plaisir certain qui demande toujours de revenir en arriĂšre souvenirs d’enfance et d’aller de l’avant surprise d’un poĂšme qu’on n’attendait pas comme ces fourmis qui vous montent dans les jambes
. On comprend qu’il ne s’agira jamais d’en venir Ă  bout – qui prĂ©tendrait maĂźtriser le monde des insectes, monde infini comme celui des poĂšmes
 On comprend aussi qu’il s’agira de beaucoup s’amuser tout en se posant des questions redoutables la mort rĂŽde ou plutĂŽt l’expĂ©rience Ă©lĂ©mentaire de ce pouvoir d’écraser, de punaiser n’importe quel insecte avec les meilleurs prĂ©textes
. Ce petit livre et les lectures qu’il va entraĂźner demandent l’attention la plus forte possible aux toutes petites choses qui vont s’y faire un peu comme un collectionneur d’insectes sait que la valeur de sa collection est dans les toutes petites diffĂ©rences. Le titre constitue Ă  lui seul une Ă©nigme qui peut-ĂȘtre le restera aprĂšs la lecture des Ă©lĂšves
 mais ces titres Ă©nigmatiques ne sont-ils pas ceux qui laissent le plus de souvenir parce qu’ils Ă©veillent la rĂȘverie. Ce titre est un mot valise qui emmĂȘle anacoluthe » et colĂ©optĂšres », donc deux types d’observation concernant le langage et le monde. Ce qui montre bien que ce petit livre possĂšde dĂšs son titre une rĂ©versibilitĂ© des plus actives. ANACOLUTHE. Ce terme est utilisĂ© traditionnellement et encore par LittrĂ© pour dĂ©signer deux phĂ©nomĂšnes syntaxiques diffĂ©rents. La tradition grammaticale faisait de l’anacoluthe l’emploi du pronom relatif sans antĂ©cĂ©dent par exemple il y aurait ellipse de lĂ  dans Il va oĂč le devoir l’appelle, ou de celui dans Qui vivra verra. L’anacoluthe est dĂ©finie, plus gĂ©nĂ©ralement, comme une rupture de construction, un changement d’orientation, une asymĂ©trie pouvant produire divers effets surprise, suspens, etc. En fait les exemples classiques relĂšvent d’une possibilitĂ© trĂšs gĂ©nĂ©rale le dĂ©placement Ă  gauche » ou thĂ©matisation » Le nez de ClĂ©opĂątre s’il eĂ»t Ă©tĂ© plus court
 ». Demougin, 1985 COLÉOPTÈRE gr. koleos, Ă©tui, et pteron, aile. ColĂ©optĂšres ordre d’insectes Ă  mĂ©tamorphoses complĂštes, pourvus de piĂšces buccales broyeuses et d’ailes postĂ©rieures pliantes protĂ©gĂ©es au repos par une paire d’élytres cornĂ©s, comprenant plus de 300 000 espĂšces parmi lesquelles le hanneton, le charançon, la coccinelle, etc. Larousse, 1995 Les activitĂ©s avec ce livre vont tenter de tenir cette rĂ©versibilitĂ© jusqu’au bout, rĂ©versibilitĂ© qu’il faudrait d’ailleurs gĂ©nĂ©raliser description et narration, vers et proses, rĂ©flexion et divagation, etc. *** Viser un premier parcours dans l’Ɠuvre demande de hiĂ©rarchiser un lexique. Ce livre commence et finit par une liste alphabĂ©tique de colĂ©optĂšres Liste quelques-uns de ces colĂ©optĂšres en commençant par ceux que tu connais ». Ce premier lexique hiĂ©rarchisĂ© prĂ©cĂšde un second qui semble indispensable Ă  un premier parcours personnel dans l’Ɠuvre RelĂšve les colĂ©optĂšres Ă©voquĂ©s par le livre de James SacrĂ© – en excluant ceux listĂ©s au dĂ©but et Ă  la fin de l’ouvrage – puis Ă©numĂšre-les dans l’ordre de tes prĂ©fĂ©rences ». Les Ă©lĂšves apercevront dans les Ă©changes qui s’en suivront bien des spĂ©cificitĂ©s de l’ouvrage le premier fragment signale le cĂ©toine et le calosome », si le premier est mentionnĂ© dans la liste ouvrant le livre, le second ne l’est pas ! le second qui est consacrĂ© au carabe dorĂ© » s’achĂšve sur les cicindĂšles » les deux figurent dans la liste mais on ne comprend pas facilement le rapport entre eux ; le troisiĂšme consacrĂ© au criocĂšre », lequel ne figure pas dans la liste augurale, mais les colĂ©optĂšres Ă©voquĂ©s avec lui sont des paysans perchĂ©s dans les peupliers » ! qui pourraient – pourquoi pas ? – venir complĂ©ter la liste des colĂ©optĂšres
 ; les fourmis » Ă©voquĂ©es dans le cinquiĂšme fragment sont-elles des colĂ©optĂšres ? si l’on en croit le Larousse illustrĂ©, non ! puisque les hymĂ©noptĂšres, s’ils sont des insectes, ne sont pas des colĂ©optĂšres ! Le livre s’ouvre donc Ă  une dĂ©couverte des insectes plus que des colĂ©optĂšres au sens strict ! Sans compter que maman » est comparĂ© par le narrateur Ă  une grande fourmi dans le temps » ! etc. sans oublier le termite » et non la » ! qui est inclus sur la liste des isoptĂšres
 Conclusion du narrateur Ă  propos du dictionnaire Dans le gros livre qui est un arrangement systĂ©matique des mots ça fait une dĂ©rive de vocabulaire mal tenu » 6e fragment ! De la mĂȘme façon, les listes des Ă©lĂšves pourront mal se tenir puisque les dĂ©rives lexicales inĂ©vitables auront suivi l’imprĂ©visibilitĂ© des passages entre dĂ©couverte du monde et dĂ©rive langagiĂšre. Ces rĂ©versibilitĂ©s tenues jusque dans les listes rĂ©pondent au poĂšme Un poĂšme comme un doigt levĂ© ou comme Un coup de balai bien donnĂ©, vraiment, Le voilĂ -t-y qui ruse encore, Autrement que j’ai pu penser ? 13e fragment PrĂ©cisons-le Ă  cette occasion cette activitĂ© qui gĂ©nĂ©ralement ouvre les lectures-Ă©critures-jeux avec les livres de poĂšmes demande Ă  l’enseignant d’accepter et mĂȘme d’écouter au plus prĂšs toutes les propositions des Ă©lĂšves autrement qu’il a pu penser »  C’est certainement dans ces altĂ©ritĂ©s » de la pensĂ©e, dans ces imprĂ©vus de la didactique que se construisent les valeurs de l’Ɠuvre. Si, par exemple dans la classe, un dĂ©bat prend sur l’inclusion ou non de la nicole » fragment 16 qui ne figure pas dans la liste du livre mais qui bien Ă©videmment semble ĂȘtre le nom pour la coccinelle, l’occasion est belle de faire travailler la confusion toujours forte de l’expĂ©rience personnelle et de la connaissance du monde parce que, comme dit le narrateur au fragment 18 Peine perdue de pas le croire, tu joues / À transformer la bestiole et ton poĂšme en je. » DĂšs l’écriture de liste lexicale hiĂ©rarchisĂ©e, l’enjeu c’est bien de faire venir ce je » qui n’est pas le moi » de l’individu, ou de l’élĂšve mais le sujet d’une activitĂ© que le poĂšme seul peut faire advenir au cƓur du langage. Des variantes de consignes sont tout Ă  fait possibles faire une liste non exhaustive des souvenirs d’enfance du narrateur et les ordonner dans l’ordre d’importance ; faire une liste non exhaustive des comparaisons que le narrateur effectue et les ordonner Ă  sa convenance ; etc. *** La seconde activitĂ© demanderait de laisser une grande libertĂ© de choix aux Ă©lĂšves avec une consigne Ă  la fois trĂšs ouverte et extrĂȘmement ferme choisis un passage du livre – pas trop long – et joue-le en l’accompagnant d’un geste fort et d’un objet Ă©vocateur ». Cette association du fragment textuel, d’un geste et d’un objet oblige les Ă©lĂšves Ă  chercher entre l’illustration littĂ©rale et l’analogie la plus suggestive possible leur voix propre que peut seul permettre une mise en espace rapide mais dĂ©cisive. Exemples de rĂ©alisations sachant bien que mille autres sont possibles et qu’aucun modĂšle ne peut ici intervenir ; on considĂšrera Ă©galement que la classe est par ailleurs entraĂźnĂ©e Ă  des activitĂ©s rĂ©guliĂšres de jeu dramatique avec les textes littĂ©raires instantanĂ©s théùtraux Maman s’en va, j’entends mal ce que dit maman
 maman comme une grande fourmi dans le temps » peut faire entendre un À l’ñge que t’as ! » dit par une mĂšre qui est trop prise par ses occupations domestiques entre les deux parties de ce fragment ; ce qui oblige le joueur Ă  se dĂ©doubler et Ă  remplir » la suspension qui sĂ©pare ce court fragment. Qui c’est qu’a peur des libellules ? / Petites filles princesses dragons » l’adresse demande d’interpeller fortement le public, de lui dĂ©crire en deux temps trois mouvements des mĂ©tamorphoses subites petites filles=>princesses=>dragons
 La nicole. Le seul insecte Ă  qui presque on donnait de l’affection. La voilĂ  montĂ©e au bout de ton doigt, du cĂŽtĂ© qu’elle s’envolera tu te marieras ! » finir sur une comptine en ayant jouĂ© des doigts auparavant facile et difficile car il faut se retenir et faire tenir toute la diction sur un doigt
 L’enseignant peut aussi faire jouer toute la classe dans une course Ă  la liste des insectes diction articulĂ©e mais rapide, diction sans compĂ©tition mais pour que chaque voix fasse entendre sa propre polyphonie diction qui prend bien entendu place dans l’anthologie sonore de chacun. *** L’écriture documentaire avec ce livre de poĂšmes semblerait couler de source puisque le poĂšme parle d’insectes » fragment 13 et qu’il Ă©voque les soixante-dix illustrations en noir et une planche en couleurs pour les seuls papillons » dans le dictionnaire Larousse de mille neuf cent soixante-trois » dessine la planche des anacoluptĂšres de James SacrĂ© en utilisant comme lĂ©gendes des citations de cet ouvrage » ! Mais ne pourrait-on pas le faire parler d’autre chose
 et par exemple de poĂšmes rĂ©alise une anthologie des passages de ce livre qui parle de poĂ©sie » ou bien encore de souvenirs confectionne un album des souvenirs du narrateur de AnacoluptĂšres un peu comme un album photos de famille »  Plus qu’en cycle 2, les Ă©lĂšves vont maintenant chercher Ă  mieux coudre » les Ă©lĂ©ments de leur documentaire. De deux points de vue soit en proposant un court texte de prĂ©sentation des Ă©lĂ©ments regroupĂ©s chapeau d’introduction ou quatriĂšme de couverture du livret, soit en liant les Ă©lĂ©ments du documentaire avec des titres qui s’enchaĂźnent voire se rĂ©pondent, ces titres pouvant mĂȘme ouvrir Ă  de courts textes de liaison qui montrent une progression, un ordre de prĂ©sentation. Exemple de rĂ©alisation d’un petit livret anthologique commentĂ© des illustrations peuvent l’accompagner, en l’occurrence, collage de photocopies de dictionnaires divers couverture Nom et prĂ©nom de l’élĂšve-auteur pseudonyme possible Les poĂšmes du poĂšme de James SacrĂ© Éditions de l’école X p. 1 Le poĂšme rassemble Il collectionne une tellement courte collection » Il arrange que ça fasse un parterre de ces mots un poĂšme » Il ordonne tout un dictionnaire vivant » p. 2 Le poĂšme accueille Il s’ouvre au monde ramener du printemps dans les mots d’un poĂšme » Il s’ouvre aux mots c’est plus que des mots » p. 3 Le poĂšme se cache Dans le corps des poĂšmes comme des fourmis dans les jambes » Dans le langage tu joues Ă  transformer la bestiole et ton poĂšme en je » p. 4 Le poĂšme surprend On ne sait pas exactement oĂč il est une ruse pour surprendre en l’arrangement de ses propres mots ce qui le fait poĂšme, ou si vraiment c’est pour ĂȘtre mais comment ? avec la nicole qui voulait pas s’envoler de nos doigts d’enfants, ou le barbot lent que maman balayait vivement de la chambre humide sans surtout l’écraser ? » quatriĂšme de couverture Dans son livre AnacoluptĂšres, le poĂšte James SacrĂ© parle de la poĂ©sie. Il va chercher les poĂšmes dans les petites bĂȘtes. Il a parfois envie de les Ă©craser mais il les laisse vivantes. Pour lui, les poĂšmes sont comme des insectes bien vivants. Alors, dĂ©couvrez la poĂ©sie comme on dĂ©couvre le monde des insectes. *** Les insectes n’ont pas vraiment la parole dans ce livre de poĂšmes. Donnons-la leur ! Il s’agit de rĂ©pondre au narrateur ou bien encore de les faire dialoguer entre eux Ă  propos de cet ouvrage, de ce poĂšme voire d’un fragment seulement. Le choix peut rester libre ou bien un projet peut aider chacun Ă  progresser. Exemples de consignes Le carabe dorĂ© ou le criocĂšre prend la parole afin de commencer par une ou plusieurs reformulations Ă  la premiĂšre personne du texte descriptif du narrateur ; La nĂšpe, la punaise et le termite du Larousse de 1963 Ă©changent leurs impressions on peut lire des Larousse ultĂ©rieurs sur les articles qui leur sont consacrĂ©s et sur ce qu’en dit le poĂšme ; L’araignĂ©e du fragment 17 rĂ©pond au narrateur qui avait une familiaritĂ© mĂ©chante et joueuse avec ce qui Ă©tait dĂ©clarĂ© mauvais » et qui tuait occasionnellement un insecte »  Les insectes Ă©pinglĂ©s dans l’espĂšce de tiroir 
 selon l’ordre » que lui a montrĂ© un livre sur les insectes, discutent entre eux du collectionneur d’insectes devenu poĂšte
 Nous proposons deux sĂ©quences avec des Ɠuvres pour le cycle 2, l’une avec une Ɠuvre classique et l’autre avec une Ɠuvre contemporaine ; paradoxalement la seconde est certainement plus facile que la premiĂšre car le texte est moins important et donc elle devrait prendre place avant la premiĂšre prĂ©sentĂ©e ici dans le cursus de l’élĂšve. Mais tout est relatif dans de telles progressions, car il est tout Ă  fait envisageable de reprendre une Ɠuvre et c’est ce que nous proposerions concernant celle de Desnos qui est un incontournable dans un programme » poĂ©tique Ă  l’école et au collĂšge. Nous la verrions bien abordĂ©e au cycle 2 puis reprise en dĂ©but de collĂšge ! Avec Robert Desnos Chantefables et Chantefleurs C’est l’annĂ©e de son arrestation que Robert Desnos 1900-1945, en 1944 donc, porte Ă  Michel GrĂŒnd un manuscrit de trente Chantefables Ă  chanter sur n’importe quel air que RenĂ© Poirier publia dans sa collection Pour les enfants sages » avec des illustrations d’Olga Kowalewsky. Ce n’est qu’en 1952 que ces poĂšmes furent Ă©ditĂ©s accompagnĂ©s des Chantefleurs dans une Ă©dition illustrĂ©e par Christiane Laran Ă  la Librairie GrĂŒnd, et il fallut attendre 1955 pour que paraisse une Ă©dition dĂ©finitive comprenant 80 poĂšmes qui, depuis lors, eurent le succĂšs que l’on sait auprĂšs des enfants des Ă©coles. Mais Desnos lui-mĂȘme notait, non sans modestie, dans son journal de fĂ©vrier 1944 que ces Chantefables seraient la part la plus durable de son Ɠuvre, ce qui n’est pas sans tĂ©moigner d’un grand respect et d’une grande confiance pour ses jeunes lecteurs. De l’alligator au zĂšbre et de l’angĂ©lique Ă  la violette, ce bestiaire doublĂ© d’un livre des fleurs rassemble ce que certains appellent des comptines » Par exemple, Marie-Claire Dumas, Ă©ditrice des ƒuvres 1999 qui s’achĂšvent sur ce recueil. On observera d’ailleurs d’une Ă©dition Ă  l’autre d’infimes diffĂ©rences ponctuation, majuscules
 ; ce qui pourrait engager les Ă©lĂšves dans des lectures attentives d’une Ă©dition Ă  l’autre pour tenter de donner valeur Ă  ces diffĂ©rences. *** Autour de sĂ©ances qui s’ouvrent toujours avec des lectures Ă  voix haute de nombreux poĂšmes – chaque sĂ©ance pouvant recommencer par des rappels des poĂšmes antĂ©rieurs celui que vous voulez qu’on relise »  – la sĂ©quence commence par la rĂ©alisation de listes. Si tout est possible car l’objectif premier consiste Ă  ce que les Ă©lĂšves se fraient chacun un chemin lexical » et donc une mĂ©moire lexicale dans l’Ɠuvre, il semble fort judicieux de partir avec des listes de rimes. Syllabes, mots, syntagmes ? On doit surtout laisser les Ă©lĂšves dĂ©cider par eux-mĂȘmes des unitĂ©s Ă  convoquer dans leur recherche – cela fera d’ailleurs l’objet de discussions aprĂšs comparaisons
 Consignes 1. cherche au moins trois sĂ©ries de rimes ; 2. ordonne ces sĂ©ries dans l’ordre de tes prĂ©fĂ©rences. ModalitĂ©s travail individuel d’abord avec, selon le niveau, coloriage au crayon puis notations sur le cahier ou notations directes ; puis Ă©changes en petits groupes avec Ă©change collectif dirigĂ© pour faire Ă©merger quelques trouvailles et questionnements ; enfin, chacun retient une ou deux remarques qu’il fait siennes sur son cahier. L’intĂ©rĂȘt est double la dĂ©finition de la rime est Ă  construire et doit absolument rester ouverte, discutĂ©e et discutable – de ce point de vue, les notations des Ă©lĂšves sont d’une importance cruciale dĂ©coupage, mise en rapport
 et il sera important de les faire expliciter dans la mesure du possible en respectant les trouvailles et mĂȘme les incohĂ©rences voire les erreurs Ă©ventuelles ; Ă©tant donnĂ© l’importance des rimes dans ces poĂšmes, leur manipulation par les Ă©lĂšves permettront de nombreuses remarques et surtout les points d’appui essentiels pour la mĂ©morisation non pas pour tout retenir mais pour pouvoir aisĂ©ment survoler le corpus de poĂšmes et surtout s’imprĂ©gner de la culture prosodique de Desnos. *** Deux activitĂ©s parallĂšles peuvent alors s’engager, l’enseignant se chargeant principalement d’aider, ne serait-ce que par une Ă©coute active, la seconde activitĂ© qui demande une bonne organisation spatiale la rĂ©alisation d’une courte anthologie personnelle et de petites mises en voix ou en scĂšne de deux ou trois poĂšmes Ă  deux ou trois enfants. Consignes 1. Choisis quatre poĂšmes de Robert Desnos, prĂ©sente-les dans un petit livret que tu illustreras. 2. À deux ou trois, choisissez deux ou trois poĂšmes de Robert Desnos que vous allez prĂ©senter Ă  toute la classe. Les consignes sont volontairement trĂšs ouvertes car l’objectif est une appropriation la plus personnelle possible de l’Ɠuvre et l’écoute des trouvailles des autres pour penser sa propre lecture, la rejouer diffĂ©remment en l’incorporant par l’écrit et par l’oral, en observant les rĂ©alisations des autres lecteurs. Quelques prĂ©cisions cependant pour mieux orienter ces activitĂ©s sont nĂ©cessaires. *** Concernant l’anthologie, il s’agit de rĂ©aliser de petits livrets une feuille A4 pliĂ©e en 4 est largement suffisante venant s’ajouter Ă  une collection rĂ©guliĂšrement rĂ©alisĂ©e par chaque Ă©lĂšve autant de petits carnets de lecture, si l’on veut. La perspective anthologique est bien Ă©videmment importante s’agissant de l’Ɠuvre d’un auteur classique. Chaque Ă©lĂšve obtiendra ainsi son Desnos ! Nous nous situons dans la tradition du cahier de poĂ©sie recopier un poĂšme d’un auteur ; en l’occurrence quatre ! Si la quantitĂ© paraĂźt trop Ă©levĂ©e pour certains Ă©lĂšves, ils peuvent se contenter de recopier quelques vers les prĂ©fĂ©rĂ©s des quatre poĂšmes choisis. On aperçoit que le premier objectif est celui du choix la sĂ©lection des poĂšmes prĂ©fĂ©rĂ©s dans le corpus des 80 poĂšmes des Chantefables et Chantefleurs l’enseignant peut avoir rĂ©duit le corpus aux 60 voire seulement aux fables ou aux fleurs
 mais la quantitĂ© ne doit pas ĂȘtre nĂ©gligeable sous peine de retirer Ă  toutes les activitĂ©s leur intĂ©rĂȘt quelle que soit l’autonomie des Ă©lĂšves dans les performances de lecture ; en effet, la lecture des titres peut suffire
 puis l’appropriation par le recopiage de certains de ces poĂšmes voire de fragments, c’est-Ă -dire leur passage par la main du lecteur. Cette activitĂ© prend tout son sens et ne reste pas un simple exercice de recopiage si l’ensemble forme un rĂ©el petit livret dont l’élĂšve est rendu entiĂšrement responsable. C’est pourquoi, il a en charge l’ordre de prĂ©sentation des poĂšmes. Plusieurs possibilitĂ©s s’offrent Ă  lui ordre fidĂšle Ă  celui de Desnos ; ordre alphabĂ©tique des titres ; ordre thĂ©matique deux animaux, deux fleurs ; seulement des oiseaux
 ; ordre rhĂ©torique ou mĂ©trique poĂšmes Ă  rimes semblables ; poĂšmes qui posent des questions ; poĂšmes de huit syllabes
. Ordre choisi voire construit que l’élĂšve explicitera dans un petit sommaire en fin de livret auquel il donnera un titre personnel et qu’il signera comme auteur en page de titre bien entendu ; si la classe est habituĂ©e Ă  cette activitĂ© de rĂ©alisation de livret, on peut envisager une quatriĂšme de couverture avec un court texte de prĂ©sentation visant le lecteur potentiel et cherchant Ă  le captiver
 Un tel livret ne peut se passer d’un accompagnement illustratif plusieurs solutions s’offrent alors aux Ă©lĂšves que l’enseignant rendra ou non obligatoires en fonction des expĂ©riences antĂ©rieures. Prioritairement dans le cadre de cette activitĂ©, il s’agit de signaler que la littĂ©rature est un mode de dĂ©couverte du monde. Aussi, l’accompagnement illustratif pourra-t-il tout simplement bĂȘtement ! prendre la caractĂšre d’une illustration de type sciences naturelles » en empruntant aux ouvrages adĂ©quat dictionnaires, manuels
 et effectuer des collages ou des dĂ©calques de ce type d’illustrations. L’intĂ©rĂȘt didactique est double puisque les Ă©lĂšves croiseront des lectures lecture du poĂšme et du texte dĂ©finitionnel ou scientifique » concernant, par exemple le ZĂšbre ou le Souci et devront Ă©galement confronter manuellement, pourrions-nous dire, texte et image et donc organiser la confrontation sur chaque page de leur livret soit en conservant un mode de confrontation, soit en le variant et l’adaptant Ă  chaque cas
 Toute cette expĂ©rience n’a pas pour objectif de rĂ©aliser des chef-d’Ɠuvres. Toutefois, au bout d’un certain nombre d’expĂ©riences du mĂȘme type, le niveau d’exigence puisse bien sĂ»r s’accroĂźtre, mais nous proposerions plutĂŽt d’atteindre de tels objectifs en cycle 3 et au collĂšge. Cette expĂ©rience a d’abord pour objectif de faire expĂ©rimenter un mode de réénonciation de l’Ɠuvre littĂ©raire dans un temps limitĂ© mais suffisant pour que l’élĂšve s’approprie trĂšs concrĂštement des fragments de l’Ɠuvre et surtout pour qu’il commente, Ă©change, confronte avec ses camarades les conditions hypothĂšses, trouvailles, Ă©vocations diverses
 de cette lecture en actes. Ces Ă©changes doivent cependant rester assez libres et c’est Ă  l’enseignant, si nĂ©cessaire, de les susciter, de les soutenir, de les valoriser sans jamais vouloir obtenir des savoirs qui viendraient confirmer ou infirmer l’expĂ©rience des Ă©lĂšves, laquelle doit toujours rester ouverte Ă  condition qu’elle soit constamment confrontĂ©e Ă  l’Ɠuvre elle-mĂȘme. Aussi, la rĂ©ussite d’une telle activitĂ© est-elle mesurable au degrĂ© d’engagement de chacun plus qu’à la qualitĂ© matĂ©rielle de la rĂ©alisation finale mĂȘme si celle-ci tĂ©moignera forcĂ©ment d’un engagement ; toutefois beaucoup d’élĂšves de cycle 2, voire de cycle 3, n’ont pas la dextĂ©ritĂ© manuelle habiletĂ© graphique
 nĂ©cessaire Ă  une rĂ©alisation magistrale ! Mais ils ont tous la possibilitĂ© de montrer qu’ils peuvent rendre compte de leur lecture par un petit objet » dans lequel ils ont investi beaucoup d’eux, de leur lecture qui a valeur dorĂ©navant tant pour l’enseignant que pour eux-mĂȘmes
 *** Le jeu dramatique proposĂ© avec les poĂšmes de Desnos doit lui aussi rester modeste tout en engageant fortement chaque Ă©lĂšve. S’il vise certes Ă  rĂ©citer les poĂšmes choisis librement par les enfants en petits groupes, chacun en apprenant quasiment par cƓur un, il vise Ă©galement Ă  augmenter l’écoute des poĂšmes dans la bouche des autres car on ne peut se contenter dans cette activitĂ© d’un passage de trois Ă©lĂšves devant la classe rĂ©citant chacun son tour trois poĂšmes. En effet, la consigne demande de prĂ©senter ensemble et donc de savoir ce que les deux Ă©lĂšves ne rĂ©citant pas vont faire pendant qu’un Ă©lĂšve rĂ©cite
 sans que pour autant ils soient obligĂ©s de le rĂ©citer en silence !!! c’est-Ă -dire de mimer chaque mot comme si le sens devait se voir dans une explicitation qui rend tout le monde idiot
 Pas facile ! et pourtant pas si compliquĂ© si nous prenons quelques exemples. Un Ă©lĂšve sur les trois pourrait, comme dans le théùtre de Bertolt Brecht – voir l’article sur l’OpĂ©ra de Quat’sous dans –, utiliser une petite pancarte une feuille A4 bien tenue pour commencer
 pour indiquer le titre du poĂšme ou le refrain ou encore une image
 pendant que le second jouerait un geste, une mimique voire montrerait un objet
 Exemple La Sauterelle ». Pancarte Saute, saute, sauterelle ». Mimique l’élĂšve assis derriĂšre une table couchĂ© au sol
 fait mine de suivre une sauterelle qui traverse la table, la scĂšne
 en le faisant discrĂštement pour seulement appuyer la diction de son camarade qui rĂ©cite ou lit le poĂšme. En conservant le mĂȘme dispositif, une variante consiste Ă  faire participer vocalement les deux Ă©lĂšves accompagnateurs pour les refrains quand il y en a, y compris avec les variantes comme dans L’Églantine, l’AubĂ©pine et la Glycine » vers 2, Rouge, rouge, rouge et blanc. » puis vers 6, Bouge, bouge, bouge et vlan ! » et enfin vers 9, Et vlan, vlan, vlan ! » ; idem pour La Girafe » avec sans variante le refrain des vers 2 et 4 des quatre quatrains Vent du sud et vent de l’est » puis Vent du nord et vent de l’ouest ». Mais les Ă©lĂšves sauront trouver d’eux-mĂȘmes des petits dispositifs simples et efficaces comme, par exemple pour La Fleur de Pommier », la pancarte indiquant Joli rossignol et fleur de pommier » et l’élĂšve-acteur faisant tomber quelques petits flocons de coton devant la pancarte pour Ă©voquer les fleurs de pommier qui font de la neige » en plein mois de Juillet »  Ainsi on gagnerait certainement des dictions plus lentes ou plus rapides si nĂ©cessaire mais moins scolaires » puisque les trois acteurs » doivent se coordonner, s’écouter et au fond faire passer le poĂšme, devenir des passeurs de poĂšmes. Il va de soi que le dispositif n’a d’intĂ©rĂȘt que si les Ă©lĂšves changent de rĂŽle Ă  chaque poĂšme, que si les expĂ©riences sont partagĂ©es avec toujours beaucoup de bienveillance dans des moments et des lieux adaptĂ©s pour que l’écoute et les Ă©changes qui s’en suivent atteignent leur objectif partager un moment poĂ©tique oĂč beaucoup de poĂšmes vont s’échanger de vives voix. ConcrĂštement, pour que tous les Ă©lĂšves passent, cela demande certainement plusieurs sĂ©ances soit deux moments forts ou plusieurs petits qui vont ponctuer d’autres activitĂ©s. *** Cette sĂ©quence ne peut s’achever sans que les Ă©lĂšves soient sollicitĂ©s pour prendre la parole, plutĂŽt sans donner la parole Ă  ceux qui ne l’ont pas eue dans les poĂšmes de Desnos ou dont la voix ne s’entend pas – ce qui est une maniĂšre de prendre la parole en la donnant, de ne plus confondre le je » et le moi », de prĂ©server Ă©galement ce qui dans le cadre collectif de la classe ne peut se dire sans quelques risques. Ce don de parole est aussi une maniĂšre de vivre ensemble en prĂ©servant l’intĂ©gritĂ© de chacun. La consigne est simple mais demande effectivement que les Ă©lĂšves s’habituent Ă  ce genre d’activitĂ©s Donne la parole Ă  un personnage qui ne l’a pas dans un poĂšme de Robert Desnos ». Prenons quelques exemples et montrons quelques rĂ©alisations qui vont du plagiat Ă  l’invention folle »  Nous suivons les poĂšmes dans l’ordre de l’édition GrĂŒnd et nous proposons des rĂ©alisations dont l’orthographe a Ă©tĂ© revue. La Rose » parle Ah ! il m’a cueilli. Eh bien, je vais l’endormir »; Je suis rose ou blanche ou d’or / Je suis en branche pas encore Ă©close » ; Rose, il dit rose, mais je suis blanche ! » 
 Le GlaĂŻeul », c’est le fils du PĂšre GlaĂŻeul » qui parle Je suis au Cap, je suis Ă  Gand, / Je suis Ă  Nice et Ă  Tunis, / Et je suis Ă  Senlis. / Je suis perroquet dans une oasis » ; Comment mon pĂšre GlaĂŻeul sait-il oĂč je suis ? Si encore c’était mon aĂŻeul qui est au pĂŽle Nord, je lui dirais d’aller au pĂŽle Sud Ă  mon pĂšre GlaĂŻeul ! C’est pas tout, j’ai froid gla-gla ! » La Pivoine », c’est la marchande qui parle Pivoine, pivoine, / Qui veut mes belles pivoines ? » ; ou c’est la pivoine qui dit Je ne veux pas aller sur l’eau avec ces matelots / ils vont me laisser faner pour les beaux yeux de la marchande. » L’Alligator » pense tout en parlant au nĂ©grillon », Bonjour, mon garçon » Un tendre nĂ©grillon, ce serait bon pour mon rĂ©veillon » ; et Ă  la fin, il pense RatĂ© pour aujourd’hui mais demain, mon petit, je t’offrirai un bonbon et tu feras mon rĂ©veillon. » Etc. PlutĂŽt que de faire Ă©crire des poĂšmes » aux Ă©lĂšves, il est prĂ©fĂ©rable de les faire Ă©crire avec les poĂšmes et d’engager un mode d’expression qui permette Ă  chacun de se prĂ©server tout en ayant toute sa libertĂ© d’écriture. Aussi, cette consigne permet d’une part de choisir le poĂšme, de choisir le mode d’écriture en ligne, en prose, avec ou sans rimes, en reprenant tout ou partie du texte de Desnos, en ignorant complĂštement le poĂšme
 pour rĂ©pondre au poĂšme d’une maniĂšre personnelle tout en prĂ©servant son quant-Ă -soi puisque l’élĂšve peut toujours dire que ce n’est pas lui qui parle, s’exprime, rĂ©pond
 Ă©tant entendu qu’il est le scribe de ce personnage qui prend la parole Ă  partir du poĂšme. Comme pour les autres activitĂ©s, le rĂ©sultat n’est pas toujours Ă  la hauteur de ce qu’on espĂ©rerait mais l’essentiel est cette reprise par l’élĂšve d’un fragment de l’Ɠuvre. Reprise qui est en l’occurrence une réénonciation, une appropriation. *** Ces quatre activitĂ©s conduites constituent un petit ensemble qui permet aux Ă©lĂšves de parcourir l’Ɠuvre, de se l’approprier d’une maniĂšre personnelle tout en ne cessant d’échanger avec les autres. Chaque Ă©lĂšve a ainsi la possibilitĂ© de choisir les modes de son engagement avec l’Ɠuvre attente, observation, reprise, engouement
 sans jugement de valeur et surtout sans ennui. En effet, l’enseignant veille Ă  ce que chacun s’engage au moins dans deux ou trois des quatre activitĂ©s et surtout il veille Ă  ne pas surcharger ses Ă©lĂšves d’explications, de consignes et d’exercices qui souvent dĂ©goĂ»tent mĂȘme les meilleurs. Ici les activitĂ©s constituent d’abord des reprises assez libres des poĂšmes que l’enseignant est toujours le premier Ă  proposer Ă  ses Ă©lĂšves dans des moments de lecture magistrale. Sans que cela soit une obligation on peut conclure par un petit dĂ©bat collectif ou par un moment conclusif. Par exemple, en demandant aux Ă©lĂšves d’échanger sur ce qui les a fait le plus rire ou ce qui les a le plus intriguĂ©s dans tous ces poĂšmes. Discussion permettant de remĂ©morer les poĂšmes mais aussi de pointer la force humoristique, joueuse de Desnos sans qu’à aucun moment un consensus ne soit Ă  imposer Ă  chaque Ă©lĂšve qui peut prĂ©server son jardin secret, son Desnos Ă  lui
 D’ailleurs, ce moment conclusif peut consister Ă  garder pour soi dans son carnet de lecture ce qu’on aimerait garder de Desnos aprĂšs tout ce travail
 Mon dernier lilas bien qui lilas le dernier », Ă©crivait Desnos dans le Lilas » ! Avec En toutes circonstances d’Albane GellĂ© Ce livre de poĂšmes poursuit la tradition forte d’un Robert Desnos. Le refrain n’est pas sans faire penser Ă  sa fourmi de dix-huit mĂštres Au 10, de la rue de l’espoir, assise sur le trottoir
 une fourmi mĂȘme pas noire agitait l’un de ses 937 mouchoirs. [
] » Donc comme s’il y avait six refrains mais avec des variations et comme une progression puisque le dernier commence par un dĂ©cidĂ©ment » et propose un retour Ă  la case dĂ©part puis retourna s’asseoir sur le trottoir » ! Six refrains ponctuĂ©s de 5 couplets » comprenant chacun 6 puis 5, 5, 5 et enfin 6 sĂ©quences trĂšs courtes toutes aussi insolites afin de dessiner un univers du rĂȘve ? du jeu ? de l’énumĂ©ration ? et surtout du plaisir de dire, de la volubilitĂ© de raconter, rĂ©citer, imaginer, jouer, plus qu’avec les mots, avec tout le langage. *** On pourrait rapidement lister les consignes que nous ne commenterons pas aussi longuement que pour Desnos Liste lexicale 1. Lister au moins cinq personnages du livre ; 2. Les classer dans l’ordre de prĂ©fĂ©rence et donner un titre Ă  la liste ». Il s’agit bien de permettre Ă  chaque Ă©lĂšve de poser ses marques pour assurer les lectures ultĂ©rieures ; ces marques les plus diverses dont la dimension subjective ou plus certainement dont la connaissance dĂ©jĂ  assurĂ©e monde connu » ou univers d’expĂ©rience proche » mais aussi dont les possibles surprises et plaisirs attirent, constituent autant de parcours personnels de lecture que les Ă©changes vont faire se croiser et forcĂ©ment s’ouvrir les uns aux autres. Jeu dramatique 1. Choisir un couplet du livre et le jouer seul ou Ă  plusieurs ; 2. Apprendre par cƓur un ou deux refrains puis progressivement improviser des histoires de fourmi noire ». Il s’agit de jouer la jubilation rĂ©citative du poĂšme se raconter des histoires Ă  dormir debout mais aussi faire tenir des histoires courtes sur leur force rĂ©citative, leur prosodie de comptine, leur entrain ludique dans et par le langage. Les ratĂ©s sont forcĂ©ment de la partie et chaque partie est toujours Ă  remettre. Documentaire Faire un bestiaire Ă  partir du livre En toutes circonstances de quatre Ă  huit pages avec des illustrations adĂ©quates ». Les Ă©lĂšves ne manqueront pas de profiter des propositions de Alain Bahuaud, l’illustrateur des poĂšmes d’Albane GellĂ©, qui utilise les techniques du collage. Les bĂȘtes » du bestiaire peuvent au demeurant s’humaniser ou se chosifier au grĂ© des trouvailles plastiques et verbales
 La parole vive Deux personnages de deux couplets diffĂ©rents de En toutes circonstances dialoguent ». La notion de personnage est ici Ă  prendre dans sa plus grande extension. Exemples de dialogues possibles entre les chanteurs de rock » et la vieille dame » ou entre le cheval en colĂšre » et le placard ouvert »  *** Ces quatre activitĂ©s ne cherchent pas Ă  faire le tour de tous les dĂ©tails circonstances » ! du poĂšme mais Ă  lancer le mouvement qui l’anime celui d’une ritournelle qui met tous les sens au diapason d’une jubilation enfantine des plus Ă©couteuses comme le montre dĂšs le dĂ©but la premiĂšre sĂ©quence du premier couplet si le ciel est un peu en dĂ©sordre c’est pour faire joli ? La question qui ressemble Ă  toutes celles des enfants combien d’étoiles y a-t-il dans le ciel ? » reste nĂ©anmoins prudente un peu » vient renforcer la proposition hypothĂ©tique tout en proposant sur le mode interrogatif une rĂ©ponse pour faire joli » qui empĂȘche toute instrumentalisation du jeu enfantin. Ce que confirmerait une autre sĂ©quence prise au troisiĂšme couplet trĂšs trĂšs loin les Ă©toiles se demandent si c’est possible une seule fois de redescendre pas pour longtemps Ces parenthĂšses commentatives mettent beaucoup d’humour et de prudence dans le jeu enfantin qui est toujours la tentative de refaire le monde sans le dĂ©truire, bref de le faire jouer un peu, beaucoup, passionnĂ©ment
 *** On peut facilement parier qu’à l’issue de ces activitĂ©s, beaucoup d’élĂšves auront mĂ©morisĂ© nombre de passages du livre. Ce petit livre d’Albane GellĂ© les aura mis au cƓur d’une parole libre, assez jubilatoire mais Ă©galement pleine d’interrogations naĂŻves ou abyssales mais toujours joueuses et, en fin de compte, rieuse pour ne pas dire rimeuse »  C’est qu’au cycle 2, on poursuit tout ce que le cycle 1 a engagĂ© l’attention au langage dans toutes ses composantes puisque la dimension prosodique voire pragmatique des textes n’y est jamais oubliĂ©e car, Ă  n’importe quel Ăąge mais particuliĂšrement Ă  l’ñge oĂč l’on apprend Ă  lire, la parole, qu’elle soit Ă©crite ou orale, est Ă  la hauteur d’un acte qui transforme le monde, change le locuteur et emporte l’auditeur. Pas de sĂ©quences poĂ©sie » sans livres de poĂšmes ! Ce premier impĂ©ratif demande quelques remarques. Si les livres sont chers, ils restent indispensables ne serait-ce qu’un livre dans les mains de l’enseignant et les poĂšmes ne sont plus les mĂȘmes ! Ils viennent du livre autant sinon plus que de la bouche du professeur ! Ces livres sont constamment Ă  la disposition des Ă©lĂšves tout simplement parce que c’est l’Ɠuvre qu’il s’agit de transmettre et non telle ou telle notion, tel ou tel savoir . Aussi on abandonnera dĂ©finitivement les mauvaises habitudes qui parfois cachaient aux Ă©lĂšves tout ou partie de l’Ɠuvre et du livre sous des prĂ©textes fallacieux divers ; celui de l’anticipation Ă©tant le plus curieux puisqu’au prĂ©texte de travailler cette facultĂ© on interdisait aux Ă©lĂšves de dĂ©couvrir l’Ɠuvre en les privant de celle-ci
 alors que la facultĂ© anticipatrice n’a qu’à ĂȘtre exercĂ©e et si elle doit ĂȘtre rĂ©flĂ©chie, elle peut l’ĂȘtre toujours a posteriori et non a priori allez donc au cinĂ©ma et coupez le film au bon moment, vous verrez que les spectateurs demanderont le remboursement du ticket d’entrĂ©e ! Ces mĂȘmes spectateurs n’ont pas besoin qu’on coupe le film pour exercer leur facultĂ© d’anticipation ! Tout lecteur sait bien qu’elle est en Ă©veil constant ; ce qui n’empĂȘche pas que des activitĂ©s visant Ă  observer l’activitĂ© d’anticipation, Ă  augmenter sa puissance ne soient organisĂ©es dans la classe, mais jamais elles ne doivent l’ĂȘtre au dĂ©triment de la dĂ©couverte d’une Ɠuvre littĂ©raire et encore moins poĂ©tique ! C’est pourquoi, toutes ces sĂ©quences visent Ă  faire connaĂźtre le plus rapidement possible l’intĂ©gralitĂ© de l’Ɠuvre ; la premiĂšre condition Ă©tant que le livre soit toujours accessible pour tous et chacun. Le mieux Ă©tant certainement que chacun en dispose mais les conditions matĂ©rielles de l’enseignement ne le permettant pas toujours, l’enseignant saura le mettre Ă  disposition de chacun par divers moyens un livre par groupe d’élĂšves, un livre par Ă©lĂšve pour un groupe qui rĂ©alise une activitĂ© avec l’Ɠuvre pendant que les autres font autre chose dans un autre domaine et quoiqu’il en soit le livre prĂ©sent dans la classe, bien visible et lisible Ă  tous moments en classe. Le lecteur de ces billets ne manquera pas de lire l’ensemble de ces sĂ©quences indĂ©pendamment du niveau dont il est chargĂ© car nous dĂ©veloppons des points particuliers dans chaque sĂ©quence et inversement nous passons plus rapidement sur des aspects dĂ©jĂ  traitĂ©s dans des sĂ©quences antĂ©rieures. Tout particuliĂšrement, le lecteur lira la premiĂšre sĂ©quence puisqu’elle permet de donner concrĂštement le cadre gĂ©nĂ©ral de la conception de ces sĂ©quences. Ajoutons qu’un enseignant peut fort bien selon les circonstances se nourrir des maniĂšres de faire qui font les lectures et la programmation de sa classe Ă  un autre niveau que celui de ses Ă©lĂšves
 Nous proposons ci-dessous une programmation d’Ɠuvres pour l’école et le collĂšge avec des variantes possibles. À raison de deux ou trois Ɠuvres par an, un Ă©lĂšve aurait en fin de cycle un corpus de 7 Ɠuvres poĂ©tiques intĂ©grales, puis en fin d’école primaire, au moins 14 Ɠuvres et en fin de scolaritĂ© obligatoire, environ 24 Ɠuvres, ce qui est loin d’ĂȘtre nĂ©gligeable ! RĂȘvons Ă  cette bibliothĂšque de 24 Ɠuvres poĂ©tiques qui constituerait le socle commun d’un enseignement avec les poĂšmes ! Cette programmation peut paraĂźtre assez arbitraire mais elle rĂ©pond toutefois aux critĂšres suivants Ă©quilibrer les Ɠuvres pour que la poĂ©sie reste en tension voir toute la premiĂšre partie de cet ouvrage, varier les voix pour que la pluralitĂ© appelle chacun Ă  entendre sa propre diversitĂ© et donner Ă  entendre la force du langage avec des Ɠuvres qui engagent tout ce qu’on a de meilleur et de fort. Les rĂ©fĂ©rences prĂ©cises des ouvrages sont donnĂ©es en bibliographie sur cette page Cycle 2 GS CP CE1 ƒuvres Luce Guilbaud, Qui, que, quoi ? Albane GellĂ©, En toutes circonstances Robert Desnos, Chantefables et Chantefleurs EugĂšne Guillevic, Échos, disait-il Victor Hugo, Chansons pour faire danser en rond les petits enfants et autres poĂšmes Jean-Marie Henry, Le Tireur de langue Jean-Damien ChĂ©nĂ©, J’ai un chut ! dans la gorge Cycle 3 CE2 CM1 CM2 Le ClĂ©zio, Sirandanes Jean-Pascal Dubost, C’est corbeau Pierre Marchand et Vincent Besnier, La mer en poĂ©sie Lucien Suel, Visions d’un jardin ordinaire Jacques Roubaud, Les Animaux de tout le monde James SacrĂ©, AnacoluptĂšres Jean-Marie Henry, Tour de terre en poĂ©sie CollĂšge 6e 5e 4e 3e Jeanne Gatard, La Grande gigue Jean-François Bory, Le Cagibi de MM. Fust et Gutenberg Antoine Emaz, De l’air Jean Tardieu, L’Accent grave et l’accent aigu Daniel Biga, La Chasse au haĂŻku Blaise Cendrars, Feuilles de route Jean de La Fontaine, Les Fables, Livre 1 ValĂ©rie Rouzeau, Pas revoir Henri Meschonnic, Les cinq rouleaux Jacques PrĂ©vert, Histoires Quelques remarques complĂ©mentaires afin de mieux comprendre une telle programmation dont on peut s’inspirer pour en Ă©tablir d’autres, la renouveler partiellement, la complĂ©ter avec d’autres lectures
 Si on ne peut parler de lecture de livres de poĂšmes en cycle 1, il va de soi que la lecture de poĂšmes y est par contre tout Ă  fait nĂ©cessaire et utile. Aussi nous incluons dans notre programmation deux ouvrages destinĂ©s Ă  la grande section dont on connaĂźt le statut Ă  cheval » sur les deux cycles. L’ouvrage de Luce Guilbaud est explicite par son titre et montre comment les poĂšmes font autant mouvement avec les questions qu’avec les rĂ©ponses ici les rĂ©ponses sont dans le mouvement de la devinette dont on sait que l’intĂ©rĂȘt rĂ©side autant sinon plus dans le jeu de l’interlocution que dans la rĂ©ponse finale. L’illustration et la mise en page avec un jeu de cache entrent pleinement dans l’activitĂ© des poĂšmes-devinettes qui font patienter, rĂȘver, jouer. Le livre d’EugĂšne Guillevic continue cette pratique interlocutive doublement. Paroles rapportĂ©es, ces poĂšmes constituent Ă©galement autant d’échos Ă  ce qui n’a pas de source prĂ©cise mais qui permet une recherche infinie de l’altĂ©ritĂ© et surtout un jeu de la relation. Comme pour le livre prĂ©cĂ©dent, l’accompagnement illustratif est indispensable et poursuit la chaĂźne des Ă©chos. L’ouvrage qui ouvre l’école Ă©lĂ©mentaire Ă  la lecture intĂ©grale d’un livre de poĂšmes est pris Ă  une collection particuliĂšrement fĂ©conde, Le farfadet bleu », dont les livres constituent Ă  la fois de vrais livres de poĂšmes plus que de simples recueils d’autant plus que les accompagnements graphiques participent chaque fois singuliĂšrement au projet. Si certains ouvrages peuvent convaincre plus que d’autres, tous constituent une premiĂšre collection qui pourra accompagner les jeunes lecteurs tout au long de leur scolaritĂ©. En toutes circonstances poursuit les pratiques poĂ©tiques de l’école maternelle qui mettent le corps-langage dans une jubilation certaine tout en introduisant Ă  une pensĂ©e du langage en actes qu’un Robert Desnos viendra confirmer en fin de cycle avec son livre universellement reconnu et devenu un monument patrimonial dans la bouche des enfants eux-mĂȘmes. Aussi faudrait-il montrer le continu d’une poĂ©sie contemporaine, celle d’Albane GellĂ© avec des monuments » scolaires anciens que sont devenus Hugo puis Desnos. Les chansons de Victor Hugo n’imitent pas la chanson enfantine mais introduisent dans la grande poĂ©sie la fraĂźcheur enfantine et dĂ©rident le sĂ©rieux patrimonial en mĂȘme temps. Lire une anthologie des jeux de mots avec ce titre qui leur donne un enjeu tout autre que seulement le ludisme gratuit d’une enfance naĂŻve voire bĂȘte, c’est montrer dĂšs le cycle 2 que le langage n’est pas coupĂ© en deux le discours sĂ©rieux et ce qui ne veut rien dire mais bien continu car tirer la langue » c’est sĂ©rieux comme n’importe quel jeu de mots l’enjeu est bien celui de la force du langage plus que le seul plaisir des mots. Le petit livre de devinettes de Jean-Damien ChĂ©nĂ© dont les illustrations de Bernadette ChĂ©nĂ© redoublent l’intĂ©rĂȘt, vient poursuivre cet enjeu. il fait du livre l’objet mĂȘme de la lecture voir ses index alphabĂ©tique », index matiĂšre » et sommaire » ce qui met le jeu de mots dans le poĂšme et donc dans la voix, le geste, le corps-langage plus que dans une mĂ©taphysique des mots, des lettres ou de l’écriture Ă  laquelle on soumet plus tĂŽt qu’on ne le pense les lecteurs Ce qu’il vous plaĂźt ne le sachant pas, de chercher, puis-je pouvons-nous l’écrire s’il nous plaĂźt ? ChĂ©nĂ©, 2002, p. 51 Le cycle 3 s’ouvre alors sur un semblable recueil de devinettes qui viennent de loin et dont Jean-Marie-Gustave Le ClĂ©zio et son Ă©pouse nous offrent avec la version originale de belles traductions. Des Ăźles Maurice, nous devinons toute la richesse d’une vie qui emmĂȘle la nature, la culture, les bĂȘtes et les hommes, le corps et le langage jusque dans les couleurs vives de ces broderies qui illustrent les sirandanes. Elles illustrent ainsi le jeu infini de la dĂ©couverte du monde et de l’homme avec les poĂšmes des devinettes jeu de la relance, jeu de la relation. C’est que le poĂšme nous fait revoir le monde. Ainsi Lucien Suel et son jardin ordinaire » met les visions » dans notre langage de tous les jours avec les moyens du poĂšme. Passer des devinettes ancestrales Ă  une Ă©criture d’aujourd’hui qui rappelle sans nostalgie tout ce qui disparaĂźt sous nos yeux ces jardins ouvriers qui assuraient plus qu’un approvisionnement substantiel une vie de rĂȘve dans une vie de labeur
 Si le poĂšme fait rĂȘver c’est pour mieux vivre, pour vivre la vraie vie. Dans la vraie vie, il y a la mort et Jean-Pascal Dubost raconte cette arrivĂ©e avec son corbeau ». Cette Ă©criture de notations qui construit un journal d’impressions montre comment le poĂšme peut transformer des jours sans lendemain en une vie qui n’a pas fini de laisser vivre l’intrusion de l’étrange, de l’altĂ©ritĂ© radicale, dans nos vies. Cette Ă©criture est lancĂ©e par le prĂ©sentatif du titre c’est corbeau ». Le poĂšme invente sa grammaire comme il invente la vie. Mais jamais il ne l’invente dans l’isolement, dans l’incommunicabilitĂ©. Le livre de Jacques Roubaud voir pour sa lecture intĂ©grale le livre d’AgnĂšs Perrin, 2004, dans la longue tradition des bestiaires que ce cycle 3 explore en filigrane jusqu’à James SacrĂ© et ses AnacoluptĂšres, rassemble les animaux comme il rassemble tout le monde. Ces jeux qui sont souvent des clins d’Ɠil amicaux mettent en verve le lecteur comme dans une grande parade et les dĂ©guisements animaliers ouvrent au carnaval des discours, des genres ; alors le poĂšme mĂšne la danse. Deux anthologies viennent complĂ©ter ces livres d’auteurs une anthologie thĂ©matique autour de la mer et une anthologie de poĂ©sies du monde entier avec les versions originales qui montrent la diversitĂ© des langues et des cultures tout en signalant certainement trop rapidement que les poĂšmes ne connaissent pas les frontiĂšres, qu’il suffit de chercher sa voix pour dire l’altĂ©ritĂ© dans sa langue. De telles anthologies ne sont que des portes ouvertes vers des lectures multiples, des lectures toujours plus appropriĂ©es qui font de chacun un sujet du langage. Au collĂšge, la classe de sixiĂšme peut permettre de dĂ©couvrir un personnage qui n’existe qu’en poĂšme, La Grande Gigue de Jeanne Gatard ouvre Ă  cette existence que seul le poĂšme permet d’inventer. Force du geste qui met du corps dans des proses pleines de poĂšme au singulier car il s’agit bien de chercher du poĂšme. En sixiĂšme on peut alors partir pour une chasse au poĂšme Ă  la maniĂšre de cette chasse au haĂŻku que Daniel Biga propose dans ses notations ultrarapides et quotidiennes. Cette Ă©criture prosaĂŻque met le poĂšme dans la vie Ă  condition qu’on entende ce que le poĂšme invente et dispose en ouvrant les yeux et les oreilles comme on n’a pas l’habitude. Il faudrait aussi se lancer dans la lecture des textes fondateurs » comme le demandent les Programmes, pas seulement pour en dĂ©couvrir un succĂ©danĂ© Ă©vĂ©nementiel, mais d’abord pour en entendre une voix ou plutĂŽt des voix qui nous font nous dĂ©couvrir. L’écriture du poĂšte et traducteur Henri Meschonnic fait venir Ă  nous cette oralitĂ©-lĂ  trĂšs ancienne et trĂšs moderne parce qu’elle met Ă  vif l’épopĂ©e de nos vies. Ces cinq rouleaux font cinq livres de poĂšmes qu’il est indispensable de lire dans nos voix, dans toutes les voix de la classe. C’est un voyage, non seulement dans le temps chronologique et historique, mais surtout dans le temps subjectif d’un rĂ©citatif infini, dans le temps divin qui met l’homme Ă  l’écoute de l’humain. Aventure que poursuit Ă  sa façon un livre de poĂšmes comme celui de Blaise Cendrars. Cette recherche du poĂšme de l’altĂ©ritĂ© est Ă©galement au principe de l’activitĂ© typographique des textes de Jean-François Bory qui fait Ă©cho d’une maniĂšre trĂšs ludique et savante Ă  l’hĂ©ritage poĂ©tique qu’un Ă©lĂšve de cinquiĂšme peut alors Ă©voquer en n’hĂ©sitant pas Ă  passer d’un livre Ă  l’autre, du palais des Belles-Lettres au Cagibi de MM. Fust et Gutenberg, du manuscrit au tapuscrit, etc. Retrouver deux grands auteurs scolaires en quatriĂšme, La Fontaine et PrĂ©vert, c’est l’occasion de faire De l’air comme nous y invite Antoine Emaz ! Les Ă©lĂšves ne peuvent alors que relire ces vieux auteurs pour les retrouver tout neufs, pleins de force. Fables » et histoires » deviennent alors non des poĂ©sies » Ă  rĂ©citer mais des textes qui demandent de les vivre dans des activitĂ©s oĂč le corps, la voix, la parole se multiplient, s’ouvrent Ă  l’inconnu, se poursuivent dans des relations qui n’en reviennent pas de se trouver
 C’est ce que Antoine Emaz fait avec son journal qui cherche le poĂšme de chaque jour, de chaque sensation, de chaque humeur. Et alors la poĂ©sie fait respirer un air neuf, un air vif, un air plein de fables et de paroles vraies. La classe de troisiĂšme peut alors infinir ces lectures en poĂ©sie par deux livres dont le premier, celui de Tardieu, cherche l’accent qui nous fait toujours nous-mĂȘmes avec les autres, quand le second, celui de ValĂ©rie Rouzeau, nous fait autre avec nos plus proches. Ces passages sont toujours des inventions relationnelles pleines de langage, intensifiant des formes de vie en formes de langage et inversement. Graves ou aigus, nos noms ne sont plus des mots, mais des voix qui marchent, des pas qui font chaque fois des histoires, des histoires de lecteurs toutes indispensables pour chacun. Les poĂšmes des lectures scolaires sont alors devenus des poĂšmes de vie. La poĂ©sie est un acte. Elle n’est pas subie, elle est agie. Pierre Reverdy dans Charpier, 1956, p. 545 Les poĂšmes ne demandent qu’une chose Ă  l’école la vie ! parce qu’ils sont la vie du langage par excellence. Souvent les faux problĂšmes empĂȘchent de se rendre compte que l’école c’est tout simplement de longs moments de vie pour toutes les gĂ©nĂ©rations d’écoliers faut-il alors opposer l’école Ă  la vie ou faire rentrer la vie dans l’école ou faire sortir l’école dans la vie ? Autant de questions qui ratent le vrai problĂšme faire que les activitĂ©s scolaires soient vivantes, maintiennent et mĂȘme suscitent la curiositĂ©, l’entrain et la vivacitĂ© des Ă©lĂšves et de leurs professeurs. De ce point de vue, on ne peut considĂ©rer les poĂšmes que comme les ferments parmi d’autres d’un tel objectif puisque les poĂšmes sont ce qu’il y a de plus vivant dans le langage
 Ă  condition qu’on ne les tuent pas dans l’Ɠuf. Mais nous savons maintenant comment et pourquoi Ă©viter ce bain de sang qui se fait souvent avec les meilleures intentions puisque nous avons en main les dix clĂ©s du problĂšme ! Nous allons maintenant concevoir au moins trois modes de vie avec les poĂšmes Ă  l’école et au collĂšge, qui sont trois modes bien connus d’organisation des activitĂ©s scolaires. Nous les dissocions pour les besoins de l’exposĂ© mais ils sont Ă©troitement associĂ©s et ne vont pas l’un sans l’autre. En effet, pas de surprises sans habitudes, pas de nouveautĂ©s sans acquisitions lentes, pas d’entraĂźnements rĂ©guliers sans explorations hasardeuses et pas d’aventures merveilleuses sans de patients prĂ©paratifs
 Rituels, sĂ©quences et projets vont alors s’entrelacer pour faire vivre les apprentissages avec les poĂšmes. Les rituels constituent des habitudes que les sĂ©quences permettent de rĂ©flĂ©chir pendant que les projets organisent des sorties la poĂ©sie demande de changer un peu les habitudes langagiĂšres y compris en didactique. Alors, n’hĂ©sitons pas Ă  dĂ©placer les habitudes et la langue de bois
 L’essentiel consiste Ă  observer si nos Ă©lĂšves s’y retrouvent, c’est-Ă -dire apprennent et aiment. Comment concevoir rituels, sĂ©quences et projets ? Commençons par esquisser une conception de la sĂ©quence. Les poĂšmes demandent de ne pas se fier Ă  un seul modĂšle de sĂ©quence d’apprentissage. Il est vrai que l’école habitue dans ce domaine Ă  ce qu’on appelle le moment de poĂ©sie » et que selon les modĂšles didactiques ou le niveau, il est tantĂŽt orientĂ© vers un moment » tout Ă  fait original et spĂ©cifique, soit vers un moment » qui se confond avec d’autres. D’un cĂŽtĂ© le moment » qui, de la maternelle au cycle 3, Ă©volue de l’apprentissage collectif d’une comptine ou poĂ©sie » dans une situation fonciĂšrement interlocutive du type chorale Ă  l’apprentissage individuel d’une poĂ©sie » pour la rĂ©citer et l’illustrer ; ce dernier moment Ă©tant accompagnĂ© de menues explications prenant parfois la forme d’un questionnement de texte » pour mieux comprendre la poĂ©sie ». D’un autre cĂŽtĂ© le moment » qui, de la maternelle au cycle 3, engage dans la crĂ©ation » c’est-Ă -dire dans une production d’écrit » plus ou moins libre, parfois fort contrainte, lequel moment se conçoit comme une occasion propice Ă  l’activitĂ© d’écriture inventĂ©e en allant de la dictĂ©e Ă  l’adulte bien plus souvent collective qu’individuelle Ă  l’expression Ă©crite avec premier jet » et grille de réécriture Ă©laborĂ©e en commun, c’est-Ă -dire sous l’Ɠil vigilant de l’enseignant qui veille Ă  ce que le texte produit apparaisse comme conforme Ă  un modĂšle textuel si ce n’est poĂ©tique. Il est vrai que de nombreuses classes dans la tradition d’un Freinet, mettent ce moment sous le rĂ©gime de l’expression libre non sans renforcer une autre mythologie aussi pernicieuse que la premiĂšre qui vise l’imitation d’un moule syntaxique pendant que la seconde vise l’imitation d’un cadre thĂ©matique que le » surrĂ©alisme a offert Ă  Freinet et ses Ă©mules le texte libre » valorisant la dimension imaginative de l’activitĂ© en n’engageant que la lecture des images produites, rĂ©duisant ainsi la production langagiĂšre Ă  la nomination, d’oĂč une valorisation extrĂȘme des noms, des groupes nominaux, dĂšs qu’on est en poĂ©sie ». Nous aimerions proposer des activitĂ©s qui concourent Ă  une sĂ©quence avec des poĂšmes sans qu’aucune instrumentalisation ne dĂ©tourne les Ă©lĂšves, les lecteurs donc, de leur appropriation personnelle-collective de ces poĂšmes entendons bien qu’il s’agit de ne jamais utiliser les poĂšmes comme des prĂ©textes Ă  une quelconque activitĂ© qui les ignorerait telle que l’entraĂźnement pour la prononciation correcte du français, la diction rhĂ©torique des textes, l’imitation des modĂšles textuels y compris de ce que d’aucuns appellent le texte poĂ©tique »  Les activitĂ©s d’une sĂ©quence avec les poĂšmes viennent simplement rĂ©pondre au souci des programmes concernant les Ɠuvres littĂ©raires que les Ă©lĂšves soient mis en contact avec des textes forts, qu’ils se les approprient par les voies les plus directes, les plus simples, les plus engageantes et respectueuses de chacun. Le modĂšle » d’activitĂ©, si l’on peut employer ce terme, est celui de la reformulation, mais on comprend aussitĂŽt qu’il ne peut y avoir de modĂšle puisque chaque texte demande d’inventer ses reformulations, voire de les multiplier. Le fondement de ces reformulations qui constituent autant de modes singuliers d’appropriation, est la lecture magistrale restitution de l’Ɠuvre par la voix haute du maĂźtre. Celle-ci permet Ă  chaque Ă©lĂšve, quelles que soient ses performances en lecture, d’accĂ©der Ă  l’Ɠuvre littĂ©raire ; en effet, mĂȘme s’il s’avĂšre incapable de lire seul le texte de l’Ɠuvre, il est tout Ă  fait capable de reformuler l’Ɠuvre aprĂšs qu’on la lui ait transmise de cette maniĂšre ; c’est pourquoi aucune Ɠuvre littĂ©raire d’importance dans le dispositif didactique ne doit Ă©chapper Ă  ce mode de transmission qui n’empĂȘche nullement que les Ă©lĂšves lisent seul le texte – les activitĂ©s les y encouragent – ou d’autres textes, tout simplement parce qu’ainsi aucun Ă©lĂšve n’est exclu de la dynamique collective qu’ouvre la lecture magistrale d’une Ɠuvre et les activitĂ©s de reformulation qui vont accompagner cette lecture en vue de son appropriation par chaque Ă©lĂšve – y compris, rappelons-le, l’élĂšve le moins performant du point de vue des techniques de la lecture. Soit une Ɠuvre, l’activitĂ© d’appropriation de cette Ɠuvre par la classe et par chacun des Ă©lĂšves est celle de la multiplication des reformulations se redire, relire, réécrire, jouer, transposer, Ă©voquer, citer, manipuler
 Cette dĂ©marche est au fond celle que nous proposons pour toutes les Ɠuvres littĂ©raires qui constituent le socle commun, et donc le fonds de la culture littĂ©raire commune. Les poĂšmes, nous l’avons dit, se prĂ©sentent d’abord, comme les autres Ɠuvres littĂ©raires, sous la forme d’un livre, livre de poĂšmes d’un auteur ou anthologie
 Ils doivent donc d’abord ĂȘtre abordĂ©s Ă  ce titre dans la classe. C’est donc Ă  ce titre que les sĂ©quences les considĂšrent d’abord. Nous verrons ensuite dans les rituels et projets, d’autres maniĂšres de les rencontrer, de vivre avec eux. Si les reformulations des Ɠuvres sont forcĂ©ment multiples, il nous paraĂźt indispensable de les regrouper, quelle que soit l’Ɠuvre, dans quatre formes d’activitĂ©s de reformulation complĂ©mentaires et jamais exclusives les unes des autres mais toujours reliĂ©es voire concomitantes si possible pour une contextualisation plus gĂ©nĂ©rale, voir Martin, mai 2005 1. L’échelle lexicale il serait plus judicieux de la dĂ©nommer liste lexicale hiĂ©rarchisĂ©e » mais la mĂ©taphore de l’échelle que chaque Ă©lĂšve se construit pour grimper dans l’arbre textuel si ce n’est au ciel des constellations d’un univers textuel, l’emporterait sur le rappel des Ă©chelles d’acquisition de l’orthographe lexicale » Pothier, 2003 que nous respectons tout Ă  fait par ailleurs mais qui n’ont rien Ă  voir avec cette Ă©chelle, ce parcours de lecture personnel dans un texte prĂ©lever, lister, hiĂ©rarchiser et Ă©ventuellement titrer des Ă©lĂ©ments lexicaux du texte pour en faire ressortir une facette, une dimension, un aspect. Cela reviendrait Ă  construire un rĂ©seau qui maille le texte, le traverse soit fragmentairement soit complĂštement et ainsi l’élĂšve se donnerait des prises pour le relire et pour construire sa comprĂ©hension et son interprĂ©tation. 2. Le jeu dramatique dire le texte ou un fragment mĂȘme rĂ©duit du texte pour que sa lecture engage le corps, sa voix et ses gestes afin d’observer ce qu’il nous fait quand il nous traverse ; afin de sentir ce qui l’anime, constitue sa force, organise les Ă©nergies qui s’y rencontrent
 3. Le documentaire dĂ©couvrir le monde construit avec le texte, avec son Ă©nonciation en particulier et pas seulement son Ă©noncĂ©, en reconfigurant ce monde dans un texte documentaire qui met ce monde en rĂ©sonance avec les prĂ©occupations, les interrogations et les mondes dĂ©jĂ  construits par les lectures et les expĂ©riences antĂ©rieures. Sachant bien qu’il ne s’agit pas ici de construire une vĂ©ritĂ© scientifique mais d’agencer des informations, des notations pour apercevoir une vĂ©ritĂ© du texte dans et par sa lecture. C’est pourquoi l’exercice aurait pu aussi bien s’appeler documenteur » car il se peut que ses informations ne soient pas validĂ©es scientifiquement si elles doivent toujours l’ĂȘtre comme vĂ©ritĂ©s d’expĂ©rience de lecture. Et si mensonge il y avait, on n’oubliera pas la leçon d’Aragon avec son mentir-vrai ». 4. La parole vive faire rĂ©sonner le texte lu des paroles qu’il recĂšle mais qu’il ne livre pas explicitement en donnant la parole Ă  des protagonistes du texte, animĂ©s ou inanimĂ©s, protagonistes qui ne l’ont pas apparemment mais qui peuvent trĂšs vite la prendre si on la leur donne ; il s’agit d’écrire en je » autant de reformulations incidentes et dialogiques qui vont rĂ©sonner dans la pluralitĂ© les dire du texte souvent localement, parfois plus globalement – par exemple en fin de parcours
 pour de plus amples dĂ©veloppements sur cette derniĂšre activitĂ©, voir Martin, septembre 2005. Ces quatre activitĂ©s conduites, on peut affirmer que chaque Ă©lĂšve Ă  sa façon et la classe dans cette configuration forcĂ©ment singuliĂšre puisque articulĂ©e avec ce qu’elle aura auparavant lu et fait, se sont appropriĂ©s l’Ɠuvre littĂ©raire et en l’occurrence l’Ɠuvre poĂ©tique. Mais on perçoit bien que cela demande parallĂšlement un Ă©tayage. Les rituels et les projets vont l’apporter puisque les premiers vont permettre de renforcer des savoir-faire initiĂ©s dans les sĂ©quences et les seconds vont Ă©largir le sens d’activitĂ©s forcĂ©ment rĂ©duites aux conditions de la classe. On aura compris que le cƓur du dispositif la sĂ©quence est bien scolaire, qu’il est expĂ©rientiel et rĂ©flexif sans nĂ©gliger la dimension rĂ©pĂ©titive et entraĂźnante des rituels ni celle plus aventureuse des projets. Les poĂšmes devraient toujours s’y retrouver, du moins jamais se perdre, puisque jamais ne devraient s’imposer naturellement dans ce dispositif didactique les sĂ©parations traditionnelles que nous avons d’ores et dĂ©jĂ  bien pointĂ©es dans la perspective d’une redĂ©couverte du langage avec les poĂšmes. Proposition d’organisation de sĂ©quences littĂ©raires et donc poĂ©tiques sur deux semaines en cycle 2 et trois semaines en cycle 3. La durĂ©e Ă©tant liĂ©e Ă  l’importance quantitative de l’Ɠuvre, certaines sĂ©ances peuvent donc s’y dĂ©doubler mais le principe est fondamentalement le mĂȘme . Pour le collĂšge, on adaptera cette durĂ©e en comptant les sĂ©ances. Certaines sĂ©ances peuvent ĂȘtre plus longues que d’autres, bien entendu. Ce modĂšle » est bien Ă©videmment Ă  adapter aux temporalitĂ©s de la classe entre dĂ©but et fin d’annĂ©e et de l’Ɠuvre plus ou moins longue. SĂ©ances 1 2 3 4 5 6 7 Lecture magistrale 1 1 1 2 1 Échelle lexicale 2 2 Jeu dramatique 2 1 1 3 Documentaire 2 bis 1 bis 1 Parole vive 2 1 bis Les sept sĂ©ances montrent l’organisation des activitĂ©s suivantes La premiĂšre sĂ©ance est d’abord consacrĂ©e Ă  une dĂ©couverte de l’Ɠuvre par la lecture magistrale inaugurale puis par les premiĂšres prises lexicales personnelles sur l’Ɠuvre. La seconde sĂ©ance poursuit si ce n’est achĂšve la lecture intĂ©grale et magistrale de l’Ɠuvre et ouvre deux ateliers concomitants jeu dramatique et documentaire qui vont se poursuivre lors de la troisiĂšme sĂ©ance pour organiser quelques Ă©changes des travaux quelques rĂ©alisations dramatiques et documentaires prĂ©sentĂ©es et apprĂ©ciĂ©es. La quatriĂšme sĂ©ance dĂ©place les activitĂ©s avec l’Ɠuvre en commençant par une relecture magistrale en relisant des passages dĂ©licats ou choisis par les Ă©lĂšves
 pour lancer l’activitĂ© d’écriture personnelle, la parole vive. La cinquiĂšme sĂ©ance croise lecture magistrale et rĂ©alisations dramatiques des Ă©lĂšves veillant Ă  ce qu’un maximum d’élĂšves s’expriment devant la classe, en particulier ceux qui n’auraient pas eu l’occasion de le faire lors de la troisiĂšme sĂ©ance
. La sixiĂšme sĂ©ance permet Ă  tous les Ă©lĂšves d’achever leurs travaux personnels, de les reprendre, de les amĂ©liorer. Enfin, la septiĂšme sĂ©ance vient couronner la sĂ©quence en la bouclant sur une reprise de l’Ɠuvre par l’enseignant et les Ă©lĂšves lecture magistrale et rĂ©alisations dramatiques qui ouvre Ă  une derniĂšre prise sur l’Ɠuvre peut-ĂȘtre plus problĂ©matique reprise adaptĂ©e de l’activitĂ© de l’échelle lexicale afin de lancer un dĂ©bat pour conclure provisoirement du point de vue du travail de l’Ɠuvre mais dĂ©finitivement du point de vue de son inscription obligatoire dans le temps scolaire. On remarquera que le dernier mot est aux Ă©lĂšves ils font vivre l’Ɠuvre montrant que cette derniĂšre est maintenant leur responsabilitĂ© alors que c’est l’enseignant qui l’avait ouverte. Passage d’Ɠuvre qui est un passage de sujet – nous y reviendrons dans des billets ultĂ©rieurs. Fables et voix, livres et lecteurs
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RĂ©sumĂ©s L’étude de la littĂ©rature de guerre et de la littĂ©rature en guerre, encore inĂ©gale Ă  l’échelle de la Bretagne, est sans doute l’une de ces voies demeurant trop peu suivies pour tenter de comprendre comment la Grande Guerre contribue ici tout Ă  la fois Ă  la rĂ©vision d’une partie des stĂ©rĂ©otypes associĂ©s Ă  la rĂ©gion et Ă  l’affirmation plus claire – et plus large
 – d’une certaine identitĂ© ce que cette contribution souhaite illustrer, en s’intĂ©ressant Ă  la fois Ă  la figure du Breton dans la littĂ©rature de/en guerre nationale », Ă  la littĂ©rature bretonne en français mais aussi Ă  la littĂ©rature en breton. Comment interprĂ©ter le fait que, dans son roman La Peur, Gabriel Chevalier ne mentionne que deux origines rĂ©gionales, dont celle d’un Breton ? Que nous disent un Charles Le Goffic ou un ThĂ©odore Botrel de l’identitĂ© bretonne en guerre ? Que penser de la postĂ©ritĂ© des poĂšmes en breton de Jean-Pierre Calloc’h – le barde Bleimor – tuĂ© au combat en 1917, ou encore des gwerziou, ces chants populaires sur feuille volante dont une soixantaine au moins, Ă©ditĂ©s pendant la guerre, Ă©voquent trĂšs explicitement le conflit ?Telles sont quelques-unes des pistes que cette contribution tente d’éclairer. The study of war literature and literature at war is still incomplete in Britanny. Yet, although undoubtedly one of the less traveled, this road would lead us to a better understanding of how the Great War changed the way Britanny was seen and saw itself. The war put an end to some of the preconceived ideas about the region. It also led to a clearer definition of Breton is what this paper will try to illustrate. It will first focus on the image of the Breton in the French "national" war literature and literature in war. Then, it will study the Breton literature produced in French during the war and finally the Breton literature produced in Breton during the war. How can we understand the fact that in his novel, La Peur, Gabriel Chevalier mentions only two regional origins, one being a Breton? What can we learn from Charles Le Goffic or ThĂ©odore Botrel about Breton identity at war? What is the posterity of Jean-Pierre Calloc’h’s – the bard Bleimor – Breton poems? And what about gwerziou? At least sixty of these popular songs evoke the de page EntrĂ©es d’index Haut de page Texte intĂ©gral 1 Le livre des poĂ©sies de Yann-Per Calloc’h, le barde Bleimor, attendu avec tant d’impatience par tous ceux qui avaient entendu parler du grand mort, vient enfin de paraĂźtre », Ă©crit en mai 1921 Olivier Mordrelle dans le journal autonomiste Breizh Atao, Ă©voquant Ar en Deulin, recueil en breton composĂ© pour une part au front par le poĂšte groisillon, tuĂ© au printemps 1917 alors qu’il servait comme sous-lieutenant au 219e RI de Brest. Mordrelle s’autorise cependant une critique 1 Olivier Mordrelle, Ar en Deulin », Breizh Atao, no 5-6, mai-juin 1921. Il est Ă  regretter que [la biographie de Calloc’h] soit ornĂ©e de considĂ©rations sur la “petite” et la “grande” patrie. On y lit “Les Bretons savent mourir courageusement pour la grande patrie quand il le faut
 Mais l’idĂ©e celtique, l’idĂ©e bretonne que reprĂ©sente la petite Patrie peut encore rendre de plus grands services que le sang breton lui-mĂȘme Ă  la France ! qui est, elle aussi, il ne faudrait jamais l’oublier, une nation celtique”. Qu’on nous Ă©pargne Ă  l’avenir de semblables foutaises dont le chant de Bleimor supporte mal le contact1. » 2En quelques lignes, le militant nationaliste dit bien ce que sont certains des enjeux autour de la littĂ©rature, de l’identitĂ© rĂ©gionale et de la Grande Guerre en Bretagne, notamment en ce qui concerne l’articulation entre grande et petite patries. 3Ici comme ailleurs, Ă©crivains et Ă©crivants » – mobilisĂ©s ou non – mais aussi lecteurs se trouvent confrontĂ©s Ă  la nĂ©cessaire adaptation Ă  la situation de guerre le dĂ©part de certains au front, la censure, les difficultĂ©s matĂ©rielles Ă  se faire imprimer alors que le papier vient Ă  manquer, l’inscription dans le discours ambiant, largement favorable Ă  la guerre, quelle qu’en soit la justification. Ici pourtant, l’étude de la littĂ©rature de guerre et de la littĂ©rature en guerre est sans doute l’une de ces voies encore trop peu suivies pour tenter de comprendre comment la Grande Guerre contribue tout Ă  la fois Ă  la rĂ©vision d’une partie des stĂ©rĂ©otypes associĂ©s Ă  la Bretagne et Ă  l’affirmation plus claire, et sans doute plus large, d’une certaine identitĂ© bretonne. 2 Au-delĂ  de quelques monographies, telles les travaux de Gwendal Denis Fañch EliĂšs-Abeozen 1896-19 ... 3 Les frontiĂšres – sans doute trop floues – du corpus ainsi dĂ©fini permettent cependant, dans la phas ... 4Certes, le sujet n’est pas totalement neuf2. Mais, Ă  l’instar de ce que l’on peut observer en d’autres rĂ©gions, les Ă©tudes consacrĂ©es aux lettres bretonnes s’arrĂȘtent souvent Ă  la veille de la Grande Guerre ou l’englobent sans s’y intĂ©resser pour elle-mĂȘme. Surtout, la question des limites de ce qu’il faut inclure dans la littĂ©rature » n’est jamais explicitement posĂ©e la publication peut indĂ©niablement constituer un critĂšre pratique de distinction entre ce qui mĂ©ritera ici notre attention et le reste des Ă©crits de guerre, lettres ou carnets notamment. Il n’en reste pas moins que tous les textes publiĂ©s – y compris ceux rĂ©digĂ©s explicitement en vue d’une publication – n’ont pas le mĂȘme statut littĂ©raire » Le Goffic ou Vercel n’ont a priori rien de commun avec le modeste Joseph Lec’hvien qui publie, en breton, dans les annĂ©es 1920, un texte racontant sa captivitĂ© en Allemagne et son Ă©vasion. Convenait-il, par ailleurs, d’intĂ©grer les nombreux rĂ©cits, poĂšmes, romans publiĂ©s sous forme de feuilleton dans la presse bretonne, sachant qu’y figurent des textes de certains auteurs, de Botrel Ă  Le Goffic, pour lesquels la question ne se pose pas ? Le choix qui a Ă©tĂ© fait ici est celui de s’intĂ©resser Ă  ces littĂ©ratures » – au pluriel – multiples, Ă  ces publications de niveaux certes trĂšs diffĂ©rents, d’auteurs reconnus comme d’écrivains occasionnels publiant cependant, sous des formes variables, en français et en breton, pour des publics eux aussi trĂšs variĂ©s tous contribuent en effet Ă  la construction – mais aussi Ă  la remise en question – d’identitĂ©s territoriales complexes, pendant comme aprĂšs la guerre3. 4 Cet article doit beaucoup aux Ă©changes avec Didier Guyvarc’h. Qu’il en soit ici remerciĂ©. L’aide de ... 5Trois pistes ont Ă©tĂ© plus particuliĂšrement retenues, de la figure du Breton dans la littĂ©rature de guerre Ă  l’étude de la littĂ©rature en langue bretonne, en passant par les efforts faits par les Ă©crivains afin d’articuler grande et petite patries4. La figure du Breton dans la littĂ©rature de/en guerre nationale » la grande patrie, malgrĂ© la petite
 6La question des liens entre la petite et la grande patrie n’en est sans doute pas vĂ©ritablement une en tant que telle lorsque l’on se penche sur les Ɠuvres marquantes de la littĂ©rature de guerre. Elle y apparaĂźt cependant comme en filigrane, de maniĂšre assez rĂ©guliĂšre. Ce qu’offre alors Ă  saisir cette littĂ©rature, fictionnelle ou pas, c’est une sorte de gĂ©ographie mentale des rĂ©gions qui comptent », Ă©ventuellement mĂȘme plus simplement qui existent », implicitement donc des identitĂ©s rĂ©gionales perçues comme telles dans la France de 1914. Elles sont au final assez peu nombreuses. 5 Gabriel Chevallier, La Peur, Paris, Le Dilletante, 2008 [1e Ă©d. 1930], p. 140. 6 Il est, me semble-t-il, rĂ©vĂ©lateur qu’en Ă©voquant une sĂ©rie de blessĂ©s, M. Dugard Âmes de France ... 7 Gabriel Chevallier, La Peur, p. 131 et 321. 8 Ibid. 7 Le dernier » de ses camarades de chambrĂ©e que dĂ©crit Dartemont, le narrateur du roman La Peur, de Gabriel Chevallier, Ă©vacuĂ© vers un hĂŽpital de l’arriĂšre aprĂšs avoir lui-mĂȘme Ă©tĂ© touchĂ©, est un petit Breton, trĂšs jeune, blessĂ© sur tout un cĂŽtĂ© du corps, atteint de gangrĂšne, dont on rogne constamment deux membres un bras et une jambe5 ». S’il note qu’il est totalement illettrĂ© et parle un patois incomprĂ©hensible, oĂč l’on ne distingue que les injures grossiĂšres dont il accable les infirmiĂšres », il signale aussi les horribles cris » qu’il pousse en raison de la douleur, chacun s’étonnant que ces cris soient si rares et que son corps ait autant de rĂ©sistance ». Pour ambivalente qu’elle soit, l’image que donne Chevallier du soldat breton n’est pas si Ă©loignĂ©e que cela des stĂ©rĂ©otypes le concernant c’est pour une part un plouc » ignorant que dĂ©crit aussi Marc Bloch dans ses carnets, alors qu’il est en garnison au dĂ©pĂŽt du 72e RI, repliĂ© d’Amiens Ă  Morlaix. Mais le jeune blessĂ© de La Peur est aussi celui dont la force presque brute face Ă  la douleur surprend tous ses camarades6. Il n’est d’ailleurs pas anodin que les rĂ©fĂ©rences Ă  des origines rĂ©gionales soient finalement assez rares dans la littĂ©rature de guerre. Outre ce Breton, Chevallier Ă©voque briĂšvement le sergent NĂšgre, de Limoges », dont les caractĂ©ristiques sont cependant plus liĂ©es Ă  son statut de sous-officier qu’à ses origines limousines, et, plus longuement, les camarades, presque tous mĂ©ridionaux » du rĂ©giment avec lequel Dartemont rejoint le front, dans l’Aisne, en 19177. Ces soldats, trĂšs dĂ©monstratifs » Ă©crit Chevallier, ont eux aussi tout des stĂ©rĂ©otypes qui leur sont gĂ©nĂ©ralement associĂ©s, dĂ©clarant par exemple qu’ on est venus se battre pour les autres. Ce n’est pas notre pays qui Ă©tait attaquĂ©8 ». 9 Il ne saurait bien sĂ»r ĂȘtre ici question d’une approche strictement quantitative. Notons qu’Henri B ... 10 Sur ce point, voir Yann Lagadec, L’approche rĂ©gionale, quelle pertinence ? Le cas des combattants ... 8Le fait que l’auteur choisisse ici de mettre en exergue ces deux origines rĂ©gionales ne doit sans doute rien au hasard. D’une part parce que ce sont ces Bretons et MĂ©ridionaux qui, avec les Parisiens des quartiers populaires et les Chtis », semblent les plus rĂ©guliĂšrement mentionnĂ©s explicitement car aussi probablement les plus clairement identifiĂ©s, tant dans les textes publiĂ©s au sujet de la guerre que dans les tĂ©moignages non destinĂ©s Ă  la publication9. D’autre part parce que l’image du Breton se construit justement pour une part en opposition Ă  celle du MĂ©ridional, positive pour l’un, plus nĂ©gative pour l’autre10. 11 Avec les Bretons dans la bataille de France 14-23 juillet 1918 », Études de thĂ©ologie, de philo ... 12 Ibid., p. 573 et 575. 13 Impressions de guerre. I. Impressions d’aumĂŽnier », Études de thĂ©ologie, de philosophie et d’hist ... 9Nombre de textes mettent ainsi en avant, sous des formes variables, les qualitĂ©s – pour une part fantasmĂ©es – des soldats bretons. Les exemples n’en manquent guĂšre. Les lauriers ont Ă©tĂ© jetĂ©s par brassĂ©es Ă  nos Bretons » note par exemple un brancardier anonyme dans un rĂ©cit publiĂ© en 1918 sous le titre Avec les Bretons dans la bataille de France 14-23 juillet 1918 » dans la revue jĂ©suite Études l’on chercherait en vain un texte de mĂȘme nature dans cette revue, Ă©voquant Normands, Limousins ou Bourguignons11. Selon l’auteur, il est Ă©crit que la division des “coriaces” – le terme mĂ©rite d’ĂȘtre notĂ© – ne connaĂźt pas le repos. Aujourd’hui, il va falloir en remettre ». Nos Bretons sont montĂ©s cinq fois Ă  l’assaut du village » prĂ©cise-t-il plus loin. Beaux soldats, les fils de sainte Anne ! » conclut-il au sujet de ceux qu’il qualifie ailleurs de Bretons fidĂšles » en Ă©voquant ceux qui sont morts face Ă  l’ennemi, Ă  genoux et prĂȘts Ă  bondir, les armes Ă  la main12 ». MĂȘme son de cloche dans le texte dĂ» Ă  la plume d’un aumĂŽnier militaire relatant ses premiers jours au front, dans un groupe de brancardiers de corps d’armĂ©e GBC se prĂ©sentant au colonel commandant son rĂ©giment, celui-ci lui propose de venir Ă  la messe le dimanche suivant ; j’ai beaucoup de Bretons parmi les renforts nouvellement arrivĂ©s ; ils seront contents » conclut-il13. 14 Commandant Émile Vedel, Nos marins Ă  la guerre. Sur mer et sur terre, Paris, Payot, 1916, p. 238. 15 Ibid., p. 253-254. 10Bons catholiques, un peu frustes, mais pour ces raisons mĂȘmes combattants courageux, durs au mal telle est l’image que vĂ©hicule une bonne part de cette littĂ©rature de guerre dont il ne saurait bien sĂ»r ĂȘtre ici question de faire une Ă©tude prĂ©tendant Ă  la moindre exhaustivitĂ© – et encore moins de prĂ©tendre que les Bretons y sont systĂ©matiquement mentionnĂ©s point de Bretons chez Genevoix, ou chez DorgelĂšs par exemple. Ils sont cependant assez largement prĂ©sents dans toute la littĂ©rature maritime, par exemple dans les ouvrages du commandant Vedel, Nos marins Ă  la guerre. Sur mer et sur terre, paru chez Payot en 1916 ou Sur nos fronts de mer, publiĂ© chez Plon en 1918. DĂ©crivant les survivants du Gambetta, croiseur-cuirassĂ© torpillĂ© en avril 1915 dans le canal d’Otrante, il note que ce sont des Bretons, en majoritĂ©, qui sont certainement ce qu’il y a de meilleur et de plus solide dans la Marine. Mais pas un officier, nous l’avons signalĂ©14 ». Comme si un Breton ne pouvait ĂȘtre officier. Quant Ă  l’amiral Ronarc’h, l’homme de Dixmude, il est, selon lui, Breton dans toute l’acception du terme, y compris la lĂ©gendaire opiniĂątretĂ©15 ». 16 Nicolas BeauprĂ©, Écrits de guerre, 1914-1918, Paris, CNRS Éditions, 2013, p. 268 sq. 17 Gabriel Bounoure, Images de la Grande Guerre. Alain RenĂ© », La Revue de Paris, 1916, p. 539 et ... 18 Gabriel Bounoure, Images [
] », p. 561. 11Jeune agrĂ©gĂ© de lettres originaire du Puy-de-DĂŽme, nommĂ© professeur au lycĂ©e de Quimper, Gabriel Bounoure est mobilisĂ© comme officier aux 118e puis 19e RI qui recrutent principalement en Basse-Bretagne. C’est Ă  ces hommes qu’il consacre sans doute les premiers textes qu’il publie, notamment en 1914 et 1916 dans La Revue de Paris, Ă©voquant dans l’un la dĂ©couverte de la guerre des tranchĂ©es, dans l’autre l’offensive de Champagne en septembre 1915, de maniĂšre fort elliptique cependant. LĂ  n’est pas le cƓur de son propos. Ce sont bien plus les effets de la guerre sur les hommes – et sur lui-mĂȘme, dans le cadre d’une Ă©criture de soi »16 – qui l’intĂ©ressent Avant la guerre, je ne connaissais pas Alain-RenĂ© » explique-t-il dans les premiĂšres lignes de l’article de 1916. Avant la guerre, je ne me connaissais pas moi-mĂȘme, m’a-t-il dit lui-mĂȘme dans la tranchĂ©e de Tahure » poursuit-il, Ă©voquant, dans l’article de 1914, ce qu’apporte la guerre Ă  la connaissance de soi17 ». Les Bretons y apparaissent sous des traits assez proches de ceux dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©s. Ce sont tout d’abord des ruraux un peu frustes, qui ne sont pas totalement de son monde, qu’il juge cependant avec une certaine sympathie ainsi, quand il Ă©voque la prĂ©sence des uhlans que mes Bretons, en toute naĂŻvetĂ©, appellent les hurlants » ou encore Bourhis, son sympathique boy » – comprendre son ordonnance –, le brave Ă  trois poils18 ». À un autre endroit, il note 19 Ibid., p. 317. Dans les AmitiĂ©s françaises, BarrĂšs parle de l’immonde odeur des Allemands restĂ©e en son souvenir depuis 1870. Quel n’est pas l’affinement, la dĂ©licatesse de notre race pour que des paysans bretons Ă©prouvent les mĂȘmes rĂ©pugnances que le dandy Philippe19. » 20 Ibid., p. 313. 21 Ibid., p. 561. 12Sa Bretagne est aussi, indirectement, celle d’un certain exotisme », liĂ© Ă  la langue mentionnant les blagues en breton » lancĂ©es Ă  la cantonade Ă  des chauffeurs de camions automobiles, des Auvergnats du 13e corps », le narrateur craint qu’ils ne prennent ses hommes pour une race de SĂ©nĂ©galais au teint plus pĂąle et portant le costume de l’infanterie mĂ©tropolitaine, mais n’ayant pas renoncĂ© au jargon natal20 ». Une langue qu’il ne maĂźtrise pas lui-mĂȘme, rappelant, lorsqu’il dĂ©crit un assaut que l’on suppose ĂȘtre celui du 25 septembre 1915, que tout ça criait les jurons boches mĂȘlĂ©s aux “Garce” [en fait gast », littĂ©ralement putain »] de mes Bretons21 ». 22 Roland Dorgeles, Les Croix de bois, Paris, Albin Michel, 1993 [1e Ă©d. 1919], p. 160. 23 Roger Vercel, Capitaine Conan, Paris, Albin Michel, 2013 [1e Ă©d. 1934], p. 15. 13Si les Bretons apparaissent ainsi comme de solides combattants, ils ne le sont pas suffisamment cependant pour figurer aux cĂŽtĂ©s de la division marocaine [de] la lĂ©gion, du vingtiĂšme corps », celui de Nancy, que mentionne DorgelĂšs dans une scĂšne des Croix de bois qui n’est pas sans rappeler cette mĂȘme offensive de Champagne22. Pourtant, c’est un Breton qui constitue le personnage central de Capitaine Conan, le roman pour lequel Roger Vercel obtient le prix Goncourt en 1934, alors, il est vrai, qu’il enseigne Ă  Dinan depuis 1921. Ce Manceau de la classe 1914, mobilisĂ© tout d’abord comme brancardier en raison de ses problĂšmes de vue, promu caporal puis sergent, devenu aspirant en 1917, blessĂ© et citĂ© en 1918 alors qu’il sert au 114e RI de Saint-Maixent, fait du hĂ©ros Ă©ponyme de son roman un petit Breton, un Malouin rĂąblĂ©, Ă  Ă©paules larges, avec de gros bras durs et une tĂȘte ronde, un visage qui semble avoir Ă©tĂ© repoussĂ© du dedans par une boule, des joues rouges et luisantes, de ces joues de gosses rubicondes qui font s’extasier les Parisiennes, quand elles les rencontrent, barbouillĂ©es de crasse et de beurre, dans une cour de ferme au bord des routes23 ». 14Celui qui n’est encore que le lieutenant Conan a gardĂ© le bĂ©ret, l’uniforme bleu marine, la fourragĂšre rouge des chasseurs Ă  pied, son corps d’origine. Cinq Ă©toiles et trois palmes se touchent sur le ruban trop court de sa croix de guerre ». LĂ©gion d’honneur » indique enfin le narrateur. Son ordonnance se nomme Rouzic, un pays Ă  moi » prĂ©cise Conan – c’est le bon gars, mais tu peux le laisser coucher dans l’église sans danger pour le Saint-Esprit ! » – faisant siens, ainsi, une fois encore, certains des stĂ©rĂ©otypes attachĂ©s au combattant breton. 24 L’Ouest-Éclair, 11 dĂ©cembre 1934. 15En Bretagne, la rĂ©ception de l’ouvrage est ambiguĂ« entre fiertĂ© rĂ©gionale et malaise Ă  l’égard du hĂ©ros du roman, ce guerrier, ce fauve » qui, la paix venue, vante la douce libertĂ© des tranchĂ©es ». L’Ouest-Éclair, quotidien auquel collabore Roger Vercel, dĂ©crit Conan comme un vrai et solide Breton, sympathique en dĂ©pit de ses pires violences » et estime que le chef-d’Ɠuvre de l’annĂ©e [
] pose un mystĂšre redoutable24 ». Dans La Bretagne touristique de dĂ©cembre 1934, Marie-Paule Salonne prend moins de prĂ©cautions 25 Sur ce point, voir Didier Guyvarc’h et Yann Lagadec, Les Bretons et la Grande Guerre. Images et his ... Capitaine Conan n’est peut-ĂȘtre qu’un livre de guerre comme il y en a d’autres livre pĂ©nible et lourd de conclusions Ă  double face [
]. Mais qu’importe que Conan nous blesse, aprĂšs tout, puisque Vercel demeure le peintre magistral de Du Guesclin25 ! » 16Capitaine Conan apparaĂźt en effet bien loin des thĂšmes au cƓur de la plupart des publications des Ă©crivains bretons – l’engagement valeureux des soldats, la gloire de la victoire, les liens entre grande et petite patrie –, sans doute plus consensuels, plus vendeurs aussi. Les Ă©crivains bretons et la Grande Guerre articuler grande et petite patrie 26 Voir, dans cette mĂȘme livraison, la contribution de BenoĂźt Kermoal. 27 Émile Gilles, La Chouannerie et ses victimes. Corentin Le Floch, dĂ©putĂ© aux États gĂ©nĂ©raux de 1789, ... 17L’on pourrait, Ă  n’en pas douter, appliquer Ă  la Bretagne les grandes lignes des questionnements mis en Ɠuvre par Nicolas BeauprĂ© Ă  l’échelle de la France et de l’Allemagne. Les problĂšmes qui se posent ici en effet sont identiques la mobilisation et l’engagement des Ă©crivains – les cas de Le Febvre ou GuĂ©henno l’illustrent26 –, la fabrique de l’écrivain combattant, l’émergence du genre du rĂ©cit de guerre, la censure pour en rester Ă  ces quelques exemples. L’on retrouverait d’ailleurs ici, non pas un Bulletin des Ă©crivains de 14 comparable Ă  celui publiĂ© par la rĂ©daction de L’Intransigeant, mais, dans certaines publications au moins, une rubrique du mĂȘme genre. Ainsi dans La PensĂ©e bretonne d’Yves Le Febvre. Ainsi, aussi et surtout, dans le Journal de Pontivy, modeste hebdomadaire d’une modeste sous-prĂ©fecture d’à peine 9 500 habitants Émile Gilles, instituteur, auteur entre autres sous le pseudonyme de Gilles de Saint-Ivy d’un volume intitulĂ© La Chouannerie et ses victimes, un de ces bleus de Bretagne », cependant proche des milieux rĂ©gionalistes, publie une rubrique intitulĂ©e Les Bretons27 ». Il y donne rĂ©guliĂšrement des nouvelles des artistes ou – pour ce qui nous intĂ©resse ici – des Ă©crivains de la rĂ©gion, dont beaucoup sont, il est vrai, assez largement oubliĂ©s aujourd’hui. 28 Journal de Pontivy, 17 octobre 1915. Dans La PensĂ©e bretonne de fĂ©vrier 1917, Yves Le Febvre publie ... 18Il s’agit pour l’essentiel de mettre en scĂšne la mobilisation des lettres bretonnes dans la guerre, la maniĂšre dont la petite patrie se met au service de la grande, sous diverses formes d’ailleurs. Émile Gilles Ă©voque ainsi rĂ©guliĂšrement les Ă©crivains partis pour le front, tel le romancier J[oseph] Berthier, dont nos lecteurs ont pu apprĂ©cier dans ce journal les intĂ©ressants articles qu’il avait croquĂ©s sur le vif au front », un romancier dont on peine cependant, aujourd’hui, Ă  retrouver la moindre Ɠuvre28. Quelques mois plus tĂŽt, c’est de Jaffrenou – Taldir – directeur d’Ar Bobl » qu’il donne des nouvelles 29 Journal de Pontivy, 6 dĂ©cembre 1914. Il est en campagne depuis 4 mois ; il a parcouru avec les États-Majors la Marne, l’Aisne, l’Oise, le Pas-de-Calais, la Somme etc. Ses fonctions d’automobiliste lui ont permis, et il s’en fĂ©licite comme journaliste, de voir la guerre de prĂšs. Il a Ă©tĂ© comme on dit aux premiĂšres galeries. Il nous contera quelque jour les horreurs et les grandeurs dont il a Ă©tĂ© tĂ©moin
 s’il plaĂźt aux gĂ©nies celtiques, ajoute-t-il. Nous souhaitons bonne chance et prompt retour au barde breton29. » 30 Ibid., 24 octobre 1915. L’article prĂ©cise que ses derniĂšres paroles furent “Vous direz Ă  mon pĂš ... 31 Ibid., 6 dĂ©cembre 1914. Charles GĂ©niaux, nĂ© Ă  Rennes en 1870, est avant tout un Ă©crivain orientalis ... 32 Ibid., 14 novembre 1914. Émile Gilles ne signale pas ici que Le Febvre, exemptĂ© pour raisons mĂ©dica ... 33 Ibid., 7 novembre 1915. 34 Voir, dans cette mĂȘme livraison, la contribution de Pierre Cornu sur Henri Pourrat. 19Émile Gilles tient cependant, dans le mĂȘme temps, Ă  Ă©voquer la mobilisation plus indirecte d’autres Ă©crivains, par fils ou frĂšres interposĂ©s notamment. En octobre 1915, il annonce par exemple la mort de Robert Le Braz, fils d’Anatole, tombĂ© glorieusement le 24 septembre d’une balle au cƓur30 ». Quant Ă  Charles GĂ©niaux, le grand Ă©crivain breton que son Ă©tat prĂ©caire tient Ă©loignĂ© du service armĂ© [
] plusieurs de ses parents sont blessĂ©s ou prisonniers. Son cousin de Vannes, le capitaine Louis FrĂ©laut fils du gĂ©nĂ©ral a Ă©tĂ© tuĂ©31 ». Dans le cas prĂ©sent, Gilles insiste surtout sur le fait que GĂ©niaux visite les hĂŽpitaux, interroge les prisonniers. Il Ă©crit pour Les Annales un roman sur la guerre que son beau-frĂšre Jordic, qui est au feu depuis les premiers jours d’aoĂ»t, illustrera de croquis pris sur le vif ». Quelques semaines plus tĂŽt, il s’attardait sur le cas d’ Yves Le Febvre, l’écrivain si connu et apprĂ©ciĂ© pour sa haute valeur littĂ©raire, membre de la SociĂ©tĂ© des gens de lettres et juge de paix Ă  Plouescat FinistĂšre, [
] mobilisĂ© au 87e territorial32 ». Quant Ă  notre Ă©minent compatriote Anatole Le Braz », au cƓur de la chronique du 7 novembre 1915, Émile Gilles insiste sur le fait que bien qu’accablĂ© de douleur » aprĂšs le dĂ©cĂšs de son fils, il a acceptĂ© cependant de retourner aux États-Unis, oĂč il va arriver alors que les intrigues allemandes s’essaient Ă  dĂ©sintĂ©resser l’AmĂ©rique de la guerre europĂ©enne. Sa voix chaude et prenante, plus forte que sa propre douleur, revivifiera certainement les sympathies amĂ©ricaines et la France, comme le dit un de nos compatriotes, “aura encore une dette de plus envers la Bretagne”33 ». La question de la dette » de la grande patrie Ă  la petite est ainsi posĂ©e trĂšs explicitement et trĂšs prĂ©cocement, dĂšs 1915 ; elle ressurgira de maniĂšre rĂ©guliĂšre ensuite, en Bretagne mais pas seulement34. 35 ThĂ©odore Botrel, en se rendant Ă  la CarriĂšre Prat pour y donner une audition de ses chansons aux ... 20La mobilisation de la Bretagne littĂ©raire, qui est aussi celle de la Bretagne tout entiĂšre, est en effet porteuse d’avenir pour la rĂ©gion tel est, pour une large part, le message plus ou moins explicite de la rubrique Les Bretons » du Journal de Pontivy. Mais c’est aussi celui portĂ© par la plupart des Ă©crivains bretons, sous des formes certes variables. Je ne m’étendrai pas ici sur le cas de ThĂ©odore Botrel, le barde/chansonnier. On lui doit de 900 Ă  1 300 chansons ou poĂšmes, des Ɠuvrettes » selon les termes de François MĂ©rieux et Yves Le Gall dans l’Histoire littĂ©raire et culturelle de la Bretagne, mais aussi des piĂšces de théùtre et plusieurs recueils, une dizaine avant 1914, d’oĂč ressortent quelques thĂšmes majeurs, la mer, la nature bretonne, la sociĂ©tĂ© paysanne, la chouannerie
 Il change sans doute de statut avec la guerre, alors qu’il s’engage en aoĂ»t 1914 au 41e RI de Rennes, malgrĂ© son Ăąge 46 ans. Promu barde des armĂ©es », il multiplie les tournĂ©es sur le front, dont la presse – notamment bretonne – rend largement compte. Il publie plusieurs recueils au cours de cette pĂ©riode – Les Chants au bivouac en 1915, Les Chansons de route en 1916 chez Payot, Les Refrains de guerre de Botrel en 1917 –, une piĂšce de théùtre aussi, Le Vieux poilu, piĂšce en un acte en 1917. Si son engagement est avant tout celui pour la grande patrie, il n’en oublie pas pour autant la petite, en privilĂ©giant par exemple les tournĂ©es auprĂšs des troupes bretonnes – par exemple en janvier 1916, dans le secteur de QuenneviĂšres, tenu entre autres par la 61e DI de Nantes, tournĂ©e au cours de laquelle il doit ĂȘtre hospitalisĂ©35 –, en recourant aussi aux chants en breton nous y reviendrons. 36 Charles Le Goffic, Dixmude. Un chapitre de l’histoire des fusiliers marins, Paris, Plon, 1915. On t ... 37 Henri Clouard, Dixmude À propos du livre de M. Ch. Le Goffic », Revue hebdomadaire, juin 1915, ... 21L’ Ɠuvre de guerre » de Charles Le Goffic – dont l’audience dĂ©passe largement la Bretagne, ses livres Ă©tant Ă©ditĂ©s Ă  Paris, chez Plon notamment – relĂšve de la mĂȘme logique. Auteur d’une trentaine d’ouvrages dĂ©jĂ , le Lannionais, proche de l’Action française et membre-fondateur de l’Union rĂ©gionaliste bretonne, exploite pleinement la veine de la littĂ©rature de guerre, une littĂ©rature de circonstance permettant de cĂ©lĂ©brer l’action des Bretons. En publiant dĂšs 1915, dans la Revue des deux mondes tout d’abord, puis chez Plon, Dixmude. Un chapitre de l’histoire des fusiliers marins, dĂ©diĂ© Ă  son fils Jean, mĂ©decin au 1er RFM, il contribue Ă  populariser cette bataille, Ă  faire aussi et surtout de ces Thermopyles du Nord » le lieu de mĂ©moire de la bravoure bretonne36. Henri Clouard, dans le compte-rendu qu’il fait de l’ouvrage – le premier rĂ©cit complet et clair d’une sĂ©rie d’opĂ©rations qui brillera, dans l’épopĂ©e de la grande guerre, en chant quasi-divin »  – dans la Revue hebdomadaire, en juin 1915, Ă©crit ainsi37 Étrange sort qui mettait sur la route des terriens germaniques assemblĂ©s en horde cette poignĂ©e de gens de mer. [
] Et comme elle est touchante, cette raideur de mouvements par oĂč se trahissait “l’inexpĂ©rience de ces oiseaux de mer auxquels on rognait les ailes”. Les voilĂ  donc, ces Bretons car ils le sont pour la plupart, aux extrĂȘmes confins de la France orientale ; ces marins, les voilĂ  dans la boue et l’eau douce ; ces pĂšlerins des brumes, ils dĂ©fendent lĂ , au seuil d’une ville assoupie, le patrimoine et l’honneur d’une civilisation de lumiĂšre. » 22Il conclut, aprĂšs avoir Ă©voquĂ© l’évacuation de Dixmude 38 Ibid., p. 256-257. Les marins la regardent de par delĂ  l’autre rive de l’Yser maintenant submergĂ©e, et ils lui voient une figure de leur Bretagne ; car au bord de ce lac immobile, en pointe sur cette mer morte, Dixmude est pour eux mieux qu’un cap. CitĂ© de nostalgie jusqu’au bout, elle leur apparaĂźt – Le Goffic a raison – un Quiberon dĂ©sagrĂ©gĂ©38. » 39 Jean Norton Cru, TĂ©moins. Essai d’analyse et de critique des souvenirs de combattants Ă©ditĂ©s en fra ... 23Suivront, entre autres ouvrages, Les Marais de Saint-Gond, oĂč combattent les 10e et 11e corps, bretons, sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Foch, installĂ© prĂšs de Morlaix juste avant-guerre et, en 1916 toujours, Bourguignottes et pompons rouges, reprenant notamment ses ScĂšnes de la mobilisation en Bretagne », dĂ©jĂ  publiĂ©es dans le Petit Parisien, puis cinq autres rĂ©cits militaires hagiographiques qui assureront Ă  ce rĂ©gionaliste une aura nationale et une Ă©lection Ă  l’AcadĂ©mie française en 1930. Certes, la valeur des textes de Le Goffic comme tĂ©moignages a Ă©tĂ© trĂšs sĂ©vĂšrement mise en cause en 1929 par Jean Norton Cru. L’ancien combattant le stigmatise pour les contes et lĂ©gendes dont il remplit sa compilation d’anecdotes du front », notamment sur la question de la place de la baĂŻonnette dans les combats quant aux civils comme Le Goffic, bien placĂ©s pour voir, ils montrent la lame animĂ©e d’un va-et-vient qui troue un corps Ă  chaque pointĂ©e » se dĂ©sole-t-il, parlant plus loin des historiques romancĂ©s Ă  la Le Goffic39 ». Qu’importe Ă  vrai dire le message de Le Goffic sur l’action des Bretons reste. 40 Il consacre une notice Ă  Georges Veaux, aide-major au 41e RI de Rennes, qui relate les dĂ©buts de la ... 41 C’est le cas notamment du roman Le Sang noir, Ɠuvre du Briochin Louis Guilloux, qui ne paraĂźt qu’en ... 42 Nicolas BeauprĂ©, Écrits de guerre [
], p. 182. 24Il est vrai, de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, que les auteurs bretons sont rares chez Jean Norton Cru. Il ne retient parmi les tĂ©moins » dignes de foi que l’amiral Ronarc’h, qui publie Souvenirs de la guerre en 192140. Pas un Breton, par ailleurs, parmi les romanciers sur lesquels il s’attarde, peu parmi les auteurs de journaux ou souvenirs, pour reprendre sa classification. Il est vrai que l’on peinerait Ă  trouver des Ɠuvres marquantes, les plus importantes Ă©tant postĂ©rieures Ă  la publication de TĂ©moins41. Quant Ă  certains des poĂštes et romanciers Ă©voquĂ©s, dĂšs les annĂ©es de guerre, par Yves Le Febvre dans les pages de La PensĂ©e bretonne ou Émile Gilles dans les colonnes du Journal de Pontivy, ils ne publient guĂšre, au mieux, que de modestes recueils, le plus souvent de courts textes destinĂ©es Ă  des revues et journaux. Le cas de Joseph Berthier est de ce point de vue reprĂ©sentatif. Le Journal de Pontivy publie en effet plusieurs de ses textes, souvent trĂšs courts – deux ou trois colonnes Ă  la une –, relevant de ce genre brouillĂ©, entre fiction et rĂ©el, entre rĂ©cit et roman » dĂ©crit par Nicolas BeauprĂ© au sujet de l’écriture de guerre42. Si la violence de certaines descriptions peut surprendre pour une part, amenant l’historien Ă  s’interroger sur le fait de savoir si ces textes auraient pu Ă©chapper Ă  la censure ailleurs qu’en cette modeste place militaire qu’est Pontivy, l’absence de toute postĂ©ritĂ© limite grandement la portĂ©e de cette Ɠuvre. 25Pourtant, comme pour les peintres – l’on pense entre autres Ă  Lemordant, abondamment Ă©voquĂ© par le mĂȘme Journal de Pontivy ou La PensĂ©e bretonne –, la participation aux combats, la blessure ou la mort hĂ©roĂŻque deviennent pour certains des auteurs bretons des accĂ©lĂ©rateurs de notoriĂ©tĂ© littĂ©raire. C’est notamment le cas du jeune barde lĂ©onais Joseph Le Bras, tombĂ© glorieusement au champ d’honneur, du cĂŽtĂ© d’Arras, Ă  l’ñge de 26 ans, et dont la mort est un nouveau deuil pour la Bretagne » explique Émile Gilles dans l’édition du 14 novembre 1915 43 Le Journal de Pontivy, 14 novembre 1915. Dans l’intention de rendre hommage Ă  [sa] mĂ©moire, quelques amis du disparu ont dĂ©cidĂ© de rĂ©unir et de publier en un volume les Ă©crits Ă©pars qu’il a laissĂ©s. M. Camille Le Mercier d’Erm, chargĂ© de recueillir les Ă©lĂ©ments de ce livre posthume, sera reconnaissant aux personnes qui voudront bien l’aider dans sa tĂąche en lui communiquant les Ă©crits de Joseph Le Bras poĂšmes, articles, lettres etc. en breton ou en français, en prose ou en vers, imprimĂ©s ou manuscrits qu’ils pourront possĂ©der43. » 26Les Ă©crits de Joseph Le Bras » nous dit le texte, poĂšmes, articles, lettres etc. [
] en prose ou en vers, imprimĂ©s ou manuscrits », en breton ou en français » aussi et surtout. Une dimension ici essentielle, en ce qu’elle constitue, pour une part, une originalitĂ© l’affirmation d’une littĂ©rature en langue rĂ©gionale pour laquelle la Grande Guerre constitue un ressort essentiel. Écrire la Grande Guerre en breton l’affirmation de la seule petite patrie ? La guerre a fait du bien aux Bretons. Au lieu d’avoir honte de leur origine, ils lĂšvent fiĂšrement la tĂȘte aujourd’hui. La fiertĂ© de la race, qui s’était endormie il y a cent vingt ans dans la tombe du dernier chouan, s’est rĂ©veillĂ©e Ă  la voix du canon. Maintenant, ils savent combien beau est le nom de Breton, combien noble est leur race. » 44 Yann-Ber Calloc’h, Ar en Deulin. À genoux. Recueil bilingue, sl, Kendalc’h/Breizh Hor Bro, 2003 [1e... 27Tels sont les mots que l’aspirant Jean-Pierre Calloc’h rĂ©dige – en breton – dans son carnet le 28 aoĂ»t 1915, donnant implicitement sa prĂ©fĂ©rence Ă  la petite plutĂŽt qu’à la grande patrie44. 28L’homme n’est en rien reprĂ©sentatif de l’ensemble des combattants bretons de la Grande Guerre originaire de l’üle de Groix, cet ancien sĂ©minariste – la cĂ©lĂ©bration des chouans n’est pas anodine ici – est connu pour son engagement rĂ©gionaliste, notamment en faveur de la langue bretonne. Le barde Bleimor – puisque c’est ainsi qu’il signe un certain nombre de ses textes – a dĂ©jĂ  publiĂ© avant-guerre des poĂšmes dans Dihunamb, mensuel en breton dirigĂ© par Louis Henrio, ou, depuis aoĂ»t 1914, dans la revue Kloch’di Breizh – Le Clocher breton. MobilisĂ© en fĂ©vrier 1915 Ă  27 ans, son niveau d’études lui permet de suivre une formation d’officier Ă  Saint-Maixent. Promu aspirant le 20 aoĂ»t, il vient tout juste de rejoindre sur le front le 318e RI, le rĂ©giment de rĂ©serve de Quimper, lorsqu’il Ă©crit ces lignes qui disent bien un certain nombre des Ă©volutions alors en cours. Mais c’est sa mort surtout, en 1917, qui fait du militant rĂ©gionaliste un grand poĂšte » selon RenĂ© Bazin, un vrai Breton, vrai chrĂ©tien, vaillant soldat » pour Joseph Loth, un bon soldat breton » selon Pierre MocaĂ«r. C’est ce dernier qui fait Ă©diter en 1921 À genoux, un recueil de poĂšmes du Groisillon, devenu le symbole de l’alliance entre la grande et la petite patrie ; une alliance cĂ©lĂ©brĂ©e par Pierre MocaĂ«r dans sa prĂ©face, mais dĂ©noncĂ©e par Mordrelle dans Breizh Atao, nous l’avons vu. 45 Sur ce point, voir EugĂšne Delahaye, Quarante ans de journalisme, 1906-1946, Rennes, Imprimerie prov ... 29De maniĂšre plus large, Calloc’h illustre, pour une part, cette espĂšce de rĂ©investissement de la bretonnitĂ© » alors Ă  l’Ɠuvre, sa visibilitĂ© nouvelle en tout cas. Les traces en sont multiples, dĂ©passant le seul cadre de la littĂ©rature, des pratiques micro-toponymiques dans les tranchĂ©es Ă  l’intĂ©gration de binious et bombardes dans certaines musiques de rĂ©giments dont les dĂ©pĂŽts sont en Bretagne, de maniĂšre trĂšs officielle donc. Les lettres n’y Ă©chappent pas, sous des formes trĂšs variables. Ainsi de la publication de textes en breton dans certains journaux de tranchĂ©e ». L’on est, autant que l’on puisse en juger, au niveau de la littĂ©rature populaire », mĂȘme si tout indique que les auteurs sont des lettrĂ©s, maĂźtrisant parfaitement le breton littĂ©raire ainsi de Jules Gros, linguiste de premier plan aprĂšs-guerre, Ă  qui l’on doit, par exemple, les rubriques en langue bretonne de Grenadia, le journal du 41e RI de Rennes45 ; ainsi de Jules ar Breizad », auteur d’une bonne partie des textes en breton publiĂ©s dans Le Biniou Ă  poils, le journal du 248e RI de Guingamp. Il n’est pas anodin d’ailleurs que, parmi les articles que l’on trouve dans cette derniĂšre publication, figure, Ă  cĂŽtĂ© de textes signĂ©s par Anatole Le Braz, le Bro Goz va zadou – Vieux pays de mes pĂšres – un chant promu hymne breton » au congrĂšs de l’Union rĂ©gionaliste bretonne en 1904, dĂ» au barde Taldir, François Jaffrenou, celui-lĂ  mĂȘme dont le Journal de Pontivy donnait des nouvelles en 1915. 46 Fanch Gourvil, La Chanson bretonne au front, Rennes, F. Simon, 1916. Notons qu’il a Ă©tĂ© lui-mĂȘme af ... 30La chanson est d’ailleurs un autre moyen de rĂ©affirmation de cette identitĂ© bretonne. En 1916, Fanch Gourvil lance par exemple la publication de La Chanson bretonne au front, avec pour objectif affichĂ© de donner aux combattants bretons le dĂ©sir de connaĂźtre davantage [leur] littĂ©rature nationale » et d’aviver en [eux] le goĂ»t de [leur] langue »46. Bretons ! Votre langue, l’un des plus nobles idiomes qu’ait créé l’humanitĂ©, n’est point de celles que l’on doit mĂ©priser [
]. De ces ancĂȘtres, vous n’avez pas le droit de rougir [
]. Soyez en fiers votre fiertĂ© nationale vous donnera conscience de votre valeur individuelle. » 47 Dans les Cahiers bretons de septembre 1918, Louise Bodin consacre un article au botrĂ©lisme » ... 31Cette fiertĂ© bretonne affirmĂ©e – ici dans sa prĂ©face
 en français – se veut aussi pour une part une rĂ©ponse au patriotisme outrancier affichĂ© par un autre Breton, ThĂ©odore Botrel, barde des armĂ©es », dont on connaĂźt les chansons Ă  portĂ©e nationale – la fameuse Rosalie notamment – mais qui se risque cependant Ă  composer quelques chants en breton, notamment Kousk, soudardik – Dors, petit soldat. Pour lui aussi, la langue bretonne devient en quelque sorte un indispensable signe extĂ©rieur de bretonnitĂ© », mĂȘme si les critiques ne manquent pas47. 48 Pierre-Jakez Helias, Le Cheval d’orgueil. MĂ©moires d’un Breton du pays bigouden, Paris, Plon, 1975, ... 49 Sur cette question, voir une premiĂšre approche dans Ronan Le Coadic, La souffrance en chantant », ... 32Le cas des gwerziou est particuliĂšrement intĂ©ressant non seulement les auteurs de ces complaintes » sont souvent issus de milieux plus modestes voire populaires – ainsi qu’en atteste l’inĂ©gale qualitĂ© de leur expression Ă©crite –, mais ces chants, diffusĂ©s par le biais de feuilles volantes, sont composĂ©s Ă  destination d’un public lui aussi plus populaire. Certes, ces gwerziou n’ont rien de trĂšs nouveau dans leur forme elles s’adaptent Ă  la situation du moment, dĂ©crivant entre 1914 et 1919 la guerre en cours comme elles avaient pu Ă©voquer en multiples couplets, les infanticides, les naufrages, les retours de guerre » ainsi que l’explique Pierre Jakez HĂ©lias dans Le Cheval d’orgueil, et comme elles diront, plus tard, la guerre d’Espagne, l’Occupation, le marchĂ© noir ou le lancement de Spoutnik48. Rarement – jamais ? – un Ă©vĂ©nement n’avait suscitĂ© une telle production et partant, sans doute, une telle diffusion, cantonnĂ©e il est vrai Ă  la seule Basse-Bretagne49. Une soixantaine d’entre elles ont pu ainsi ĂȘtre collectĂ©es, racontant aussi bien Ar Bermission – la permission – que le rĂŽle des fusiliers-marins de l’amiral Ronarc’h Ă  Dixmude – Martoloted Breiz e Dixmud. Certaines de ces chansons sont d’ailleurs trĂšs clairement le fait de combattants eux-mĂȘmes, qui y dĂ©crivent leur expĂ©rience du front, tels ces deux soldats du 248e RI Ă  qui l’on doit deux gwerziou consacrĂ©es Ă  leur rĂ©giment il semble que ce soient les deux seuls chants qu’ils aient composĂ©s, signe de leur volontĂ© de dire la guerre, mĂȘme sous cette forme pour une part inhabituelle. 50 Daniel CarrĂ©, La forteresse intĂ©rieure », dans Gwendal Denis dir., MĂ©moire et trauma [
], p. 19 ... 51 Eul Labourer, War hent ar gĂȘr. Istor tri brizonier Breizhat e-pad ar brezel bras 1914-1918 skrivet ... 52 Daniel CarrĂ©, La forteresse [
] », p. 199-200. Si j’ai montrĂ©, je l’avoue, l’envers de la guerr ... 33L’on trouve peu de textes plus classiques » tĂ©moignant de ce besoin d’écrire en breton la littĂ©rature de ce temps de guerre relĂšve trĂšs largement de la poĂ©sie. Certes, Auguste Bocher publie dans Kroaz ar Vretoned Ă  partir de 1917 – et jusqu’en 1920 – Notennou Brezel », rĂ©cit de son expĂ©rience du conflit. Mais les rares publications en prose que l’on puisse identifier sont plus tardives. C’est en 1933 par exemple que Loeiz Herrieu – Louis Henrio – publie les premiers passages de Kamdro an Ankou, Le tournant de la Mort, dans une langue riche et coulante », celle d’un excellent bretonnant » nous dit Daniel CarrĂ©50. Au mĂȘme moment ou presque, dans un style cependant moins Ă©laborĂ©, marquĂ© par ses origines trĂ©gorroises, Eul Labourer – le laboureur –, en fait Joseph Lech’vien, fait paraĂźtre de maniĂšre anonyme War hent ar gĂȘr – Sur la route de la maison –, l’histoire de trois prisonniers bretons pendant la Grande Guerre 1914-1918 Ă©crite par l’un d’eux », opuscule destinĂ© Ă  soutenir le journal Breiz, hebdomadaire catholique en langue bretonne dirigĂ© par Yves Le Moal qui paraĂźt de 1927 Ă  193951. L’objectif de ces auteurs est cependant sans doute diffĂ©rent la guerre apparaĂźt comme un simple prĂ©texte, le sujet faisant vendre sans doute – justifiant le choix de cette thĂ©matique pour War hent ar gĂȘr. Il intĂ©resse aussi un lectorat qui peine Ă  faire son deuil, compliquant sans doute la tĂąche d’un Loeiz Herrieu qui tente vainement de justifier le fait qu’il ait pu dĂ©nigrer la guerre, les officiers et [ses] camarades » dans son rĂ©cit52. Il est, de maniĂšre plus globale, le support de la dĂ©nonciation d’un type de rapports Ă  la France. 53 À en croire Yves Le Diberder, le rĂŽle de Jean-Pierre Calloc’h est d’ailleurs important dans ce proc ... 54 Maurice Marchal, La question bretonne. II. La Bretagne moderne », Breiz Atao, no 3, mars 1930. 34La Grande Guerre apparaĂźt en effet comme la matrice de l’affirmation, par une petite Ă©lite intellectuelle, d’une vĂ©ritable revendication autour de la langue bretonne, par le biais de l’écrit et plus encore de la littĂ©rature, en un breton littĂ©raire en cours d’établissement53. Ce sont ces auteurs qui vont alimenter le mouvement rĂ©gionaliste mais aussi autonomiste dans l’entre-deux-guerres, en large dĂ©connection avec l’essentiel des revendications de la population bretonne. Pour eux cependant, la langue est un Ă©lĂ©ment central dĂšs mars 1920, Maurice Marchal dĂ©nonce le fait que la guerre ait dĂ©bretonnisĂ© en maints endroits, c’est-Ă -dire tristement francisĂ© [
] le “pays”. [On ne saurait] trouver admirables les mƓurs d’apaches et le langage assorti qui se sont implantĂ©s de fraĂźche date dans la plupart de nos vieux bourgs54. » 35DĂ©connectĂ© des rĂ©alitĂ©s du temps, le militant breton n’en dit pas moins, implicitement, la mutation fonctionnelle de la langue bretonne au cours de la guerre d’outil de communication usuel, elle s’est muĂ©e en moyen d’affirmation identitaire, s’en trouvant par lĂ  mĂȘme fragilisĂ©e. 36DĂ©jĂ , dans une lettre – en français – du 31 janvier 1916 adressĂ©e Ă  Achille Colin, Jean-Pierre Calloc’h, ce poĂšte exquis », cet Ă©crivain de grand talent » selon Émile Gilles, cet homme d’action et Ă©crivain breton » selon Yves Le Diberder, cofondateur avec lui de la revue Brittia avant-guerre, Ă©crivait 55 consultĂ© le 18 fĂ©vrier 2015. Il faudra, aprĂšs la guerre, faire quelque chose pour la Bretagne et sa langue. Si je dois mourir dans mes bottes, ici ou lĂ  avant la fin, l’un de mes plus grands chagrins, en mourant, sera de ne pouvoir donner mon effort avec les autres, sous le drapeau breton55. » 37Et l’on trouverait, sur le fond, des propos assez semblables sous la plume du socialiste Émile Masson, professeur du lycĂ©e de Pontivy, prĂ©sident de la section littĂ©raire de l’Union rĂ©gionaliste bretonne, dans une tribune du Journal de Pontivy d’aoĂ»t 1917 56 Le Journal de Pontivy, 5 aoĂ»t 1917. C’est notre honneur Ă  nous, Bretons, c’est l’honneur aussi des Français, pour qui ces hĂ©ros sont morts, et que leur mort a sauvĂ©s de l’opprobre, d’exalter cette langue vĂ©nĂ©rable et de faire que leurs enfants croissent en elle, s’instruisent en elle, et se glorifient d’elle dans le monde. Notre langue bretonne aussi, car le sang et le martyre de tous ceux qui l’on parlĂ©e en mourant pour la libertĂ© des peuples, a bien mĂ©ritĂ© d’ĂȘtre immortelle et d’ĂȘtre libre56 ! » Conclusion 38Au final, on le voit au terme de cette premiĂšre approche exploratoire, c’est avant tout le sentiment de complexitĂ© des rapports Ă  l’identitĂ© rĂ©gionale qui ressort de la lecture de nombre des Ɠuvres littĂ©raires concernant la Bretagne dans la Grande Guerre. 39On y retrouve certes, Ă  grand traits, les principales conclusions de Nicolas BeauprĂ© Ă  une autre Ă©chelle la rĂ©gion n’est, pour une part, que la nation en miniature. Mais la rĂ©gion – et notamment la Bretagne – a aussi un certain nombre de caractĂšres propres. S’y joue de ce fait l’affirmation croissante d’une identitĂ© spĂ©cifique, posĂ©e de maniĂšre plus positive, plus nette, y compris par le combat pour la nation, articulant appartenance Ă  la grande et Ă  la petite patrie, selon des dosages et des modalitĂ©s fort variables cependant. La littĂ©rature y contribue largement, par la visibilitĂ© qu’elle donne Ă  cette affirmation, quand bien mĂȘme son rĂŽle ne se limiterait pas Ă  cela. Et, aprĂšs la Grande Guerre, alors que s’affirme un mouvement clairement autonomiste, sĂ©paratiste, justifiant ses positions par les sacrifices consentis entre 1914 et 1918, c’est pour une part sur les Ɠuvres de guerre de quelques Ă©crivains-combattants bretons, dont Jean-Pierre Calloc’h, que ce mouvement s’appuie. 57 Julien de Caseboune, Un Soldat bĂ©arnais dans la Guerre, Pau, Institut bĂ©arnais et gascon, 2011. 40Faut-il pour autant conclure Ă  une spĂ©cificitĂ© de la littĂ©rature bretonne de ce point de vue ? Sans doute pas. Si l’autonomisme est sans doute plus fort ici qu’en bien d’autres rĂ©gions, la reformulation des identitĂ©s locales, le renouvellement du militantisme rĂ©gional au lendemain de la Grande Guerre, invitent Ă  des Ă©tudes comparatistes bien au-delĂ  des sempiternels contrepoints que constituent, pour la Bretagne, Corse ou Pays basque. De Calloc’h Ă  Pourrat l’Auvergnat, de Botrel Ă  Caseboune le BĂ©arnais57. Haut de page Notes 1 Olivier Mordrelle, Ar en Deulin », Breizh Atao, no 5-6, mai-juin 1921. 2 Au-delĂ  de quelques monographies, telles les travaux de Gwendal Denis Fañch EliĂšs-Abeozen 1896-1963. Sa vie, son Ɠuvre, thĂšse en Ă©tudes celtiques, Rennes 2, 1988, de Daniel CarrĂ© Loeiz Herrieu, un paysan breton dans la Grande Guerre analyse de sa correspondance avec son Ă©pouse, thĂšse en Ă©tudes celtiques, Rennes 2, 1999 ou d’Erwan Hupel Une chanson aux lĂšvres », dans Gwendal Denis dir., MĂ©moire et trauma de la Grande Guerre. Bretagne, Catalogne, Corse, Euskadi, Occitanie, TIR, 2010, p. 227-238, sur l’Ɠuvre de guerre de Jean-Pierre Calloc’h, signalons les synthĂšses – fort lacunaires sur ce thĂšme – que constituent Jean Balcou et Yves Le Gallo dir., Histoire littĂ©raire et culturelle de la Bretagne, Paris-GenĂšve, Slatkine, 1987 et Yannick Pelletier dir., Histoire gĂ©nĂ©rale de la Bretagne et des Bretons, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1990. 3 Les frontiĂšres – sans doute trop floues – du corpus ainsi dĂ©fini permettent cependant, dans la phase exploratoire qui est la mienne Ă  ce stade de la recherche, de ne rejeter aucun auteur d’emblĂ©e. 4 Cet article doit beaucoup aux Ă©changes avec Didier Guyvarc’h. Qu’il en soit ici remerciĂ©. L’aide de Renan Donnerh, Erwan Hupel ou Yann-Fañch Kemener a Ă©tĂ© particuliĂšrement prĂ©cieuse sur certains points. 5 Gabriel Chevallier, La Peur, Paris, Le Dilletante, 2008 [1e Ă©d. 1930], p. 140. 6 Il est, me semble-t-il, rĂ©vĂ©lateur qu’en Ă©voquant une sĂ©rie de blessĂ©s, M. Dugard Âmes de France », Revue de Paris, 1915, p. 821 ne signale l’origine que de l’un d’entre eux, aux caractĂ©ristiques d’ailleurs trĂšs proches de celles dĂ©crites par Gabriel Chevallier pour son petit Breton », dans un article publiĂ© en 1915 dans la Revue de Paris il s’agit d’ un paysan breton qui, les mains crispĂ©es aux barreaux de son lit de fer, supporte un coup de bistouri et l’extraction d’un Ă©clat d’obus sans laisser Ă©chapper autre chose qu’un bref gĂ©missement ». Le blessĂ© prĂ©cĂ©dent n’est dĂ©crit que comme charretier », le suivant comme mĂ©canicien de village ». 7 Gabriel Chevallier, La Peur, p. 131 et 321. 8 Ibid. 9 Il ne saurait bien sĂ»r ĂȘtre ici question d’une approche strictement quantitative. Notons qu’Henri Barbusse, Le Feu, Paris, Flammarion, 1916, p. 17-18, se montre plus Ă©clectique dans ses rĂ©fĂ©rences rĂ©gionales. Nous sommes de toutes les races. Nous sommes venus de partout » Ă©crit-il, associant Ă  Biquet – un Breton pas Ă©quarri, Ă  peau grise, Ă  mĂąchoire de pavĂ© » – Poterloo, le mineur de la fosse Calonne », Mesnil, le confortable pharmacien de sous-prĂ©fecture normande », Lamuse, le gras paysan du Poitou », Barque Ă  l’accent faubourien, un Morvandiau, signalant encore l’accent quasi-belge et chantant de ceux "de ch’Nord" venus du 8e territorial » et le patois s’exhalant des groupes que forment entre eux, obstinĂ©ment, au milieu des autres, comme des fourmis qui s’attirent, les Auvergnats du 124 ». 10 Sur ce point, voir Yann Lagadec, L’approche rĂ©gionale, quelle pertinence ? Le cas des combattants bretons dans la Grande Guerre », dans MichaĂ«l Bourlet, Yann Lagadec et Erwan Le Gall dir., Petites patries dans la Grande Guerre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 29-69. 11 Avec les Bretons dans la bataille de France 14-23 juillet 1918 », Études de thĂ©ologie, de philosophie et d’histoire, 1918, p. 563-578. 12 Ibid., p. 573 et 575. 13 Impressions de guerre. I. Impressions d’aumĂŽnier », Études de thĂ©ologie, de philosophie et d’histoire, 1916, p. 74. 14 Commandant Émile Vedel, Nos marins Ă  la guerre. Sur mer et sur terre, Paris, Payot, 1916, p. 238. 15 Ibid., p. 253-254. 16 Nicolas BeauprĂ©, Écrits de guerre, 1914-1918, Paris, CNRS Éditions, 2013, p. 268 sq. 17 Gabriel Bounoure, Images de la Grande Guerre. Alain RenĂ© », La Revue de Paris, 1916, p. 539 et Images de la Grande Guerre. Champ de bataille », La Revue de Paris, 1914, p. 317. On doit aussi Ă  Gabriel Bounoure un long article publiĂ© en deux livraisons en 1921, consacrĂ© Ă  La 22e division au chemin des Dames, le 27 mai 1918 », La Revue de Paris, 1921, juillet-aoĂ»t, p. 719-748 et p. 34-72 dans lequel il s’érige en dĂ©fenseur des troupes de cette division qui, au premier jour de l’opĂ©ration BlĂŒcher, cĂ©dĂšrent sous le nombre, provoquant une rupture du front sur l’Aisne. 18 Gabriel Bounoure, Images [
] », p. 561. 19 Ibid., p. 317. 20 Ibid., p. 313. 21 Ibid., p. 561. 22 Roland Dorgeles, Les Croix de bois, Paris, Albin Michel, 1993 [1e Ă©d. 1919], p. 160. 23 Roger Vercel, Capitaine Conan, Paris, Albin Michel, 2013 [1e Ă©d. 1934], p. 15. 24 L’Ouest-Éclair, 11 dĂ©cembre 1934. 25 Sur ce point, voir Didier Guyvarc’h et Yann Lagadec, Les Bretons et la Grande Guerre. Images et histoire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 168-191. 26 Voir, dans cette mĂȘme livraison, la contribution de BenoĂźt Kermoal. 27 Émile Gilles, La Chouannerie et ses victimes. Corentin Le Floch, dĂ©putĂ© aux États gĂ©nĂ©raux de 1789, Pontivy, Anger, 1909. On lui doit aussi Au cƓur de la Bretagne. De Pontivy Ă  LocminĂ©, Josselin et PloĂ«rmel, Pontivy, Anger, 1913 et, au lendemain de la guerre, Le Petit poilu du FaouĂ«t, Pontivy, imprimerie Angers, 1919, prĂ©facĂ© par Charles Le Goffic. 28 Journal de Pontivy, 17 octobre 1915. Dans La PensĂ©e bretonne de fĂ©vrier 1917, Yves Le Febvre publie une des derniĂšres lettres » de Joseph Berthier, en date du 29 octobre 1916, prĂ©sentĂ©e comme ayant la valeur d’un testament politique et littĂ©raire » Elle honore Berthier. Elle honore aussi La PensĂ©e bretonne Ă  laquelle J. Berthier appartenait de tout son cƓur hĂ©roĂŻque de Breton et de Français ». 29 Journal de Pontivy, 6 dĂ©cembre 1914. 30 Ibid., 24 octobre 1915. L’article prĂ©cise que ses derniĂšres paroles furent “Vous direz Ă  mon pĂšre que je suis mort en Breton !” »  31 Ibid., 6 dĂ©cembre 1914. Charles GĂ©niaux, nĂ© Ă  Rennes en 1870, est avant tout un Ă©crivain orientaliste. Grand prix de l’AcadĂ©mie française, il est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages consacrĂ©s notamment Ă  l’Afrique du Nord oĂč il voyage entre autres pendant la guerre, comme le rappelle Émile Gilles dans ses chroniques du Journal de Pontivy. 32 Ibid., 14 novembre 1914. Émile Gilles ne signale pas ici que Le Febvre, exemptĂ© pour raisons mĂ©dicales, s’est portĂ© volontaire. Il ne dira jamais non plus qu’il ne connaĂźtra de la guerre que les dĂ©pĂŽts bretons. 33 Ibid., 7 novembre 1915. 34 Voir, dans cette mĂȘme livraison, la contribution de Pierre Cornu sur Henri Pourrat. 35 ThĂ©odore Botrel, en se rendant Ă  la CarriĂšre Prat pour y donner une audition de ses chansons aux poilus des tranchĂ©es de QuenneviĂšres, a Ă©tĂ© pris d’un malaise subit, provoquĂ© par le surmenage de dix-sept mois d’incessantes randonnĂ©es Ă  travers les cantonnements du front. Il dut ĂȘtre transportĂ© d’urgence Ă  l’ambulance de Tracy-le-Mont. Il est aujourd’hui en traitement Ă  l’hĂŽpital militaire de CompiĂšgne. Nos vƓux de prompt et complet rĂ©tablissement » Journal de Pontivy, 23 janvier 1916. 36 Charles Le Goffic, Dixmude. Un chapitre de l’histoire des fusiliers marins, Paris, Plon, 1915. On trouverait des propos du mĂȘme genre chez Paul Broise, Le CimetiĂšre de Dixmude octobre-novembre 1914. RĂ©cit d’un fusilier marin, Lorient, Catherine, 1917, ouvrage d’ailleurs prĂ©facĂ© par Le Goffic. 37 Henri Clouard, Dixmude À propos du livre de M. Ch. Le Goffic », Revue hebdomadaire, juin 1915, p. 247-248. 38 Ibid., p. 256-257. 39 Jean Norton Cru, TĂ©moins. Essai d’analyse et de critique des souvenirs de combattants Ă©ditĂ©s en français de 1915 Ă  1928, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2006, p. 29 et 487. 40 Il consacre une notice Ă  Georges Veaux, aide-major au 41e RI de Rennes, qui relate les dĂ©buts de la guerre dans En suivant nos soldats de l’Ouest, Ă©ditĂ© en 1917, dĂ©jĂ  publiĂ© cependant par Ă©pisodes dans L’Ouest-Éclair dĂšs 1916. 41 C’est le cas notamment du roman Le Sang noir, Ɠuvre du Briochin Louis Guilloux, qui ne paraĂźt qu’en 1935. Voir Nicolas BeauprĂ©, Louis Guilloux et la PremiĂšre Guerre mondiale », Guerres mondiales et conflits contemporains, no 175, 1994, p. 3-19. 42 Nicolas BeauprĂ©, Écrits de guerre [
], p. 182. 43 Le Journal de Pontivy, 14 novembre 1915. 44 Yann-Ber Calloc’h, Ar en Deulin. À genoux. Recueil bilingue, sl, Kendalc’h/Breizh Hor Bro, 2003 [1e Ă©d. 1921], p. 227. 45 Sur ce point, voir EugĂšne Delahaye, Quarante ans de journalisme, 1906-1946, Rennes, Imprimerie provinciale de l’Ouest, p. 52-69. Journaliste avant-guerre au trĂšs catholique et conservateur Nouvelliste de Bretagne, il raconte comment le journal, tirĂ© tout d’abord sur le duplicateur du bureau du colonel » commandant le 41e RI, est ensuite imprimĂ© sur les presses de L’Éclair de l’Est Ă  Nancy. Une vingtaine de numĂ©ros paraissent jusqu’en 1918. Les articles de Jules Gros en breton sont visĂ©s par l’état-major de l’armĂ©e dont dĂ©pendent la 131e DI et le 41e RI de fait, la validation de ces textes par le colonel MĂ©ziĂšres, commandant du rĂ©giment, suffit aux niveaux hiĂ©rarchiques supĂ©rieurs pour autoriser la publication
 sans mĂȘme chercher Ă  comprendre ce qui y est dit. 46 Fanch Gourvil, La Chanson bretonne au front, Rennes, F. Simon, 1916. Notons qu’il a Ă©tĂ© lui-mĂȘme affectĂ©, durant la guerre, au contrĂŽle postal des lettres en langue bretonne. 47 Dans les Cahiers bretons de septembre 1918, Louise Bodin consacre un article au botrĂ©lisme » Quand [Botrel] a vu que le botrĂ©lisme Ă©tait quasiment considĂ©rĂ© comme un instrument de victoire dans les hautes sphĂšres civiles et militaires – quelque chose comme l’eau de Jouvence de l’abbĂ© Soury, ou les pilules Pinck, avec attestations et portrait –, Botrel a cru que c’était arrivĂ©, et qu’il avait du gĂ©nie. Il dit nĂ©gligemment que, sans lui, certaines attaques n’auraient pu rĂ©ussir. Mais, malgrĂ© tous les Arock Bretoned, les Kenavo, les sabots de bois et les sainte Anne d’Auray, dont sont Ă©maillĂ©s ses deux livres, la Bretagne n’y est vraiment pour rien. J’en appelle Ă  tous ceux qui, depuis, plus de trente mois, ayant aux fibres les plus secrĂštes de leur cƓur la nostalgie de leur Bretagne, vivent, pensent, souffrent, agissent une guerre effroyable. Entre tant d’élĂ©ments divers, de complexitĂ©s, de pĂ©ripĂ©ties dont elle est la synthĂšse formidable, le botrĂ©lisme n’en aura sans doute Ă©tĂ© que le moindre ridicule, sinon le moins surprenant » ; Louise Bodin Botrel, ou plutĂŽt le botrelisme », Cahiers bretons, sept. 1918, p. 46. 48 Pierre-Jakez Helias, Le Cheval d’orgueil. MĂ©moires d’un Breton du pays bigouden, Paris, Plon, 1975, p. 184 ; voir de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale Serge Nicolas et Thierry Rouaud, Quand les Bretons chantaient l’histoire, Gourin, Éditions des Montagnes noires, 2013. 49 Sur cette question, voir une premiĂšre approche dans Ronan Le Coadic, La souffrance en chantant », dans Gwendal Denis dir., MĂ©moire et trauma [
], p. 135-187. 50 Daniel CarrĂ©, La forteresse intĂ©rieure », dans Gwendal Denis dir., MĂ©moire et trauma [
], p. 197 et LoeĂŻz Herrieu, Le tournant de la mort, Rennes, TIR, 2014. 51 Eul Labourer, War hent ar gĂȘr. Istor tri brizonier Breizhat e-pad ar brezel bras 1914-1918 skrivet gant unan anezho, Plabennec, Nadoz-Vor Embannaduriou, Ă  paraĂźtre. On trouve d’ailleurs des tĂ©moignages du mĂȘme genre publiĂ©s en Haute Bretagne. Le plus connu est sans doute celui d’Ambroise Harel, Ă©ditĂ© Ă  compte d’auteur Ă  la fin des annĂ©es 1920 Ambroise Harel, MĂ©moire d’un poilu breton, Rennes, Ouest-France, 2009. 52 Daniel CarrĂ©, La forteresse [
] », p. 199-200. Si j’ai montrĂ©, je l’avoue, l’envers de la guerre, c’est que malgrĂ© tous mes efforts pour chercher Ă  voir et Ă  comprendre, je n’en ai jamais vu le bon cĂŽtĂ©, ce seul cĂŽtĂ© que l’on nous dĂ©peignait Ă  l’école et dans les livres » Ă©crit-il. Et de conclure J’ai compris que l’amour de la patrie, pas plus que l’amour d’autre chose, ne peut se dĂ©crĂ©ter. » 53 À en croire Yves Le Diberder, le rĂŽle de Jean-Pierre Calloc’h est d’ailleurs important dans ce processus Parfaitement au courant de notre langue nationale dans tous ses dialectes, il y Ă©tait arrivĂ© Ă  une grande maĂźtrise. Il travaillait encore Ă  la perfectionner, et il aura Ă©tĂ© un de ceux qui auront le plus fait avancer la restauration et l’unification du breton littĂ©raire » ; Le Journal de Pontivy, 29 avril 1917. 54 Maurice Marchal, La question bretonne. II. La Bretagne moderne », Breiz Atao, no 3, mars 1930. 55 consultĂ© le 18 fĂ©vrier 2015. 56 Le Journal de Pontivy, 5 aoĂ»t 1917. 57 Julien de Caseboune, Un Soldat bĂ©arnais dans la Guerre, Pau, Institut bĂ©arnais et gascon, de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Yann Lagadec, LittĂ©ratures, identitĂ©s rĂ©gionales et Grande Guerre en Bretagne », SiĂšcles [En ligne], 39-40 2014, mis en ligne le 27 novembre 2015, consultĂ© le 17 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page
Unpeu d'histoire Des cartes articulĂ©es, cartonnĂ©es et imprimĂ©es Ă©taient dĂ©jĂ  vendues au tout dĂ©but du XXĂšme siĂšcle. En 1904, Jacques Fronton, chroniqueur au Journal du Dimanche, signalait leur apparition Ă  la Foire de Paris, sur les stands des maisons de cartes postales qui y sont « lĂ©gion ». « La nouveautĂ© du jour, Ă©crivait-il, c’est la carte postale
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Durantla PremiĂšre Guerre mondiale, des milliers d'enfants ont tentĂ© de partir au front. EngagĂ© Ă  15 ans, aprĂšs avoir menti sur son identitĂ©, le Breton Jean-Corentin CarrĂ© devint Ă  l'Ă©poque le plus cĂ©lĂšbre symbole de courage et de patriotisme : Affiche de propagande, 1917 A l’arriĂšre, la majoritĂ© de la sociĂ©tĂ© adhĂ©ra au discours patriotique, qui fit partie intĂ©grante de l’effort de guerre, notamment pour les enfants. Il exigeait de consentir Ă  des rationnements alimentaires ou Ă  d’autres privations, afin de permettre aux soldats du front de gagner leur combat Ă  civils nouvelles cibles de la guerre RĂ©fugiĂ©s belges traversant le Nord de la France, 1914 Fugitifs belges quittant Bruxelles, 1914Page 1 and 2 2 A l’arriĂšre, les civils souPage 3 and 4 Graines de poilu », cartes postPage 5 Les restrictions alimentairesPage 9 and 10 Excavation et dĂ©gĂąts occasionnĂ©sPage 11 and 12 Civils dans une cave de Champagne pPage 13 and 14 Affiche pour la journĂ©e nationale Page 15 and 16 Le gĂ©nocide armĂ©nien cas extrĂȘPage 17 and 18 Mohamet V, sultan de Turquie, 1915 Page 19 and 20 3 Des moments de crise Mon cherPage 21 and 22 Lettre de PĂ©tain au ministre de laPage 23 and 24 Georges Clemenceau sur le front, JaPage 25 and 26 La paix blanche » de BenoĂźt XV
LacathĂ©drale Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Maurienne est une cathĂ©drale catholique situĂ©e Ă  Saint-Jean-de-Maurienne en Savoie. Elle est le siĂšge du diocĂšse de Maurienne uni au diocĂšse de ChambĂ©ry en 1966 1 . Cette cathĂ©drale fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le 30 octobre 1906 2 .
Le 18 mars 2018 au FAOUËT 56320l’AETA Bretagne rendra hommage avec son Drapeau au plus jeune Poilu de France mort en combat aĂ©rien il y a 100 ansLes arpĂštes sont attendus pour cet hommage dans le cadre du devoir de mĂ©moire cher Ă  l’AETASoldat Ă  quinze ans, sergent dĂ©corĂ© Ă  seize, adjudant Ă  dix-sept, tuĂ© Ă  l’ennemi Ă  dix-huit, telle fut la vie de Jean Corentin Corentin CARREDe tous les morts inscrits sur le monument aux morts du FaouĂ«t Morbihan, il en est un dont le nom vivra dans l’Histoire de France, c’est celui de Jean-Corentin CarrĂ©, dit le Petit Poilu du FaouĂ«t », mort Ă  l’ennemi dans son avion en flammes, Ă  l’ñge de dix-huit ans. Son exemple mĂ©rite d’ĂȘtre citĂ©, en particulier aux enfants des Ă©coles, c’est pourquoi un hommage lui sera rendu le 18 mars 2018, date du centenaire de sa mort au FaouĂ«t le 9 janvier 1900 Jean Corentin CarrĂ©, bien que son pĂšre fĂ»t un pauvre journalier, frĂ©quenta assidĂ»ment l’école jusqu’à douze ans, puis entra comme petit commis chez le percepteur qu’il suit lorsque ce dernier fait mouvement sur MaulĂ©on PyrĂ©nĂ©es Atlantiques. Vint la guerre. Jean-Corentin CarrĂ©, dĂšs les premiers jours, voudrait s’engager, mais il n’a que quatorze ans alors que l’ñge lĂ©gal est de dix-sept. Il essaye alors d’obtenir des papiers au nom de son frĂšre plus ĂągĂ© ; il n’y rĂ©ussit pas. Mais le 27 avril 1915, Ă  quinze ans et trois mois, il est plus heureux ; il tente en effet le tout pour le tout auprĂšs du bureau de recrutement, en ayant recours Ă  un subterfuge. Pour ne pas Ă©veiller les soupçons, il dĂ©clare s’appelĂ© Auguste DUTHOY, ĂȘtre nĂ© Ă  Rumigny Ardennes, dĂ©partement alors occupĂ© par l’armĂ©e allemande. Aucune vĂ©rification n’étant possible, il est engagĂ© au 410Ă©me d’ 20 octobre 1915, il part pour le front Ă  Sainte-Menehould. Portant allĂšgrement son barda » et ne le cĂ©dant en rien aux vieux brisquards. Le 29 octobre, Jean-Corentin CarrĂ© reçoit le baptĂȘme du feu. Je n’ai pas eu peur » note-t-il sur son journal ». Le 15 novembre il monte en premiĂšre ligne et tout aussitĂŽt il est volontaire pour toutes les missions. AprĂšs avoir tenu les secteurs de Mesnil-les-Hurlus, de Somme-Tourbe, de Somme-Suippe jusqu’en mai 1916, le 410Ăšme prend position entre la ferme de Thiaumont et la cĂŽte du Poivre, en avant de la cĂŽte de Froideterre et du fameux ravin de la Mort. Le 19 juin 1916 ; il est sergent il a juste seize ans et demi, pas encore l’ñge officiel d’ĂȘtre 15 novembre, le Petit Poilu, qui a pour mission de couper les barbelĂ©s ennemis, fait un prisonnier allemand, ce qui lui vaut de chaudes fĂ©licitations et une citation Ă  l’ordre du corps d’armĂ©e. Il a la croix de guerre et ses dix-sept ans tant attendus DUTHOY voudrait reprendre son nom, aussi le 29 dĂ©cembre 1916 il adresse la lettre suivante Ă  son colonel Mon identitĂ© est fausse. Je ne suis pas le sergent Auguste DUTHOY. Je m’appelle CarrĂ© Jean-Corentin je suis nĂ© Ă  Le FaouĂ«t Morbihan, le 9 janvier 19O0. J’aurai 17 ans le 9 janvier prochain. Je vous Ă©cris pour vous demander s’il ne me serait pas possible, ayant l’ñge rĂ©glementaire, de reprendre mon vĂ©ritable nom sans quitter le front. Je prĂ©fĂ©rerais rester Ardennais jusqu’à la fin de la guerre et sans que mes chefs directs sachent la vĂ©ritĂ©. Je ne suis pas plus patriote qu’un autre, mais je considĂšre qu’un Français, lorsqu’il est assez fort pour faire un soldat, est un lĂąche s’il reste Ă  l’ colonel, je suis, sous vos ordres, le serviteur de la France ».Jean-Corentin jours plus tard, en rĂ©ponse, le colonel nommait le sergent DUTHOY adjudant. Le changement de nom s’effectue, mais l’adjudant DUTHOY devient le soldat CarrĂ©. Toutefois, en quelques jours, le colonel lui rend, l’un aprĂšs l’autre, tous ses grades. Le 16 avril, le 410Ăšme attaque les Cavaliers de Courcy, et la compagnie de CarrĂ© est citĂ©e Ă  l’ordre de l’armĂ©e, ayant fait cinquante prisonniers, enlevĂ© un canon, deux minenwerfer » et deux mitrailleuses. Le16 juin, nouvelle attaque qui vaut au Poilu sa seconde citation Ă  l’ordre de l’ 20 juin, sur sa demande, il passe dans l’aviation. Je saurai montrer aux aviateurs, dit-il, ce que vaut un Breton du 410Ăšme ».PassionnĂ© pour sa nouvelle arme, il fait preuve des plus belles qualitĂ©s militaires et conquiert rapidement son brevet de pilote. Au mois de fĂ©vrier 1918 il revint en il a le pressentiment de sa mort. Un soir, chez sa sƓur, Ă  la fin du repas, il grave ces mots sur la table CarrĂ© Jean, tuĂ© le 22 mars ». Il ne se trompait guĂšre. Le 18 mars, en effet, il tombait prĂšs de Souilly, accomplissant un dernier exploit prĂšs de ce Verdun qu’il avait dĂ©fendu comme fantassin. Voici sa derniĂšre citation posthume Adjudant Jean-Corentin CarrĂ©, du 410Ăšme rĂ©giment d’infanterie, pilote Ă  l’escadre par trois avions ennemis, le 18 mars, s’est dĂ©fendu Ă©nergiquement jusqu’à ce que son appareil soit abattu, l’entraĂźnant dans une mort glorieuse.
NB.: ce thÚme est calculé arbitrairement pour midi. Si vous connaissez l'heure de naissance de Corentin Moutet, merci d'envoyer votre information avec sa source à stars@astrotheme.fr.Un portrait astrologique (35 pages) de cette célébrité vous sera envoyé gratuitement pour vous remercier, sur demande.
Une page de Wikimedia Commons, la mĂ©diathĂšque libre. Aller Ă  la navigation Aller Ă  la rechercheCorentin Jean CarrĂ© militaire françaisTĂ©lĂ©verser des mĂ©dias WikipĂ©diaNom dans la langue maternelle de la personneCorentin Jean CarrĂ© zizzzzDate de naissance9 janvier 1900Le FaouĂ«tDate de mort18 mars 1918VerdunPays de citoyennetĂ©FranceOccupationmilitaireAutoritĂ© Q2997227identifiant VIAF 308794219identifiant BibliothĂšque nationale de France 160402084identifiant IdRef 178400394Reasonator ‱ Scholia ‱ PetScan ‱ statistique ‱ WikiMap ‱ Locator tool ‱ fichier KML ‱ Chercher les reprĂ©sentations MĂ©dia dans la catĂ©gorie Corentin CarrĂ© » Cette catĂ©gorie comprend 4 fichiers, dont les 4 ci-dessous. 364 Monument Corentin 2 214 × 3 006 ; 3,75 Mio 527 ChĂąteaulin 1 980 × 2 015 ; 773 Kio Monument Ă  Corentin 1 932 × 2 576 ; 1,71 Mio À la Gloire de Jean Corentin CarrĂ© Victor ProuvĂ©.jpg 1 499 × 1 893 ; 707 Kio RĂ©cupĂ©rĂ©e de » CatĂ©gories 1900 births1918 deathsCarrĂ© surnameCorentin given name20th-century people of MorbihanBretagne in World War IWorld War I child soldiersCatĂ©gories cachĂ©es Uses of Wikidata InfoboxDeceased people by nameMen by namePeople by name
Mediain category "World War I posters of France". The following 126 files are in this category, out of 126 total. "Pour La Liberte du Monde" Statue of Liberty art in 1917 detail, from- Statueoflibertyd (cropped).jpg 2,173 × 3,247; 6.7 MB. 15 octobre × 901; 300 KB.

Media in category "World War I posters of France" The following 127 files are in this category, out of 127 total. "Pour La Liberte du Monde" Statue of Liberty art in 1917 detail, from- Statueoflibertyd cropped.jpg 2,173 × 3,247; MB 111-SC-7151 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7152 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7153 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7154 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7156 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7157 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7158 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7159 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7160 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7161 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7162 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7163 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7164 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7165 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7167 - NARA - 55175156 journĂ©e du poilu.jpg 2,908 × 4,668; MB 111-SC-7167 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7168 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7170 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7172 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7173 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7187 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7190 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7192 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7193 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7194 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7195 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7196 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7197 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7207 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7208 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7209 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7210 - NARA - 55175240 grande matinĂ©e de bienfaisance.jpg 3,319 × 4,574; MB 111-SC-7210 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7211 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7212 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7213 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7215 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7216 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7217 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7218 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7219 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 111-SC-7222 - NARA - 55175262 1916 cropped.jpg 4,646 × 2,553; MB 111-SC-7222 - NARA - 9,183 × 6,305; MB 15 octobre 640 × 901; 300 KB 698 × 1,024; 202 KB 5 Sammlung Eybl Frankreich. Lucian Jonas 1880-1947. Grand MatineĂ© de Bienfaisance Große WohltĂ€tigkeitsmatinĂ©e zugunsten der Witwen und Waisen. 1917. 120 x 80 cm. 590.jpg 9,223 × 14,182; MB A nurse holding a young child - 633 × 846; 73 KB A. Galland, les BlessĂ©s au travail - 3,268 × 2,504; MB Affiche "Chemins de fer du Nord"- Archives nationales- 4,839 × 7,246; MB Affiche 2,550 × 3,486; MB Affiche 1 guerre mondiale 1.jpg 1,356 × 1,962; 935 KB Affiche RĂ©publique française. Grand quartier gĂ©nĂ©ral des ArmĂ©es. Avis aux populations- Archives nationales- 4,928 × 3,680; MB Affiche Mes chers concitoyens »- Archives nationales- 2,321 × 1,727; 822 KB Affiches composĂ©es par les enfants de France, 854 × 1,252; MB American Fund for French Wounded 566 × 800; 63 KB Charles TochĂ© - On les 2,552 × 3,260; MB Collection de publicitĂ©s Dubonnet pendant la guerre 1914-1918 976 × 640; 367 KB Collection de publicitĂ©s Dubonnet pendant la guerre 1914-1918 1,002 × 640; 449 KB ComitĂ© de l’or Amiens Louis Abel-Truchet.jpg 2,275 × 3,000; MB Debout! Nos morts pour la patrie . . . voici la France! 1,024 × 692; 133 KB DĂ©claration du Gouvernement Ă  la Chambre des dĂ©putĂ©s et au SĂ©nat, lue par RenĂ© Viviani- Archives nationales- 3,282 × 4,668; MB 200 × 312; 147 KB Exposition de guerre au bĂ©nĂ©fice des orphelins toulousains de la guerre Auguste Auglay.jpg 1,499 × 2,259; 840 KB Gare d’Épinal - 1,650 × 1,210; 499 KB Havre Le - MĂ©diathĂšque de l'architecture et du patrimoine - 441 × 600; 75 KB Havre Le - MĂ©diathĂšque de l'architecture et du patrimoine - 436 × 600; 85 KB Henri Dangon, affiche Salon des armĂ©es 2,781 × 4,096; MB JournĂ©e de l'ArmĂ©e d'Afrique 2,269 × 3,479; MB JournĂ©e de Paris. 14 Juillet 1915 au profit des oeuvres de guerre de l' 2,525 × 3,783; MB JournĂ©e de Paris. 14 Juillet 1916. Au profit des oeuvres de guerre de l'HĂŽtel de 2,550 × 3,832; MB JournĂ©e des prisonniers de guerre de Vaucluse Jules Flour.jpg 2,171 × 3,000; MB JournĂ©e du FinistĂšre 1915 ThĂ©ophile Deyrolle.jpg 1,995 × 2,949; MB JournĂ©e du poilu 1,650 × 2,274; 275 KB JournĂ©es de l’HĂ©rault 1916 Adolphe LĂ©on Willette.jpg 2,253 × 3,000; MB JournĂ©es de Seine et Marne 1917 Adolphe LĂ©on Willette.jpg 1,820 × 2,720; MB L' 640 × 997; 358 KB La journĂ©e du poilu 2,696 × 3,936; MB Le coq gaulois vainqueur de l'aigle 2,112 × 2,816; MB Le Retour au foyer Maurice Neumont.jpg 1,498 × 2,147; 689 KB Le salut au pinard. Dessin de R. Serrey. 1917..jpg 604 × 640; 168 KB Les oreilles ennemies 666 × 466; 100 KB Lucien 640 × 841; 428 KB Mobilisation GĂ©nĂ©rale 3,367 × 4,457; MB OhĂ©! Les braves gens . . . Versez votre or nous versons bien notre sang . . . 702 × 1,024; 163 KB On Ne Passe Pas 1,021 × 1,402; 513 KB On se boit une bouteille de 640 × 1,009; 293 KB Ordre de Mobilisation gĂ©nĂ©rale 2 aoĂ»t 1914 cropped for wikisource.jpg 7,543 × 8,500; MB Ordre de Mobilisation gĂ©nĂ©rale 2 aoĂ»t 8,105 × 10,225; MB Panneau scolaire contre l' 773 × 640; 248 KB Panonceau de la Ligue antiallemande 1915.jpg 384 × 733; 191 KB Plantez des pommes de terre 2,244 × 3,425; MB Proclamation a la population de LunĂ©ville. Les troupes allemandes se sont emparĂ©es de la Ville de LunĂ©ville. 12504367554.jpg 1,138 × 2,000; MB Relations of France and the United States art detail, from- American Fund for French Wounded cropped.jpg 453 × 638; 45 KB Revanche Carte 474 × 640; 105 KB Saint-Denis avis aoĂ»t 2,448 × 3,264; MB Soldat, La Patrie Compte Sur 918 × 1,243; 936 KB Statue of Liberty art in 1917 detail, from- Statueoflibertyd cropped.jpg 1,305 × 1,635; MB 2,440 × 3,766; MB 2,440 × 3,778; 570 KB ThĂ©ophile Alexandre Steinlen 25 Juin 1916 - JournĂ©e 3,754 × 5,657; MB Un dernier effort et on l' 2,126 × 3,000; MB Vin aux 640 × 931; 333 KB Visions de Guerre, rue Edouard VII bd des Capucines. Grands dioramas des Allies..., les batailles, les ruines. La Vie dans les tranchĂ©es... Panorama naval par L. Tinayre , destruction du 2,133 × 1,744; 844 KB W2280-Affiche14-18 Conseils 2,780 × 3,724; MB W2281-Affiche14-18 Mobilisation14 2,609 × 3,371; MB W2282-Affiche14-18 Mobilisation14 2,803 × 3,723; MB W2283-Affiche14-18 Precautions 2,828 × 3,915; 5 MB W2284-Affiche14-18 Precautions 2,715 × 3,875; MB W2285-Affiche14-18 Silence 3,914 × 2,902; MB W2286-Affiche14-18 Tombola 2,693 × 3,750; MB W2287-Affiche14-18 Tribuns 2,931 × 4,033; MB W2288-Affiche14-18 Versez 2,981 × 4,145; MB W2289-Affiche14-18 PoiluType 0 3,866 × 2,885; MB W2290-Affiche14-18 PoiluType 1 GrandChef 2,113 × 3,163; MB W2291-Affiche14-18 PoiluType 2 VieuxGarcon 2,113 × 3,168; MB W2292-Affiche14-18 PoiluType 3 Parigot 2,113 × 3,168; MB W2293-Affiche14-18 PoiluType 4 Vicomte 2,112 × 3,168; MB W2294-Affiche14-18 PoiluType 5 PereFamille 2,113 × 3,168; MB W2295-Affiche14-18 PoiluType 6 VieuxBrave 2,113 × 3,168; MB W2296-Affiche14-18 PoiluType 7 Breton 2,113 × 3,168; MB W2297-Affiche14-18 PoiluType 8 Socialo 2,113 × 3,168; MB W2298-Affiche14-18 PoiluType 9 Rigouillard 2,113 × 3,168; MB W2299-Affiche14-18 PoiluType 10 Commis 2,113 × 3,168; MB W2300-Affiche14-18 PoiluType 11 JeanPierre 2,113 × 3,163; MB W2301-Affiche14-18 PoiluType 12 Vicaire 2,113 × 3,168; MB À la Gloire de Jean Corentin CarrĂ© Victor ProuvĂ©.jpg 1,499 × 1,893; 707 KB

LĂ©cole libre des JĂ©suites de Saint-Ignace, rue Saint-SĂ©bastien fut transformĂ©e dĂšs 1914 en hĂŽpital auxiliaire ; la vue de la grande salle, laisse penser combien il Ă©tait difficile de faire face Ă  l’afflux des malades Dans le cimetiĂšre militaire de Rembercourt-aux-Pots, la tombe de Jean-Corentin CarrĂ©, mort Ă  tout juste 18 ans. MalgrĂ© son jeune Ăąge, le Breton Ă©tait un vĂ©tĂ©ran dĂ©corĂ© de la Croix de Guerre avec citations. Un symbole de toute une gĂ©nĂ©ration d'enfants-adolescents qui ont rejoint le front, et pris les armes aux cĂŽtĂ©s de leurs aĂźnĂ©s... NĂ© en 1900, Jean-Corentin CarrĂ© est le produit de l'Ă©cole de la IIIĂšme RĂ©publique qui inculque aux Ă©lĂšves le patriotisme et la nostalgie des provinces perdues » d'Alsace-Lorraine. Lorsque la guerre Ă©clate, certains vont vouloir s'engager, bien que n' ayant pas les 17 ans requis pour le faire. Un phĂ©nomĂšne qui touche tous les pays belligĂ©rants. Pour endosser l'uniforme, ces jeunes n'hĂ©sitent pas Ă  prendre un faux nom et Ă  mentir sur leur Ăąge. Histoires 14-18 Jean-Corentin CarrĂ©, l'adolescent soldat ‱ ©France 3 Jean-Corentin CarrĂ© s'engage Ă  15 ans en se disant nĂ© dans les Ardennes, dĂ©partement occupĂ© par les Allemands, ce qui rend toute vĂ©rification impossible. Son baptĂȘme du feu a lieu dans la Marne. L'adolescent fait preuve d'un grand courage et multiplie les faits d'armes, gagnant ses galons de caporal. A 16 ans il connaĂźt l'enfer de Verdun.... et est promu sergent. En 1917, il dĂ©cide de rĂ©vĂ©ler son identitĂ©. Le Petit Parisien consacre un article au jeune Breton... une vĂ©ritable aubaine pour la propagande ! Mais le jeune gradĂ© ne supporte pas d'avoir la responsabilitĂ© de cinquante vies humaines sous ses ordres. Il demande et obtient son transfert dans l'aviation. Il rĂȘve d'action mais est affectĂ© dans une unitĂ© d'observation. Le 18 mars 1918, il est tuĂ© aux commandes de son appareil. Un an plus tard, le ministĂšre de l'Instruction Publique fait rĂ©aliser une affiche Ă  sa gloire qui ornera les salles de la collection des 670 vidĂ©os Histoires 14-18 le site Histoires 14-18 le compte twitter Histoires1418 la page facebook Histoires 14-18
\n\n \n\n \naffiche à la gloire de jean corentin carré
Lapériode scolaire va bientÎt s'achever. Les élÚves de la 6e à la 3e du collÚge Jean-Corentin-Carré, avec la complicité de l'équipe enseignante, ont, tout
Temps de lecture estimĂ© 9minsPour sa toute troisiĂšme carte blanche, notre invitĂ© de la semaine, le photographe français Corentin Fohlen, pousse un coup de gueule sur le nombre de structures grandissantes qui font de la photographie un juteux business sur le dos
 des photographes. Combien de prix, de bourses, de concours et de festivals exigent des frais de participation toujours plus importants ? Aujourd’hui la vigilance est de mise, car il faut parfois fouiller loin dans les rĂšglements pour trouver des conditions parfaitement abusives. Payer pour soumettre un dossier, payer pour exposer, droits de reprĂ©sentation non versĂ©s, financer son exposition
 Le moment n’est-il pas venu de dire STOP »? Je voudrais aborder le problĂšme de l’augmentation incessant du nombre de prix, festivals, et lectures de portfolio dont l’entrĂ©e est payante pour le photographe. Vous me direz c’est un problĂšme minime et personnel qui ne concerne que les photographes qui acceptent de payer parfois 10, 30 ou 100 euros et parfois plus pour envoyer leurs travaux photographiques Ă  un concours. Mais l’explosion de ce business, trĂšs certainement juteux, pose problĂšme. D’abord je ne suis pas certain que ce genre d’arnaques n’attire que de riches photographes avides de reconnaissance et de gloire et qui pourraient juste vouloir se faire plaisir. A force de se dĂ©velopper dans le paysage photographique, il donne l’impression Ă  bon nombres de photographes que passer par ces rĂ©seaux serait le seul ou le meilleur moyen de voir son travail mis en lumiĂšre. Voir le seul moyen d’ĂȘtre mis en contact avec le milieu. Quand on voit que ces prix – souvent créés Ă  l’étranger – sont parfois soutenus par de trĂšs sĂ©rieux mĂ©dias, ou que les jurys comprennent d’illustres figures du mĂ©tier, on ne doute pas de l’attrait qu’il peuvent avoir. Sans aucun sĂ©rieux retour concernant les retombĂ©es rĂ©elles pour les photographes. Lens Culture en est le plus gros reprĂ©sentant une petite dizaine de prix, des dizaines ou centaines d’euros de participation par candidat pour une toute relative reconnaissance. Leurs prix font Ă  la fois rĂȘver », sans pour autant ĂȘtre rĂ©ellement reconnus, Ă  l’instar des vĂ©ritables prix photos professionnels – dont la participation est gratuite – comme le World Press, le Visa d’Or, etc
 Il n’y a aucun retour ni contrĂŽle sur cette industrie du international Award ». Ils ont créé 6 prix, Ă©talĂ©s sur toute l’annĂ©e. Tous payant. Ils proposent Ă©galement une expertise professionnelle de votre travail, moyennant finances, et vendent 25 dollars le catalogue des laurĂ©ats chaque annĂ©e, etc
 Un vrai business juteux, créé par un mystĂ©rieux Jim Casper, dont le seul talent est de gĂ©rer ce site, devenue une rĂ©fĂ©rence par le seul talent d’ĂȘtre omniprĂ©sent. D’autres se sont fait une spĂ©cialitĂ© de dĂ©cliner une sĂ©rie d’appellations d’acronymes comprenant tous international », award » et/ou photo » dans le nom. En rĂ©alitĂ© ils reprennent les mĂȘmes fonctionnements, le mĂȘme design de site en se calquant les uns les autres. On sent derriĂšre le mĂȘme petit malin qui dĂ©cline Ă  l’envie un systĂšme qui semble fonctionner. Les membres des jurys sont de mystĂ©rieux photographes, curateurs et Ă©diteurs venant de tout pays. De nombreux prix ont mĂȘme créé un systĂšme de mĂ©dailles virtuelles Ă  gagner qui se cumulent moyennant Ă  chaque fois paiement pour vous faire aboutir Ă  un classement toujours plus prestigieux des photographes mondiaux dont bizarrement les laurĂ©ats sont d’obscurs inconnus, trĂšs souvent photographes amateurs, aux images plus que stĂ©rĂ©otypĂ©es. Un confrĂšre qui m’en expliquait le fonctionnement m’a confiĂ© qu’il avait calculĂ© que, pour atteindre la premiĂšre place, Ă  condition de tout gagner du premier coup sans ĂȘtre recalĂ©, le laurĂ©at devait au minimum payer 40 000 euros ! Je suis tombĂ© un jour sur une bourse dont la simple participation d’entrĂ©e envoyer son dossier par mail Ă©tait de 250 dollars 
 pour une seule bourse Ă  hauteur de 
 2000 dollars ! Ainsi seuls 8 participants Ă  la bourse permettent de financer la bourse elle-mĂȘme ! Ensuite c’est du pur bĂ©nĂ©fice pour l’organisateur. Car si on multiplie les frais d’entrĂ©e des prix pouvant monter parfois Ă  une centaine de dollars selon le nombre de photos envoyĂ©es par le nombre de candidats Ă  chaque Ă©dition de ces concours, on doit pouvoir dĂ©passer les dizaines, voire centaines de milliers de dollars dans les poches de l’organisateur
 pour quelques milliers reversĂ©s aux laurĂ©ats. OĂč va le reste de l’argent? A qui profite rĂ©ellement ces prix? Aux photographes ou Ă  son ou ses organisateurs. La rĂ©ponse est dans la question. Au nom d’un soutien glorificateur et d’une mise en lumiĂšre du photographe, un business extrĂȘmement rentable est créé sur le dos du mĂ©tier, de notre profession. Multipliez ce genre de prix par une petite centaine que j’ai Ă  la louche recensĂ© et on ne pourra plus dire qu’il n’y a pas d’argent dans le mĂ©tier des centaines de milliers d’euros circulent
. financĂ©s par les photographes eux-mĂȘmes ! Une vĂ©ritable loterie. De mĂȘme, de plus en plus de mystĂ©rieuses revues d’art me contactent rĂ©guliĂšrement pour publier dans leurs pages mon book
 Ă  la seule condition que je paie parfois 250 euros la page ! Des revues inconnues, qui vous vendent du prestige mais qui jouent sur la naĂŻvetĂ© ou l’espoir des photographes. De la mĂȘme maniĂšre, les lectures de portfolio payantes me dĂ©rangent Ă©normĂ©ment. Il y a quelques annĂ©es encore, les lectures de portfolio n’existaient pas. Pour montrer son travail, il suffisait simplement d’appeler, se rendre au siĂšge d’un journal, d’une revue, ou pousser la porte d’une galerie
 afin de montrer son book, ses reportages. C’est encore possible, c’est trĂšs simple, la plupart des Ă©diteurs ou curateurs sont facilement accessibles. Et gratuitement. La lecture de portfolio part d’un bon sentiment mettre plus aisĂ©ment en lien les acteurs du mĂ©tier et les producteurs d’images. Mais demander Ă  un jeune dans le mĂ©tier photographe de dĂ©bourser quelques dizaines d’euros pour montrer le fruit de son travail est scandaleux. Payer le lecteur de portfolio, qui s’est dĂ©placĂ© et a pris du temps pour cela, me parait tout Ă  fait normal, la n’est pas le problĂšme, mais ce n’est pas Ă  un photographe d’investir. Une fois de plus on demande au photographe de payer pour simplement montrer son travail. Sans bien Ă©videmment aucune assurance de publication. Le mĂ©tier Ă©tant en crise, il est aisĂ© de deviner que la plupart des photographes n’auront aucun retour sur investissement. Le milieu fait son marchĂ© », mais c’est le photographe qui en paie le coĂ»t. Si vous voulez rĂ©ellement aider les photographes, trouvez d’abord un budget pour organiser ce genre d’évĂšnements. Dans le mĂȘme genre, la multiplication des workshop de luxe au tarif abusif 1500 euros pour passer trois jours avec un grand photographe prestigieux est dĂ©rangeante. De nombreux photographes en devenir professionnel pensent qu’il faut absolument passer par ces cours pour afficher le mentor dans leur CV rĂ©vĂ©lation le fait d’avoir suivi les cours d’une star de la photo ne fait pas de vous spĂ©cialement un bon photographe. Quitte Ă  sacrifier des sommes indĂ©centes. Des grandes agences prestigieuses en ont fait un business juteux. Pour le mĂȘme tarif, les photographes reconnus devraient plutĂŽt leur dire de ne pas dĂ©penser inutilement cette somme mais de l’utiliser pour rĂ©aliser un reportage ! VoilĂ  le meilleur des conseils. c’est cadeau, je vous offre gratos mon conseil de pro 😉 Une fois de plus c’est jouer sur le rĂȘve et l’espoir de jeunes de plus en plus nombreux Ă  vouloir devenir photographe qui me dĂ©range. Alors que le mĂ©tier est de plus en plus difficile, moins rĂ©munĂ©rateur et que la crise va en laisser pas mal sur le carreau. Pas le fait qu’un riche retraitĂ© puisse se faire plaisir en suivant des cours onĂ©reux. Quand je contacte les organisateurs des festivals, lectures ou prix dont la parfois prĂ©-selection sic! ou la simple participation est payante – ou qu’il n’y a pas de droits d’auteurs, ni de frais remboursĂ©s pour le dĂ©placement et l’hĂ©bergement afin d’ĂȘtre prĂ©sent le jour du vernissage – pour leur faire remarquer qu’il est indĂ©cent de demander Ă  des photographes prĂ©caires, dont le mĂ©tier est en crise, de payer pour participer Ă  une loterie, j’ai systĂ©matiquement en retour l’argument que c’est parce qu’ils ont un tout petit budget, qu’ils sont bĂ©nĂ©voles, etc
 A cela je leur rĂ©ponds que mĂȘme s’ils ont un petit budget, bizarrement le photographe pourtant promoteur de leur Ă©vĂšnement est le dernier sur la liste Ă  ĂȘtre payĂ©. Pourquoi l’hĂŽtel, le restaurateur du buffet, le loueur de la salle ou mĂȘme l’imprimeur de l’affiche rentreraient dans le budget du festival, mais pas les photographes exposĂ©s? Au prĂ©texte que les photos existent dĂ©jĂ ? Au prĂ©texte que cela leur fera de la visibilitĂ© » en indiquant leur crĂ©dit vous savez, ce fameux argument qui doit apparemment suffire pour faire vivre les photographes
 ? Ou qu’ils pourront vendre leur tirage ou livre et donc avoir retour sur investissement? mais qui vit de la vente de ses tirages ou livres en France?. C’est en sous-main c’est ce qu’ils doivent penser ou parfois me disent. En rĂ©alitĂ© imaginer payer un photographe alors qu’on leur organise » un Ă©vĂšnement Ă  leur gloire leur est inimaginable. Les photos existent dĂ©jĂ , donc cela ne nous coĂ»te rien de venir les prĂ©senter. Souvent, je leur rĂ©torque que les photographes n’ont pas besoin de ces Ă©vĂšnements pour exister. A l’heure des rĂ©seaux sociaux, nous pouvons nous charger de notre propre visibilitĂ© ». Par contre s’ils veulent vraiment crĂ©er un festival autour de la photographie, c’est d’abord Ă  eux de trouver un budget dĂ©cent pour faire venir et rĂ©munĂ©rer les auteurs. S’ils ne trouvent pas, ce n’est pas grave de ne pas crĂ©er un festival souvent pourtant financĂ© par la ville, le dĂ©partement, la rĂ©gion, des sponsors dont ils sont trĂšs fiers de mettre en avant avec les logos sur leur site et affiche. Nous, les photographes, pouvons nous en passer. On ne vous en voudra pas de ne pas exister. J’ai l’impression que de plus en plus de jeunes photographes pensent sincĂšrement qu’il faille en passer par lĂ  pour faire la diffĂ©rence, sortir du lot, Ă©merger de la masse. Je les comprends, ils n’ont pas tort de vouloir tout faire pour se faire remarquer. Mais payer pour montrer son travail est une ineptie rarement productive. Il est temps de mettre fin Ă  certains abus, voire arnaques. Nous avons le seul mĂ©tier oĂč payer pour exercer est d’entrĂ©e de jeu intĂ©grĂ© dans notre esprit on paye notre matĂ©riel photos, nos ordinateurs, nos billets de train, d’avion, notre hĂŽtel, nos repas pour nous rendre sur le terrain, on paie de notre temps, de notre investissement psychique et moral, on sacrifie tout pour ce mĂ©tier. C’est dĂ©jĂ  une charge Ă©norme. Il n’est pas normal de nous demander en plus de payer pour ĂȘtre visible.
4j5OOPF.
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  • affiche Ă  la gloire de jean corentin carrĂ©